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Chapitre 2 : les (nouveaux ?) problèmes

| Publié le 9 avril 2021
             

Satanée dynamique des flux !

Si certains pensèrent un moment que les problèmes de sur-tourisme rencontrés au sortir du premier confinement étaient dus à un simple effet « bouchon de champagne », la suite des événements démontra vite le contraire. Qu’il s’agisse, entre autres dizaines d’exemples et été comme hiver, des parkings des Parcs Naturels d’un seul coup sous-dimensionnés, de la route reliant Grenoble au Vercors régulièrement embouteillée ou des 10.000 (Dix mille !) personnes se présentant le même jour au Lac Blanc (Vosges) pour y faire de la luge, les problèmes de flux (annoncés par les experts depuis deux décennies déjà, mais passons) furent le plus gros point noir posé par l’actuel renouveau du tourisme intérieur. « Allez, hop, tout le monde à la campagne » (air connu), c’est bien joli, mais quand c’est tous à la fois, ça coince. « Tous les maires réclamaient à corps et à cris des touristes et, à présent qu’ils les ont, ils ne cessent d’appeler au secours pour savoir comment faire, constate Pierre Torrente. Indiscutablement, le principal chantier du tourisme des années à venir va consister à apprendre à GERER : les flux, les déchets, les matières premières ! Ce n’est pas un jugement mais un simple constat. Il nous faut prévoir. Et vite !». D’autant plus vite que le cru 2021 s’annonce comme ayant de nombreux points communs avec celui de l’année passée. D’où l’importance de l’observatoire national et de sa « cellule d’anticipation » (yes !) promis par Atout France pour la fin de l’année.

« La gestion des flux était déjà un problème avant, mais il devient critique, reconnait Caroline Leboucher, la directrice de ce GIE. De ce côté, la technologie peut constituer un précieux renfort ; je pense à des programmes comme Affluence ou Patrivia. Et la collaboration expérimentale entre la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Waze fut également prometteuse. Mais bien entendu, il faut traiter le problème à sa source. Raison pour laquelle, de notre côté, nous avons élargi la sélection des destinations que nous mettons en avant pour ne pas engorger davantage les « musts ».

« Il faut enrichir et diversifier l’offre !! » Telle est l’injonction martelée par tous les experts et observateurs avertis. « Ce n’est pas non plus comme si on partait de rien, souligne Jean-Pierre Martinetti. Les filières d’avenir sont connues, on en parle depuis des années : slowtourisme, circuits courts, tourisme de caractère et expérientiel, etc. » Un appel entendu par nombre d’institutionnels (et plus ou moins prestement mis en œuvre)… « Pour favoriser la répartition des flux, nous avons restructuré l’offre régionale en 10 destinations distinctes, explique Audrey Legardeur, en Bretagne. Au profit notamment des zones intérieures, plus délaissées d’ordinaire mais cette fois perçues comme plus sécures et authentiques. Et cela a bien fonctionné ».

Attention : fragile !

Autre problèmes de taille : si nombre d’espaces naturels sont devenus des zones « protégées » par un statut de parcs, c’est certes parce qu’étant particulièrement belles et caractéristiques, il convenait de préserver leur naturalité, mais c’est aussi parce qu’elles étaient fragiles ! Or le tourisme de masse, appliqué non plus aux trottoirs bétonnés d’une station balnéaire, mais aux sentiers d’un PNR (pour ceux qui s’y tiennent !), n’a pas les mêmes conséquences. Barrages sur les rivières à truites, feux de camp en plein maquis, mobylettes sur les sentiers pédestres, courses-poursuites avec les marmottes, végétaux piétinés, bambins malmenés par des vaches (eh oui, mon chéri, cette maman-là aussi, elle protège son petit !)… on aura tout vu. Et si vous avez le malheur d’ajouter une assistance électrique à un VTT, vous pourrez suivre à la jumelle les péripéties de caïds citadins s’étant autoproclamés « rois des sommets ». « Une nouvelle clientèle urbaine (et souvent locale) nous arrive pour « consommer la nature », s’inquiète Christophe Bergamini, président de l’OT de la vallée de Kaysenberg. On a ainsi vu cette année des comportements hallucinants, obligeant l’hélicoptère à décoller deux ou trois fois par jour pour sauver des vies. Mais pour les sauver vraiment ! ». D’où les fameux problèmes de « codes » évoqués par nombre d’édiles cet été. Problèmes posés donc par « des gens ne possédant pas les codes ». Un discours assorti par endroit d’une réorientation du marketing et de la communication touristique visant à attirer en priorité une « clientèlecultivée » (prononcez « friquée »). Or tous les acteurs du secteur ayant trois sous de jugeote lancent le même avertissement : « Il ne sert à rien d’interdire ou d’exclure, il faut informer, sensibiliser, éduquer ».

Ce qu’ont choisi de faire les PNR (Parcs Naturels Régionaux), entre autres. « Cela nous renvoie à nos missions de base, rappelle Stéphane Adam, en charge du développement économique de ces parcs. Notre mission est d’accueillir le public le plus large, pas de trier. Nous avons ainsi passé des partenariats avec de grands sportifs, bons vulgarisateurs, et avec des influenceurs qui ont, par exemple, vulgarisé sur le nichage des sternes. Nous croyons en ces solutions non coercitives. La presse locale, les sites de voyage, les guides… tous les moyens doivent être employés car l’engouement pour les activités de nature ne se tarira pas de sitôt, bien au contraire. L’heure est venue de nous organiser et de collaborer, encore et encore, en multipliant les partenariats ».

Encore et encore et encore…

« Il s’agit en effet de faire preuve d’une inlassable pédagogie, insiste Caroline Leboucher. Et d’humour ! Surtout ne pas culpabiliser. La méthode a été essayée ; elle ne fonctionne pas. Réseaux sociaux, bénévoles, ambassadeurs locaux… et pourquoi pas une charte d’engagement comme la pratique l’Islande sur ses visiteurs dès l’aéroport ? ». « Soyons clair, enfonce le clou Pierre Torrente : il n’y a pas de bons et de mauvais touristes, juste des offres qui ne sont pas adaptées. C’est la demande qui fait l’offre, pas le contraire. En France, pour le moment, on n’a ni l’offre ni la demande adéquate. L’offre ? Les acteurs les plus impliqués y travaillent. Quant à la « juste » demande, c’est dès l’école qu’il faut l’enseigner. En arrêtant de penser que les gens ne comprennent pas ; car s’ils ne comprennent pas c’est qu’on leur a mal – ou pas du tout – expliqué. Nous sommes dans une phase transitoire durant laquelle il faut éduquer encore et encore et encore. On a tellement répété aux gens que le client était roi qu’ils ont du mal à passer à un statut « responsable ». C’est donc aux professionnels et aux institutionnels de changer leur discours, de s’a-dap-ter ».

La leçon des dinosaures

On le sait depuis les dinosaures : sur terre, on s’adapte. Ou on disparait ! Ce que découvre, entre autres, les acteurs ayant à louer quelque chose : habitat, équipement, etc. « La location fonctionnant exclusivement du samedi au samedi, c’est fini ! Place aux circuits courts et aux courts séjours (2/3 jours en moyenne cette année) » ne cessent de ressasser les OT à leurs prestataires réticents. Avec retard, le tourisme découvre ce que toute l’économie vit depuis deux décennies de mutation digitale : le passage au modèle consumer-centric. Autre conséquence déjà évoquée : puisque désormais les vacances ne prennent plus uniquement place en août, à Noël et à Pâques mais tout le temps (ou bien au contraire seulement quand on peut sortir !), les réservations et les demandes de dernière seconde se multiplient. Et se raccourcissent encore. Au point que les employés des OT sont cette année restés vissés près de leur téléphone des 6 heures d’affilée « Cela n’arrêtait pas ! Jamais ! ».

Alors, bien entendu, le tourisme, ce sont également ces milliers d’agences de voyage quasi réduites à l’inactivité dont nous n’avons pas encore parlé. Et pour cause, puisque si elles « vendaient » la France il y a quelques décennies, nos compatriotes ont, depuis, pris l’habitude de se débrouiller seuls concernant la découverte de leur pays. Ils ne s’adressent plus à cette catégorie de professionnels que pour partir à l’étranger. Et quand bien même nos agents de voyage avaient à cœur d’y dénicher des trésors pour leurs clients, ils se sont vu déposséder de la production de voyages par les tours opérateurs. Lesquels sont focalisés à 95% sur les destinations étrangères. Aussi, quand la crise fut venue, les agents se trouvèrent fort dépourvus.

Résilience !

D’où l’idée (fort pertinente) d’un Jean da Luz, fondateur du média TourMag « de mettre ces agents désœuvrés en contact avec les nombreux réceptifs vendant la France aux étrangers et eux même inactifs. Il y a 400 à 600 millions d’euros d’avoirs bloqués en agences. Il faut absolument dégonfler cette dette qui deviendra fatale pour beaucoup dès septembre prochain. Ce fut une première étape et nous faisons à présent se rencontrer, virtuellement, ces mêmes agents de voyage avec les régions et leurs grands prestataires. Plus de 350 professionnels ont participé au dernier webinaire dédié et nous consacrons (entre autres) une newsletter PartezEnFrance à cette « opération de sauvetage ».

Ce n’est pas pour rien que le mot « Agilité » est devenu LE terme fétiche de la presse économique comme des top managers. Et il faut de ce côté saluer les initiatives d’un tour opérateur comme Asia. Consacrant à la base 100% de sa production à l’étranger, son PDG Guillaume Linton a, le premier, décidé de se diversifier et de développer une offre intérieure pour proposer à sa clientèle de « beaux voyages itinérants » à travers notre pays. Une solution proposée en priorité aux clients ayant des avoirs en cours. Une manière également de donner du grain à moudre aux collaborateurs de ces entreprises réduites au chômage à 90%. Et Guillaume Linton de prophétiser : « Les agents de voyage doivent devenir à l’avenir des sortes de gestionnaires du temps libre de leurs clients ». L’initiative a depuis été suivie par Elux Travel et Fram.

Chapitre 3 : Les réponses ! Les réponses ! —- publié le 13 Avril
Last but not least … —- publié le 14 Avril


Chapitre 2 : les (nouveaux ?) problèmes | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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