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Lancement à Métabief des États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne

| Publié le 3 avril 2021
             

Les 16 et 17 mars derniers, la petite station de ski de Métabief dans le Haut-Jura a été le théâtre d’un événement aussi novateur que prometteur: le lancement des États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne, portés notamment par les associations Transition des Territoires de Montagne, Mountain Wilderness et une grande partie de l’écosystème montagnard. Ces deux journées ont été rythmées par des interventions de tous bords, des ateliers de travail, des visites à des centres de formation… Retour sur ces riches moments à travers le prisme de trois de ses participants: Nicolas Plain, ingénieur et explorateur, Julien Ruelle, en charge des activités de pleine nature au Parc Naturel Régional du Haut-Jura et Pierre Torrente, président de l’association Transition des Territoires de Montagne et enseignant-chercheur travaillant sur ces problématiques.

Visuel du lancement des États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne
Une première dans l’histoire des territoires de montagne: le lancement de ces États Généraux qui posent les bases de leur transition à la fois économique et écologique. / ©Mountain Wilderness

Imaginer ensemble un nouveau modèle de tourisme en montagne

Mais avant de rendre compte de l’événement en lui-même, revenons d’abord sur les raisons profondes pour lesquelles il a été organisé. Plus que toute autre région, les zones de montagne sont à l’avant-poste du changement climatique et de ce fait les premiers témoins de ses conséquences sur le milieu naturel. Territoire de moyenne montagne, le Jura est confronté aux effets de ce changement depuis plusieurs décennies. Les scénarios prévisionnels du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) se confirment et mettent en garde sur un horizon très incertain d’ici 20 à 30 ans quant à la possibilité de maintenir une activité de ski alpin viable sur les massifs de moyenne altitude. Aujourd’hui encore, les stations de ski des différents massifs ont beaucoup recours à la neige de culture mais cela se fait souvent au détriment de la ressource en eau nécessaire à sa fabrication et renforce l’érosion des sols. Cela exige également la construction de coûteuses infrastructures qui pèsent sur les dépenses publiques. Les rencontres de Métabief posent ainsi la question cruciale de cette dépendance, comment on peut en sortir et imaginer un nouveau modèle de tourisme en montagne sans pour autant totalement renier l’ancien. Ces rencontres marquent aussi la volonté d’action de la présidence française de la SUERA (Stratégie de l’Union Européenne pour la Région Alpine) d’accompagner des stations de montagne engagées dans leur transition écologique et leur diversification au fil des saisons. À travers cette présidence prolongée en 2021, la France met un point d’honneur à représenter toute la diversité de l’arc alpin et à soutenir des projets qui permettent d’apporter collectivement des réponses aux 80 millions d’habitants peuplant ce vaste espace. Enfin, caractéristique très importante de ces États Généraux qui révèle un réel désir d’action commune: la présence d’un très grand nombre d’acteurs de l’écosystème montagnard. Au même titre que les représentants officiels de l’État et des régions, ceux des différents syndicats des guides et accompagnateurs en moyenne montagne, des gardiens de refuges, des moniteurs de ski, des clubs alpins français mais aussi des responsables des domaines skiables ont tous répondu présents à l’appel. Une première qui fera date dans l’histoire des territoires de montagne et montre la volonté de travailler ensemble et d’aller de l’avant sur ces problématiques complexes.

Dans ce documentaire, Nicolas Plain part à la rencontre des acteurs locaux qui travaillent à la transition du modèle touristique pour la station de Métabief. / ©Nicolas Plain & EUSALP

Agir dès maintenant car dans dix ans, c’est demain

Originaire du village de Saint-Paul-de-Varces dans le Vercors, Nicolas Plain est un jeune homme débordant d’idées et de projets. Diplômé de l’École Polytechnique, de celle des Ponts et Chaussées et de l’Université de Berkeley, il a effectué une thèse à l’Université Joseph Fournier de Grenoble sur les solutions mises en place pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Il a notamment travaillé sur des projets d’accès à l’électricité dans certaines zones du continent africain car pour lui, action sociale et environnementale sont inextricablement liées. Parallèlement à cela, il a créé fin 2015 l’association En l’Air pour la Terre, qui réalise des interviews de scientifiques sur les sujets du développement durable et des énergies renouvelables. Ces dernières, qui se veulent accessibles pour le grand public, sont souvent effectuées à bord d’un parapente biplace survolant de majestueux paysages. Ce vecteur de communication original lui permet d’ajouter une note ludique au discours scientifique. Le documentaire préparé depuis fin 2020 à Métabief s’inscrit dans cette tonalité aussi enjouée qu’informative. Désirant montrer le challenge que constitue cette transition comme une opportunité positive, il part à la rencontre d’hommes et de femmes qui souhaitent ‘créer ensemble des sociétés de montagne plus durables et résilientes.’ Comme Fanny Girod, monitrice de ski depuis 25 ans à la Chapelle-des-Bois qui va progressivement orienter son activité vers le yoga adapté au ski de fond et le ressourcement personnel. Ou encore Sylvain Authier, chef des pistes de la station de Métabief. Ce dernier remarque de façon cruciale le manque d’enneigement moyen d’année en année. Son constat est sans appel: ‘sans la neige de culture, on serait fermés, tout simplement.’ Pour Sylvain, on doit mettre en place dès aujourd’hui les conditions nécessaires pour faciliter cette transition car ‘dans dix ans, c’est demain.’ Moteur de l’économie touristique de la région, Métabief doit se placer au coeur de cette transition en offrant le plus large panel d’activités possibles à l’année: luge quatre saisons, randonnée ludique, VTT, escalade, tir à l’arc… Est également mise en lumière l’importance de la formation aux compétences pour permettre à la jeunesse jurassienne d’avoir les moyens nécessaires et la confiance en ce processus de transition. Nicolas Plain se montre résolument optimiste quant au futur de ces territoires: le Jura devient un laboratoire de la transition en montagne à partir duquel on peut imaginer ‘trouver des solutions qui vont être réplicables ailleurs.’

Nicolas Plain survolant le massif du Mont-Blanc à bord de son parapente équipé de capteurs permettant de mesurer la qualité de l’air. / ©Nicolas Plain

Un nécessaire développement de pratiques quatre saisons

Dans une optique similaire à la station de Métabief, le Parc Naturel Régional du Haut-Jura a récemment mis en place le programme Quiétude Attitude, visant à développer une ‘approche consciente et raisonnée des activités de plein air.’ Il sensibilise à l’importance de concilier empreinte humaine et préservation de la biodiversité. Créé en 1986, ce Parc se déploie sur un vaste territoire regroupant une centaine de communes et une dizaine de communautés de communes. Il s’enorgueillit d’un riche patrimoine tant naturel qu’architectural: de petits villages remarquablement préservés essaiment une campagne bucolique et une nature qui invite à l’exploration et au ressourcement. Le Parc a été dès ses débuts un moteur reconnu d’un développement doux du territoire. Mais depuis 2017, il a souhaité passer à la vitesse supérieure en travaillant à la mise en place de ce programme global et fédérateur qui comprend plusieurs volets de formation et de sensibilisation. En charge des activités de pleine nature pour le compte du Parc, Julien Ruelle part des constats suivants lors de sa prise de parole aux États Généraux: la massification des activités outdoor et le besoin grandissant de liberté et d’espace, la nature comme exutoire, phénomène renforcé par la crise sanitaire que nous traversons collectivement depuis plus d’un an. Ce contexte particulier a mis en exergue les micro-aventures ou ‘aventures expérientielles’ largement relayées sur les réseaux sociaux. Se pose alors la question de la gestion des flux et de la consommation de ces espaces. Mais ces problématiques ne provoquent-elles pas finalement des rebonds salutaires pour ces territoires? Elles pointent une nouvelle fois du doigt l’effacement de la saisonnalité et le nécessaire développement de pratiques quatre saisons. Une conclusion qui fait en tout cas écho à celle de Métabief. Julien Ruelle insiste sur la nécessité d’implication commune des acteurs socio-professionnels et des pratiquants: le but est ainsi de ‘co-construire des référentiels’ et de ‘développer le sentiment de fierté d’appartenance à un territoire.’ Un autre discours résolument positif et pragmatique est en train de s’écrire.

Splendeurs de l’automne dans le Parc Naturel Régional du Haut-Jura, riche de son patrimoine naturel et culturel. / ©jura-tourism.com

Une transition réussie qui doit être pensée dans sa globalité

Pierre Torrente, président de l’association Transition des Territoires de Montagne et directeur du campus des métiers pyrénéens à Foix en Ariège, connaît bien toutes ces problématiques aussi complexes que passionnantes. Il tient tout d’abord à saluer la tenue de l’événement en elle-même car ‘à Métabief, tout le monde est monté sur l’estrade.’ La condition était que l’ensemble des acteurs de l’écosystème montagnard répondent présents sinon ces États Généraux n’avaient pas lieu d’être. Chacun semble prêt à écouter l’autre, ce qui est un véritable gage de sérieux et de pérennité. ‘C’est une première victoire, qui marque un engagement fort et une volonté de travailler ensemble. La communauté montagnarde rassemblée voit haut et loin.’ Autre point important que souligne Pierre Torrente: ‘le tourisme en montagne réussira sa transition dans un écosystème et non en dehors de lui.’ Il doit être pensé dans sa globalité et associé à d’autres secteurs d’activités tels que l’agriculture durable, l’artisanat de qualité… Il faut redonner une place à tous ces secteurs pour faire baisser la pression sur le tourisme. ‘Si on veut sauver les stations, il faut redéployer d’autres secteurs.’ D’où l’idée centrale d’inscrire le futur de la station de Métabief dans une vision globale du territoire jurassien. On assiste ainsi à ‘la fin de la modélisation unique du tourisme sur un territoire.’ Enfin, il partage avec Nicolas Plain une vision résolument optimiste de l’avenir car le changement climatique peut être considéré non uniquement comme une fatalité mais comme une véritable chance pour la montagne. Les stations de ski étaient auparavant pensées comme des équipements qui ne pouvaient avoir d’autre fonction et n’avaient ainsi aucune capacité de réversibilité. La volonté actuelle de diversification des activités en montagne pousse aujourd’hui dans une toute autre direction garante d’une plus grande adaptabilité. Une inflexion source de nombreuses opportunités dans le futur!

Au cours de ces deux journées, les États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne ont posé de nouveaux jalons et initié une vision prometteuse de l’avenir de ces territoires. Le processus est enclenché et le gros du travail reste à accomplir. Dès maintenant, des ateliers sont organisés dans différents massifs français pour capter toutes les initiatives, faire un échange de bonnes pratiques et ainsi forger un socle commun. Le prochain rendez-vous est pris les 23 et 24 septembre pour une restitution de ces ateliers lors d’une assemblée plénière en duplex de tous ces territoires. On a déjà hâte de savoir ce qui va en ressortir!

Merci à Nicolas Plain et à Pierre Torrente pour leurs précieux renseignements qui ont contribué à la rédaction de cet article.

Lien de la retransmission de ces États Généraux: https://www.youtube.com/channel/UCnuSLXuXjsUQvboMQst26Mw


Lancement à Métabief des États Généraux de la Transition du Tourisme en Montagne | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Vanessa Beucher
Photographe, journaliste & traductrice basée à la Grave dans le massif des Ecrins
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