Nous y voilà, nous y sommes …
Il y a un an exactement, dans la stupeur des premiers jours du premier confinement, nous publiions dans Voyageons Autrement le magnifique texte de Fred Vargas : « Nous y voilà, nous y sommes » (arrivés au Grand Virage, juste avant le mur). En y croyant… à moitié. A moitié seulement, j’avoue. Et puis, il y a un mois, comme Jean Pinard rappelait que les véritables (r)évolutions voyaient le jour en temps de crise car sinon, la résistance au changement inhérente à la nature humaine était trop forte, j’ai eu envie d’aller y regarder de plus près. D’aller voir si cette fois, grands dieux, on avait le droit d’y croire. Ou pas.

J’ai commencé à interroger Untel qui m’a conseillé d’en parler à Unetelle et c’est comme ça que, de fil en aiguille, la pelote s’est déroulée jusqu’à ce que j’aie effectué un tour complet du tourisme hexagonal : près de 30 intervenants, du petit acteur de terrain ayant réussi sa « meilleure saison en 15 ans » à la patronne d’Atout France qui m’a créé l’une des (rares) surprises de ma vie, en passant par cet investisseur qui se réjouissait à l’idée que le gouvernement ne pourrait pas « toujours » aider financièrement les hôteliers, parce qu’à ce moment-là, il y aurait « de superbes opportunités à saisir ». Eh oui on vit sur terre, pas sur Vénus.
La première chose qui a vraiment fait tilt, une fois constaté qu’en effet, pour certains, cette pandémie était une vraie catastrophe, et je compatis – SINCÈREMENT – mais ce n’est pas de cela dont je veux causer ici, mais de notre avenir en commun car, comme disait Malraux : « Les événements sont l’écume des choses, c’est la mer qui m’intéresse ». La première chose donc qui m’a accroché l’oreille fut d’entendre au moins trois fois (LE marqueur d’une info importante) que c’était « le monde à l’envers ». Les destinations phares qui d’ordinaire accaparaient l’essentiel des visiteurs avaient fait un bide, tandis que le minuscule camping du hameau de Queaux, dans la Vienne, et ses mini-concerts nocturnes avait été « blindé de chez blindé » aux dires de la conseillère générale locale. Et le grand gagnant de la saison, c’était qui ?… le vélo, Paulo ; dont on ne trouvait plus en boutique un seul modèle tenant la route : tous vendus !
Bien entendu, l’affaire ne se résume pas à cela. Il y a mille éléments à mettre en lumière : que notre pays s’en est mieux sorti que les autres parce que ses premiers visiteurs sont… Français. A 70% ! Ce que découvrent nos gouvernants avec une innocence frisant l’insanité. Mais ils en prennent note et c’est déjà ça. Que TOUTES les grandes tendances annoncées depuis des années se confirment : retour à la nature et à l’authentique, à l’expérience humaine, à un chouia de responsabilité, qu’on partirait moins loin et plus souvent (une véritable explosion du tourisme de proximité !) ; initiatives résilientes fleurissant à foison, « géants » du tourisme trouvant (enfin) le temps de s’intéresser à leur impact carbone, triomphe des gites et des campings et, surtout, des parcs naturels (« parc » : premier mot clé tapé par les Français) ; montée en puissance de l’importance factuelle des CDT et CRT, énormes problèmes de maitrise des flux (route de Grenoble au Vercors bouchée par les embouteillages !), etc. etc. Nous voici pris dans un vaste accélérateur de particules où, en faisant se cogner des « je » contre des « tu », la planète essaye de créer des « Nous »…
Je raconterai tout ça en détails sur VA, mais ma vraie surprise est d’avoir entendu les gens installés aux postes les plus importants commencer leur discours par le mot « humilité » et le terminer par des mesures concrètes. Du jamais vu.
Il y aurait donc, en ce moment-même, quand tout va mal, un syndrome Churchill à l’œuvre : the right (Wo)men at the right places ?… Quand j’entends Christian Mourisard, président d’ADN Tourisme (réunissant toutes les institutions locales dédiées au tourisme) se réjouir que « Pour la première fois, on travaille dans notre pays dans la transversalité. En découvrant qu’on a besoin des autres et que rien de valable ne pourra se faire qu’ensemble ». Puis quand, à la toute fin de mon enquête, je me résigne à me tourner vers Atout France, organisme semblant avoir été créé dans l’unique but de me décevoir, et que j’entends sa nouvelle patronne, Caroline Leboucher, en référer à Michael Dodds et assurer qu’elle était « personnellement, intimement, convaincue de la nécessité de se tourner vers le tourisme durable » avant de me sortir une liste d’actions entreprises dans ce sens longue comme un jour sans sortie, parce que son objectif est : « de faire de notre pays, d’ici 5 ans, le leader européen du tourisme durable », je ne peux m’empêcher de me dire : « Et si c’était vrai ? Vrai… pour de vrai ! Si tu avais vu juste, Fred, ôh ?! »
LES AUTRES ARTICLES DE CE DOSSIER :
La Feuille de chou #7
- L'édito de la Feuille de chou #7
- Brèves – On s’engage !
- 2021 : Année européenne du rail !
- Nous y voilà, nous y sommes ...
- En Auvergne-Rhône-Alpes le tourisme se veut résolument bienveillant !
- Lancement du fonds Essentiem, pivot opérationnel du dispositif « tourisme bienveillant »
- Un guide pour voyager autrement en France
- Lancement des États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne
- Tourisme social : des ailleurs accessibles à tous !
- Réserves Internationales Ciel Etoilé : un peu plus près des étoiles
Par Jerome Bourgine
Ecrire et voyager. Voyager et écrire... Depuis 50 ans.
Les 5 derniers articles de Jerome Bourgine
- David contre Goliath à Bali : La lutte pour la justice à Gili Trawangan
- Naviguons autrement : l’engagement d’Olivia
- Greengo ou l’éthique en marche
- Association Mercantour Ecotourisme : retour sur une dynamique exemplaire
- Pyréneo : comme son nom l’indique !
Voir tous les articles de Jerome Bourgine