#TourismeDurable

Vers un écotourisme régénératif : le monde en transition se donne rendez-vous au cœur de la Catalogne

Trois jours durant, du 22 au 24 octobre, le monastère du Mont San Benet, près de Barcelone, a rassemblé plus de 400 participants venus du monde entier pour le Global Ecotourism Forum. Cinquante experts internationaux y ont débattu d’un tourisme apte à « régénérer » plutôt que simplement « limiter les dégâts ». L’événement, voulu comme un espace de réflexion vingt ans après le Sommet mondial de l’écotourisme tenu à Québec (2002), a posé les bases d’une feuille de route mondiale autour de cinq grands défis : penser l’écotourisme dans un monde en mutation, le rendre accessible à tous, régénérer la nature, innover par la technologie et repenser la gouvernance des destinations.

Moment de convivialité©GClastres

Passons à l’Action !

Dès l’ouverture, le ton a été donné : « Passons à l’action », ont lancé tour à tour les responsables catalans, rappelant la nécessité de concilier attractivité touristique, préservation et accessibilité universelle. Jordi Sargatal, ornithologue et naturaliste catalan, pionnier de l’écotourisme en Catalogne, a été cité pour souligner les efforts menés sur la Costa Brava pour contrer le tourisme de masse : « Nous devons séduire par la nature », a-t-il toujours plaidé, invitant à mieux répartir les flux vers les quatorze parcs naturels et les 110 espaces protégés de la région. L’idée : éveiller l’envie d’explorer tout en respectant la biodiversité.

La Britannique Anna Pollock, figure du tourisme régénératif, a ensuite livré une intervention inspirante sur la « métamorphose » du secteur. Elle a notamment déploré un tourisme trop compartimenté, l’écotourisme  n’étant qu’une case au milieu de bien d’autres ; autant de typologies qui séparent et fragmentent quand tout devrait être relié. « Nous avons transformé l’hospitalité en un système industriel », a-t-elle regretté, appelant à « voir le monde comme un être vivant ». Pour elle, l’écotourisme peut réapprendre à « aimer la nature », renouer avec l’intuition et les émotions, et s’inspirer des savoirs indigènes. Un discours enlevé, qui a aussi rappelé les services systémiques que nous offre la nature, trouvant un fort écho dans un public convaincu que le changement de paradigme doit d’abord être culturel et sensoriel.

Intervention de Laia Jerez (Responsable Tourisme et Nature pour l’agence Catalane) sur la Gouvernance©GClastres

L’importance d’une vision transversale !

Les tables rondes institutionnelles ont ensuite ramené le débat sur un terrain concret. Cristina Lagé, directrice du tourisme en Catalogne, et Marc Vilahur, directeur des politiques environnementales, ont insisté sur la nécessité d’une vision transversale : intégrer le facteur écologique dans toutes les politiques publiques. « Le tourisme a besoin de régulation, mais aussi d’éducation », a rappelé Cristina Lagé, évoquant les 21 millions de visiteurs qui repartent avec un récit : celui d’une nature à préserver. Mac Vilahur, quant à lui, a alerté sur la crise de l’eau et la perte de biodiversité, plaidant pour une différenciation qualitative du tourisme catalan et un « impact positif sur le territoire ».

Les échanges européens ont prolongé cette réflexion. Autour de Marina Xenophontos (Commission européenne), Amanda Guzmán (Association espagnole d’écotourisme) et Andrei Blumer (Association roumaine d’écotourisme), un consensus s’est dégagé : l’écotourisme ne peut croître qu’en renforçant ses bases locales et son ancrage communautaire. De la Roumanie à l’Espagne, tous ont insisté sur la coopération entre petits opérateurs, le besoin d’indicateurs communs et de soutien financier européen. « Nous avons les outils, il faut maintenant les activer », a résumé Marina Xenophontos, évoquant la possibilité de « projets de régénération intégrés ».

Global Ecotourism Forum ©GClastres

Les débats ont aussi abordé le prix de la nature. Arturo Crosby a rappelé que la conservation n’est pas une contrainte mais un investissement : bien gérée, elle crée un cercle vertueux entre économie locale et biodiversité. Une idée reprise lors de la session « People, Nature and Prosperity », où Paulo Castro (Fédération Europarc) et Riccardo Blanco (Secrétariat d’État espagnol au tourisme) ont appelé à un modèle de gouvernance participative, fondé sur la co-responsabilité et la justice territoriale. Souvent citée, la Charte européenne du tourisme durable est apparue comme un levier de cohérence pour des territoires parfois débordés par leur succès.

De l’urgence et du concret !

Lors de la dernière journée, consacrée à la résilience climatique, le ton s’est fait plus urgent. « Je ne crois pas beaucoup au tourisme durable », a lancé Alfonso Polvorinos, directeur d’El Ecoturista. « Il faut être régénératif, ou rien. » Autour de lui, chercheurs, gestionnaires et entrepreneurs ont débattu des modes de gouvernance face au changement climatique. Pour Josep M. Mallarach, pionnier de la Garrotxa, « la soutenabilité n’a de sens que si l’on équilibre environnement, société et économie ». L’adaptation s’est d’ailleurs imposée comme l’un des mots clés du jour, avec l’impératif de réguler les flux, de mesurer la capacité d’accueil (de convivialité !), mais aussi de faire comprendre que la nature a un coût et une valeur.

Global Ecotourism Forum ©GClastres

D’autres initiatives concrètes ont émaillé l’après-midi : voyages scientifiques organisés par Ecowildlife Travel, découverte du réseau des Géoparks avec le géographe Asier Hilario, projets de rewilding en Europe, applications d’accessibilité universelle, présentation du réseau Nectour (40 régions européenne engagées pour un tourisme soutenable) ou encore expériences d’éducation à la nature pour les personnes handicapées. D’autres projets, comme le Blue Tourism Initiative (Maroc, Madagascar) ou Cork Experience (Portugal), ont illustré la vitalité d’un réseau d’acteurs décidés à reconnecter tourisme, inclusion et innovation. « Nous apprenons tous ensemble », a résumé le modérateur Josep Rodríguez ; « Le défi, c’est de transformer les récits en action. »

Au terme du forum, les organisateurs ont souligné la volonté de continuité : cette première édition a vocation à être transmise à un autre territoire européen. En attendant, l’évènement tenu au Mont San Benet aura réussi à cristalliser une conviction partagée : l’écotourisme ne se définit plus seulement comme un segment du tourisme, mais comme une philosophie d’interdépendance entre humains et vivant. Ou, pour reprendre les mots d’Anna Pollock : « Nous sommes la nature. Apprenons à collaborer avec elle. »

———- En savoir plus —————

Merci à nos partenaires catalans pour l’invitation au forum www.catalunya.com

Plus d’information sur le Global Ecotourism Forum : GEF2025 Barcelona | Global Ecotourism Forum 2025

Les Conclusions – Global Ecotourism Forum ©GClastres

Les slides de conclusion.

Les Conclusions – Global Ecotourism Forum ©GClastres
Les Conclusions – Global Ecotourism Forum ©GClastres
Les Conclusions – Global Ecotourism Forum ©GClastres
Les Conclusions – Global Ecotourism Forum ©GClastres

Ils ont été cités dans l’article :

→ Anna Pollock : Fondatrice – Conférencière internationale et consultante — Conscious.Travel, Back To Life & Hosts For Life

→  Cristina Lagé : Directrice générale du tourisme de Catalogne

→  Marc Vilahur : Directeur général de la politique environnementale et des ressources naturelles – Gouvernement de Catalogne

→  Marina Xenophontos : Chargée de mission – Commission européenne, Direction générale de l’environnement (DG ENV), Unité Conservation de la nature (D3)

→  Amanda Guzmán : Directrice – Association espagnole d’écotourisme (Asociación de Ecoturismo en España)

→  Andrei Blumer : Président – Association d’écotourisme en Roumanie (AER)

→  Arturo Crosby : Directeur général (CEO) – Forum Nature et Tourism4Nature – Forum Nature International

→  Paulo Castro : Président du groupe de travail sur le tourisme durable – Fédération Europarc

→  Ricardo Blanco : Chef du tourisme durable – Direction générale des politiques touristiques – Secrétariat d’État au tourisme

→  Alfonso Polvorinos : Directeur – El Ecoturista

→ Josep Maria Mallarach : Docteur en biologie de l’environnement, consultant environnemental et membre de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN

→  José Luis Rivera : Directeur général (CEO) – ECOWILDLIFE TRAVEL

→  Asier Hilario : Coordinateur scientifique – Géoparc mondial de la Côte Basque

→  Blue Tourism Initiative : Régénération des côtes – Jérémie Fosse
www.bluetourisminitiative.org)


Vers un écotourisme régénératif : le monde en transition se donne rendez-vous au cœur de la Catalogne | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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