À Angers les Universités du Tourisme Durable mettent le Vivant et la génération Z à l’honneur !
Thèmatique : Conseils Éco-Hébergement Éducation Espaces protégés Initiative nationale
Avec 600 participants réunis autour de la thématique du Vivant, les Universités du Tourisme durable UTD25 s’affirment plus que jamais comme le rendez-vous incontournable de tous ceux qui souhaitent s’engager et réfléchir ensemble à des lendemains plus justes. Parmi les temps forts de cette édition, on notera l’allocution remarquée de Tarik Chekchak sur le « vivant comme allié » suivie d’une performance très applaudie des étudiants du réseau INNTO France visant à interpeller les professionnels du tourisme. Une valse à deux temps où le nœud gordien est planté : face à une jeunesse qui ne cesse d’absorber des discours et des constats alarmistes (quand on sait que la septième limite planétaire vient d’être franchie avec l’acidification des océans), saura-t-on changer notre rapport au vivant et enclencher un nouvel élan pour la planète ? Une question tristement récurrente où le tourisme de par sa transversalité (transport, aménagement du territoire, artificialisation des sols, pompage de l’eau, gestion des déchets, etc.) a toujours et encore de nombreux défis à relever.

Angers, cœur vibrant du vivant et de la jeunesse étudiante !
Ce n’est pas un hasard si la ville d’Angers a été choisie sur une thématique qu’elle chérit particulièrement, celle du Vivant, elle qui est connue pour être, avec 100m² d’espace naturel par habitant, la ville la plus verte de France. Véritable pôle clé pour le secteur végétal, Angers abrite de nombreux lieux emblématiques tel que Terra Botanica, un parc à thème comptant une cinquantaine de jardins thématiques et accueillant 150 000 visiteurs par an, mais aussi, une filière de formation, le Campus du Végétal, inauguré en 2015 qui regroupe chercheurs, étudiants, et entreprises. Et lors de la cité, les basses vallées angevines déroulent des milliers d’hectares de zones humides protégées et une biodiversité que les Angevins sont régulièrement invités à découvrir via des événements mettant en exergue les mobilités douces, tels Nature is Bike, lancé en 2021 par Destination Angers.

Des terres accueillantes et inspirantes que Caroline Mignon, présidente d’ATD, a choisies pour créer Echo Terra, un éco lieu qui vise à proposer des séjours en gîtes et micro-ferme pour un tourisme toujours plus durable en Anjou. De la terre à la ville, Caroline est également enseignante à l’ESTHUA-INNTO Angers avec cette volonté de transmettre et d’associer les étudiants aux débats. Ils étaient donc un peu plus d’une centaine lors de ces UTD, en provenance d’Angers donc mais aussi de Paris (IREST, Gustave Eiffel), Toulouse (ISTHIA) et Chambéry (Université Savoie Mont Blanc). Une jeunesse remarquée et remarquable qui avait travaillé en amont une performance scénique s’ouvrant sur un hommage à la terre et à Jane Goodall, afin d’interpeller de manière collective et sensible le parterre de professionnels leur faisant face. Elsa Brindazur, qui les a accompagnés, résume dans un post éloquent cet émouvante performance qui a marqué les UTD : « (…) Leur création scénographique, poétique et interactive a fait entrer sur scène l’Espoir : un carrousel d’une quinzaine de personnages qui piquent, interpellent et n’ont pas peur de poser les vraies questions, avec beaucoup de pertinence. »

L’invitation de Tarik Chekchak à changer de paradigme
Est-il encore besoin de dire qu’il est urgent de transformer notre rapport et notre regard sur le vivant tant on semble l’avoir déjà écrit, scandé, martelé ? Expert des enjeux du vivant et directeur du Pôle Stratégies Inspirées du Vivant à l’Institut des Futurs souhaitables, Tarik Chekchak avait une heure pour emporter un auditoire suspendu à une épineuse question : comment « Passer du vivant comme ressource, au vivant comme allié. ». Pas simple. On retiendra l’homme, sa présence, notre présence, puisqu’à son appel, nous nous sommes levés, nous avons respiré, inspiré, senti, perçu et retrouvé nos essentiels. Tarik a ensuite déroulé le constat implacable : ce vivant que l’on considère majoritairement comme une ressource à extraire, à transformer, artificialiser, dépouiller, épuiser… va mal, très mal. En quelques siècles, l’homme a réussi à défaire ce que des millions d’années avaient façonné, provoquant la 6ᵉ extinction de masse de la biodiversité, la disparition à plus ou moins court terme d’un million d’espèces (sur six millions). Et cette terrible adresse vers les étudiants : « Les jeunes, ne vous inquiétez pas, cela redémarrera, mais cela prendra un million d’années.«

Un constat glaçant pour marquer les consciences et appeler à l’action voire au retournement des consciences. « Faut-il y voir une source de déprime ou une formidable aventure humaine ? » A nous de savoir entendre, comprendre, et agir pour « reconnecter le sensible et le systémique et cultiver un nouveau rapport au vivant ». Une relation redéfinie où la valeur créée ne vient pas épuiser le vivant mais au contraire, le régénérer, lui redonner du souffle, afin qu’il soit non pas un puits sans fond mais un allié sans faille. Et pour cela, en saisir toute la complexité, l’organisation en « enveloppement » d’une nature emboîtée où les écosystèmes sont composés d’une foultitude de milieux qui échangent entre eux, l’interdépendance entre l’humain, les espèces et la nature, tel le krill, ce crustacé peu connu et pourtant si fondamental pour les milieux polaires que Tarik a tant fréquenté. La conscience aussi des nombreux services écosystémiques fournis par la nature, qu’ils soient centrés sur la vie (oxygène), l’approvisionnement (carbone, pollinisation…), le soutien (formation des sols, photosynthèse) ou même la culture, tels ces paysages que le touriste a plaisir à parcourir et qui ont un réel impact sur sa santé mentale et physique. A l’heure d’aujourd’hui, plus de 75% des services fournis par les écosystèmes sont détériorés ou menacés. « Nous dépendons désormais des choses qui dépendent de nous ». Si le vivant ne devient pas un allié, nous allons droit dans le mur, telle la grande déconnexion déjà entamée, hors sol, hors ciel, hors lien, hors lieu…

Il est donc urgent…
Il est donc urgent d’agir pour le vivant, de changer de perspectives, de cap, de direction, de prendre en compte les grands écosystèmes partagés qui émergent, de dialoguer, d’échanger, de mettre en valeur toutes les initiatives positives. Et tout compte, la sémantique, les outils, le regard, notre regard. A nous de prendre en compte ce qui émerge, d’arrêter les gaspillages insensés, de réduire au maximum les impacts négatifs de nos activités pour privilégier le positif, autant au niveau social qu’environnemental. L’approche régénérative doit être comprise et acceptée. Prendre soin. Prendre moins. Quand 15 tonnes de matières sont engagées en moyenne pour assurer le niveau de vie des Français. Penser « santé commune », alliant la terre, les espèces, les milieux, les quartiers, les villes, un territoire monde pour un monde territoire.

Inspirez-vous !
Quelques exemples concrets cités par Tarik Chekchak illustrent ces écosystèmes naturels qui rendent service aux humains. Ils visent à mettre ces initiatives en valeur sachant qu’un MOOC est en préparation pour partager ces retours d’expérience sur le terrain.
→ L’entreprise Pocheco spécialisée dans la fabrication d’enveloppes éco-conçues et de pochettes industrielles située à Forest-sur-Marque, près de Lille, combine démarches environnementales et innovations écologiques autour du concept d’« écolonomie » où chaque investissement et choix opérationnel doit répondre à trois critères : réduire l’impact écologique, améliorer le bien-être au travail, et rester économiquement viable.
→ L’École de la Nature, située à Boulogne-Billancourt conçue dès le départ pour être à énergie positive et favoriser la biodiversité. Elle abrite aujourd’hui plus d’espèces que les parcs parisiens.
→ L’écocentre du Bouchot dans le Loir-et-Cher, un écocentre expérimental basé sur les principes de la permaculture avec jardin-forêt comestible, jardins mandala, formation à la permaculture, découverte des plantes comestibles, etc.
→ Le GAEC de Montlahuc dans la Drôme, un collectif d’agriculteurs où le castor est devenu un allié naturel pour la régénération des milieux.
→ La Zone Libellule (Zone de LIberté Biologique Et de LUtte contre les polluants Emergents), une zone humide artificielle située en aval de certaines stations d’épuration servant à filtrer et traiter naturellement les micropolluants (résidus médicamenteux, pesticides, cosmétiques, etc.) après le traitement classique des eaux usées.
→ Le Parlement de Loire, une démarche initiée en 2019 par le POLAU (Pôle Arts & Urbanisme) à Saint-Pierre-des-Corps, sur la question des droits de la « Nature » visant à imaginer que la Loire (et plus largement le bassin versant) puisse avoir une personnalité juridique, c’est-à-dire être reconnue comme sujet de droit, capable de défendre ses intérêts.

Et le tourisme ?
Le tourisme ? Il est d’ores et déjà au cœur de tout ce qui a été cité, les rivières, les paysages, l’agriculture, l’entreprise, puisqu’on le sait, on l’a si souvent écrit, il s’agit avant tout d’une activité transversale qui va s’inspirer de la nature, des territoires, pour forger ses activités. Et c’est bien parce que le tourisme est protéiforme que les Université du Tourisme Durable visent chaque année à changer de points de vue, multipliant les perspectives, les enjeux, sans oublier de fournir aux professionnels les outils disponibles. En cette 11e édition des UTD, avec la biodiversité et le vivant à l’honneur, une table ronde était dédiée à « la transformation des modèles touristiques pour intégrer la préservation du vivant » suivi d’un atelier pour « Engager son organisation pour la biodiversité : solutions, financements et retours d’expériences pour avancer pas à pas ». D’autres temps interrogeaient les consommations en eau dans le tourisme pour mieux les réduire, la conciliation entre développement touristique et préservation des milieux naturels dans un cadre environnemental contraint, l’adaptation au changement climatique en ville, l’offre de restauration responsable, etc.
Enfin, en guise de conclusion, redire combien encore et toujours combien voyageons-autrement.com tente de soutenir par ses écrits toutes les initiatives qui portent la transition, mettant en lumière les évènements et les initiatives les plus inspirantes et les acteurs les plus engagés. Et alors que l’on apprend avec tristesse que les subventions pour les trains de nuit seront supprimées, nous souhaitons nous associer au Plaidoyer publié par ATD pour une politique ferroviaire ambitieuse en faveur du tourisme durable.
————– Aller plus loin ——————–
Merci à Caroline Mignon (présidente d’ATD), Betty Rech (directrice d’ATD) et Mathilde Mignon (Relation Presse ATD) pour leur confiance et leur invitation.
La 11e édition des UTD était organisée par Acteurs du Tourisme Durable (ATD), Destination Angers, Anjou tourisme, Solutions&co, et l’ESTHUA-INNTO Angers.
Les Universités du Tourisme Durable constituent depuis 11 ans le point d’orgue des temps d’échanges entre professionnels autour des enjeux de développement durable dans le secteur touristique. Cet événement annuel national des Acteurs du Tourisme Durable prend la forme originale d’une journée ponctuée par des conférences, tables-rondes et ateliers, et d’une deuxième journée d’expérimentation des initiatives durables du territoire.

Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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