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Gerri de la Sal : l’or blanc d’un village médiéval des Pyrénées catalanes

| Publié le 25 novembre 2025
Thèmatique :  Espaces protégés   Insolite   Patrimoine   Territoire 
           

Lové au bord du fleuve Noguera Pallaresa, Gerri de la Sal doit son nom et sa fortune à un trésor invisible : le sel. Ce charmant village médiéval des Pyrénées catalanes, dominé par le monastère bénédictin de Santa Maria, fut longtemps l’un des plus prospères de la vallée. Ici, les montagnes gardent la mémoire de Téthys, une antique mer disparue depuis près de 200 millions d’années. L’eau de pluie, filtrée à travers les couches salines, jaillit encore à la source et permit, pendant des générations, la production de ce « sel des montagnes », plus précieux que l’or et indispensable à la conservation des viandes et des poissons.

Monastère de Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

Le musée du sel : un entrepôt devenu mémoire

Installé dans son bâtiment d’origine, le Musée du Sel de Gerri raconte avec force détails cette épopée minérale. L’édifice, vaste et solide, servait à la fois d’usine et d’entrepôt. Au rez-de-chaussée, on pesait les blocs de sept mètres venus des salines voisines, tandis qu’au premier étage, on stockait la précieuse denrée avant sa distribution. On y aperçoit encore la planta del tiro, cette ouverture dans le plancher par laquelle le sel était hissé d’un niveau à l’autre avant d’être mesuré, emballé puis payé au poids. Le deuxième étage, autrefois réservé à des clubs culturels et à une petite salle de cinéma pour les enfants du village, conserve encore sur ses murs des cristaux incrustés, comme un murmure du passé.

Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

L’âge d’or des salines

À son apogée, Gerri exploitait onze hectares de salines, reliés par neuf kilomètres de canaux. En à peine trois mois, deux millions de tonnes de sel étaient extraites, principalement destinées à l’alimentation animale — essentielle dans ces montagnes pauvres en minéraux —, mais aussi à la cuisine. Les bassins, appelés el Toll ou l’Era, retenaient l’eau salée tout au long de l’année avant que le soleil n’en fasse cristalliser la pureté. Le travail, rude, était souvent confié aux femmes pendant l’hiver, hommes filant alors vers les montanges pour la transhumance des troupeaux. À partir de 1920, un moulin électrique modernisa la production, donnant naissance à un sel réputé pour sa granulosité et sa pureté, qui fut même récompensé lors de l’Exposition Universelle de Paris.

Les salines de Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

Mémoire d’un patrimoine vivant

Si l’essor industriel et les progrès techniques avaient déjà amorcé le déclin de la production de sel à partir des années 1950‑60, c’est l’inondation dévastatrice de 1982 qui porta le coup de grâce aux installations des salines de Gerri de la Sal. Au cœur du musée, c’est à présent Julia  qui guide et renseigne les visiteurs de passage. Car, si le sel disparut des mains des hommes, il ne quitta jamais la mémoire du village. Et de rappeler les gestes anciens, les paniers de 30 kilos portés à dos d’homme, l’enrichissement des moines. « Au 11e siècle, il fallait payer pour traverser le pont roman du village, les salines étaient la propriété du monastère. » Huit siècles plus tard, avec l’expropriation des églises, des communautés de producteurs se créent, les salines deviennent des propriétés privées. Une autre histoire sociale se dessine…

Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

Aujourd’hui, plus personne ne récolte l’or blanc, mais son esprit demeure. Affiches d’époque, maquette, vidéos d’anciens ouvriers, machines en bois servant à ensacher le sel cousu à la main, le musée a multiplié les témoignages et les supports. Quant aux restaurateurs des environs, ils l’utilisent à présent pour sublimer leurs plats ou affichent des créations inédites comme le chocolat au sel de Gerri, le ratafia caramélisé. Gerri de la Sal perpétue ainsi l’âme d’un savoir-faire ancestral, cristallisé dans la mémoire des pierres.

Pont roman de Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

—– En Savoir plus ————-

Le site incontournable : www.catalunya.com

Musée du sel de Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

Le Musée du Sel de Gerri de la Sal : Visit the Gerri de la Sal Museum

Gerri de la Sal ©Geneviève Clastres

A noter que le 3e étage du musée accueille régulièremnet des expositions temporaires. Museu de Gerri de la Sal | Museu de Gerri


Gerri de la Sal : l’or blanc d’un village médiéval des Pyrénées catalanes | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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