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La Somme initie un grand mouvement de solidarité en faveur de la Paix

Si le tourisme a ses défauts (une lourde part de responsabilité dans le changement climatique), il a aussi ses qualités dont la plus grande est bien d’amener l’être humain à découvrir l’Autre, celui qui n’est pas « comme lui ». Participant ainsi activement au rapprochement des Hommes. Lors des commémorations de la fin de la Première Guerre Mondiale, en 2018, le rappel de ce constat a inspiré à François Bergez, Directeur de  Somme Tourisme, l’idée d’en tirer un parti vertueux et solidaire. C’est ainsi qu’est né ­- avec le concours du fonds Essentiem qui, décidemment, se révèle une avancée capitale – le mouvement Somme Battlefields for Peace. Dont François Bergez nous rapporte ici la genèse et que nous accompagnerons à l’avenir avec Joie dans son développement…

François Bergez les bras croisés devant l'objectif de Nicolas Bryant ©
François Bergez © Nicolas Bryant

Voyageons autrement : De quel constat et dans quel but est né le mouvement Somme Battlefields for Peace ? Qui en est l’initiateur et pourquoi parler d’un « mouvement » ?

François Bergez : Connue touristiquement pour sa magnifique Baie, la Somme est également une destination historique. Les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale y sont nombreux qui ont aujourd’hui cédé la place à de multiples mémoriaux internationaux constituant un circuit du Souvenir où beaucoup de gens viennent en pèlerinage. Ce sont essentiellement des Britanniques et des ressortissants du Commonwealth (Australiens, Canadiens, Néo-Zélandais…) dont 20.000 périrent ici rien que le premier jour de la Bataille de la Somme !! Il s’agit donc d’un tourisme de Sens. Un sens fort, très fort. La guerre est depuis toujours le principal fléau de l’Humanité et cette guerre-là causa des ravages inégalés. Il s’agit donc également d’un tourisme d’émotion, de cœur et de Fraternité. En 2018, à l’occasion des commémorations, nous avons réalisé avec Alexandre, un collègue (parti depuis) que ces lieux où nous nous battions jadis et fraternisions aujourd’hui représentaient un endroit idéal pour œuvrer, ensemble, au service de la Paix. Car si elle n’est plus présente ici, la guerre poursuit son œuvre destructrice ailleurs. Nous avons donc eu l’idée de nous appuyer sur ces lieux de mémoire pour y apporter un regard différent, porteur d’Humanisme et, surtout, d’espoir et de solidarité. Nous qui avons traversé ce fléau, ne pouvons-nous pas venir en aide à ceux qui y sont toujours confrontés ?…

VA : Et… ?

FB : Et nous avons longuement réfléchi à un projet allant dans ce sens, avons commencé de l’élaborer et en avons parlé mais, à l’époque, l’idée n’a pas pris ; rien à faire. Pourtant, en dépit de ces rebuffades, nous nous sommes dit qu’il fallait persévérer et avons continué à murir ce projet. L’idéal aurait bien sûr été de créer un fonds de dotation, mais nous étions une trop petite structure pour mener à bien  une démarche aussi complexe. Nouvelle pause. Et puis… et puis je suis tombé l’an passé sur un article qui parlait d’Essentiem, le fonds de dotation qui venait d’être créé et ouvrait le champ du mécénat au tourisme. Nous étions alors en 2021 et j’ai rencontré Lionel Flasseur, son président. Banco ! On allait pouvoir avancer. Nous avons donc achevé de structurer notre projet et décidé de venir en aide à ceux qui étaient toujours les plus touchés par les conflits : les civils.   

VA : Pourquoi parler d’un « mouvement » et non d’une « opération » par exemple ?

FB : Car nous nous plaçons ici sur le fameux « temps long ». Des  centaines de milliers de personnes visitent déjà les champs de bataille pour « se souvenir ». Nous leur proposons avec ce projet de passer à « Se souvenir pour agir ». Or, cela vaut pour tous les lieux de mémoire, partout dans le monde, où la guerre a sévi. Mais rien que si nos collègues du voisinage nous rejoignaient dans l’aventure, nous pourrions déjà, ensemble, réaliser de très belles  choses, apporter une aide réelle et conséquente. Nous en sommes encore aux tout débuts de la démarche et avons besoin d’un portage politique fort, aussi large que possible, pour que l’impact soit réel. Le tourisme est en pleine mutation. Il ne peut plus se résumer à la seule « consommation d’un territoire ». Et se positionner comme une destination solidaire et bienveillante me semble convenir parfaitement à l’(heureuse) évolution actuelle des mentalités.

Mémorial de Pozières à Ovillers-la-Boisselle, cimetière militaire de la 1ère guerre mondiale
Mémorial de Pozières – cimetière militaire de la Première Guerre mondiale
©Somme Tourisme -L. Desbois/Lwood

VA : Le but de Somme Battlefields for Peace est donc de se montrer solidaire avec les pays actuellement en guerre. De quelle manière ?

FB : La plus concrète qui soit. En apportant un soutien matériel, logistique et moral aux populations touchées par la guerre. Après avoir étudié le positionnement de plusieurs ONG, nous avons constaté que les actions menées par Handicap International étaient en phase avec nos valeurs et notre vision. Ce, d’autant que le sous-sol de la Somme rejette encore des mines et des bombes actives. Comme au Cambodge où l’ONG non seulement démine les zones atteintes mais apprend également aux personnels locaux à le faire, contribuant ainsi à l’édification d’un monde meilleur.

VA : Vous comptez donc collecter de l’argent auprès des visiteurs qui font du tourisme de mémoire…

 FB : Ce sera en effet notre principal mode d’action pour le moment. Nous allons mettre en place des boites à don sur les lieux de visite ainsi qu’une proposition d’arrondi solidaire au moment d’achats via les TPE (terminaux de paiement). Nous travaillons également à un site de collecte en ligne et associeront quelques manifestations sportives et évènements locaux au mouvement. Comme par exemple cette grande randonnée qu’organise chaque année l’OT du Pays du coquelicot, où chaque participant pourrait donner 1€. Mais nous souhaitons bien sûr, au-delà, entrainer dans cette dynamique vertueuse ceux de nos voisins concernés par le tourisme de mémoire : le Nord, le Pas de Calais et jusqu’à Ypres en Belgique où nous espérons bien que nos amis flamands nous rejoindrons à leur tour. Ce qui serait d’une grande cohérence d’ailleurs, car les visiteurs étrangers suivent eux-mêmes des circuits reliant entre elles ces différentes régions. D’où l’idée d’un mouvement, d’un collectif aussi large que possible.    

VA : Quelle est l’importance du tourisme de mémoire dans la Somme ?

FB : Nous recevons chaque année entre 250 à 300.000 visiteurs. Une moyenne stable qui génère environ 20 millions d’euros de retombées. En raison des commémorations du centenaire, 2018 fut bien sûr une année exceptionnelle (un million de visiteurs sur les sites et musée) et 2020 (Covid), une année catastrophique. Mais les choses ont redémarré dès 2021 pour les visiteurs Français et cette année pour les étrangers. N’oublions pas que la Bataille de la Somme fut pour les pays du Commonwealth un traumatisme considérable. C’est leur Verdun à eux, enseigné à l’école à tous les enfants. Des dizaines de milliers de morts, pas une famille britannique épargnée et certaines entièrement détruites. Et comme évoquée au début, il ne s’agit pas seulement de visiteurs britanniques, mais aussi Néozélandais, de Canadiens, d’Australiens, de Sud-Africains… Ce qui a généré la création de monuments commémoratifs très typés selon les origines. Vous trouvez ainsi dans notre seul département 27 sites à visiter, du grand Mémorial aux disparus de Thiepval au petit – mais passionnant ! – musée Vignacourt 14-18 dédié aux photos de soldats de toutes nationalités en repos à l’arrière-front.

parc dans lequel on peut voir plusieurs monuments commémoratifs et cimetières militaires ainsi que des vestiges du champ de bataille.
Vestiges du champ de bataille
©Somme Tourisme -L. Desbois/Lwood

VA : Vous souhaitiez avant l’été collaborer avec professionnels, associations et élus locaux. Où en êtes-vous ?

FB : Au démarrage. Nous avons signé le 26 juillet dernier la création du fonds dédié avec Essentiem et signerons le 11 novembre (!) la convention tripartite entre Handicap International, Somme Tourisme et Essentiem. A partir de là, nous pourrons entrer dans le concret pour lequel les préparatifs sont engagés. Mais déjà, notre département avait créé en 2008 un réseau de partenaires : hôtels, taxis, restaurants… en tout 120 « ambassadeurs » personnellement engagés dans la culture de la grande guerre, parlant anglais et possédant sur le sujet des connaissances historiques. Ce réseau va nous être utile pour nous déployer localement. Les élus locaux sont désormais au courant et il faut qu’ils deviennent eux-aussi les porte-drapeaux de ce mouvement. Première belle surprise : nous bénéficions du soutien du Zenith d’Amiens, partenaire de taille dont la directrice qui trouve que notre projet est parfaitement en accord avec ses valeurs et celle du site a absolument tenu à participer à cet engagement collectif. Les éco-cups récupérées lors de chaque spectacle seront donc transformées en autant de dons au mouvement Somme Battlefields for Peace.

VA : Vous, personnellement, qu’est-ce qui vous touche et vous motive dans ce projet ?

FB : Comme je le disais, tout est parti de simples discussions – certes passionnées – avec Alexandre. L’idée est la même, toujours, partout : allez au bout de vos rêves ; essayer au moins. Battez-vous pour faire évoluer les regards et la société. Pourquoi commémore-t-on ? Parce que le devoir de mémoire est essentiel. Mais il est temps désormais de passer à une mémoire active, engagée sur la résolution du problème n°1 des Humains : la guerre. Rien ne doit être entrepris sans raison. Le Sens donné à nos actions est capital. Et il en va du tourisme comme du reste : son action ne peut se mesurer aux seuls chiffres ; il doit changer. Et c’est le moment pour cela : les gens sont aujourd’hui prêts à participer et même à s’engager pour faire bouger les choses. Je suis de mon côté convaincu que c’est exactement ce que voudraient tous ces hommes qui sont morts ici… pour rien.

Logo de l'opération SOMME BATTLEFIELD FOR PEACE avec une colombe à gauche et la baseline FUNDRAISiNG en dessous

VA : De quoi n’a-t-on pas parlé qui soit important pour vous ?

FB : Notre territoire se positionne aujourd’hui sur cette « note » particulière de l’engagement et de la solidarité et notre volonté est d’en faire un axe fort. Mais plus que tout, nous espérons être bientôt rejoints par nos voisins de Verdun et de Normandie dans ce mouvement vertueux. Nous en avons initié la mise en marche mais nous aimerions qu’il devienne rapidement un collectif à l’échelle des sites et territoires nationaux en lien avec la première et deuxième guerre mondiale. Peut-être faudrait-il également trouver un parrain emblématique. Nous y réfléchissons.

Des visiteurs de dos au mémorial (Canadien) Terre-Neuvien de Beaumont Hamel
Mémorial Terre-Neuvien de Beaumont-Hamel
©Somme Tourisme -L. Desbois/Lwood

La Somme initie un grand mouvement de solidarité en faveur de la Paix | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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2 réponses à La Somme initie un grand mouvement de solidarité en faveur de la Paix

  1. Joël Nogier a commenté:

    Juste formidable, enthousiasmant, juste et modeste !!
    Comme d’habitude.
    Merci François de nous donner un tel exemple.

  2. Lacressonniere a commenté:

    Bravo François ! Quelle beau projet ! Tu y pensais déjà lors de nos travaux sur le Centenaire… ;)
    A bientôt
    Sophie

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