Rencontre avec Monsieur Vélo
Thèmatique : Ingénierie Initiative nationale Institutionnel Portrait
A la tête d’une micro équipe (1 collaborateur ! Pierre Toulouse), mais servant une volonté politique réelle et soutenu par un peloton d’une centaine de parlementaires pro-vélo, « Monsieur Vélo », alias Dominique Lebrun, « Coordinateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo » s’emploie à passer entre les coupes budgétaires et faire avancer la cause de la petite reine. Avec quelque succès…
Voyageons Autrement : Comment se porte le vélo en France ?
Dominique Lebrun : Plutôt mieux. Il avait été jeté aux oubliettes à la fin de la guerre : les trente glorieuses, le progrès, la voiture pour tous et bientôt le tout-voiture… Puis sont venus les embouteillages, la pollution, la sédentarisation de nos habitudes… On a redécouvert collectivement la bicyclette au tout début des années 2000 et, avant cela, quelques populations dans les villes pionnières : La Rochelle, Strasbourg (où ce mode de déplacement dépasse les 10% !). L’aménagement des premières voies cyclables et les premiers vélos mis en libre-service ont été un signe fort. Le mouvement ne cesse depuis de prendre de l’ampleur et on reconquiert – peu à peu – les centres villes où la part du vélo croît lentement mais sûrement. Comme à Bordeaux où elle frise les 10%, même si la moyenne nationale dans les grandes cités avoisine plutôt 4%. Mais ce sont là des chiffres très difficile à établir en dehors des grandes enquêtes menées par l’INSEE, lesquelles n’interviennent que tous les 10, 15 ans ; la prochaine étant prévue en… 2020 ! Paris, enfin, est un cas particulier, en dépit du grand succès des Vélibs (plus d’un tiers des 300.000 déplacements quotidiens effectués à vélo dans Paris+banlieue), les flux sont énormes et un transport sur deux s’effectue en métro.
Sur quoi travaille Monsieur Vélo en ce moment ?
DL : Sur cinq ou six axes de travail majeurs. L’intermodalité d’abord, ou comment faciliter la mixité entre les différents modes de transport que l’on souhaite favoriser : tram, bus, trains de banlieue ou encore grandes lignes qui vous emmènent faire du vélotourisme et sur lesquelles, depuis septembre, on peut réserver la place pour son vélo. Les parkings sécurisés dans les gares vont se développer et l’information sur les itinéraires être mise à disposition… Il y a aussi l’indispensable évolution du Code de la Route, notamment en ce qui concerne le partage de la voierie : non obligation de se tenir forcément à droite, franchissement autorisé des feux rouges aux carrefours si on tourne, double sens de plus en plus répandus, possibilité pour les automobilistes de franchir une ligne continue pour dépasser un vélo au lieu de rester coincés derrière, développement de la signalisation au sol (la plus efficace pour les vélos), etc. C’est aussi indispensable que complexe, car impossible de penser uniquement en termes de vélos ; doivent également être pris en compte les skates, trottinettes, etc. En ce moment, nous nous intéressons également à l’apprentissage, parce qu’on s’est rendu compte que beaucoup de gens avaient tout simplement peur de remonter à vélo ! Peur de ne plus savoir en faire. On va donc proposer des outils pour les aider à s’y remettre. Enfin, il y a tous les aspects liés à l’urbanisme : l’obligation de prévoir des locaux pour les vélos dans les nouvelles constructions et des parkings sécurisés dans les entreprises, etc. Autant d’aspects abordés dans la Loi d’intermodalité qui sera votée dans les semaines à venir.
C’est difficile de servir efficacement la cause du vélo ?…
DL : Il existe au niveau de l’Etat une vraie volonté politique de faire avancer les choses. Elle s’est d’ailleurs traduite très concrètement en 2014 à travers les 25 premières mesures inscrites au PAMA, le Plan d’Action des Mobilités Actives. Une évolution devenue indispensable non seulement pour des raisons écologiques, mais également de santé ; on devient, tous, trop sédentaires. Cela dit, les temps sont aux économies et aux coupes budgétaires ; on est donc une toute petite équipe (deux personnes) en charge de la coordination de l’ensemble des dossiers vélo circulant à travers tous les ministères. Mais on a également la chance de pouvoir compter sur le soutien d’un « club » de parlementaires, une centaine de femmes et d’hommes, issus de tous les partis politiques, et amateurs ou simplement supporters du vélo. Ils déposent régulièrement des amendements allant dans le bon sens et, en général, ça passe. Ainsi de l’indemnité kilométrique qui sera bientôt reversée à ceux qui se rendent à leur travail à vélo : testée durant presque un an, elle vient d’être adoptée au parlement et se trouve à présent en discussion au Sénat…
Et pour le vélotourisme, vous faites quoi ?
DL : Favoriser la pratique quotidienne du vélo, même urbain, c’est œuvrer déjà pour la cause du tourisme à vélo ; car les gens s’y mettront bien plus facilement ensuite. Le gros avantage du tourisme à vélo, c’est qu’il représente un excellent moyen de maintenir et développer une activité économique dans les campagnes. Les territoires et collectivités l’ont bien compris qui y travaillent depuis des années de manière exemplaire. C’est un domaine en évolution constante où les progrès se mesurent presque au quotidien : bientôt la moitié du schéma « idéal » des 20.000 km de véloroutes et voies vertes aura été mis en place, en l’espace que quelques années ! Grâce à des millions d’euros d’investissement… Initiative emblématique : la Loire à vélo a accueilli à elle seule pratiquement 1 millions de cyclistes cette année ; c’est magnifique. Notre rôle à nous est d’assurer la cohérence de l’ensemble : schéma général des futurs itinéraires, harmonisation de la signalisation et des labels d’accueil, coordination avec l’Europe… Mais l’Etat va également mettre la main au portefeuille ; une enveloppe a été prévue par la Loi de transition écologique et nous sommes justement en pleine négociation, dans le cadre du plan de régions, pour savoir quels chantiers essentiels seraient cofinancés par l’Etat.
Des rendez-vous à venir à noter ?
DL : Du 1er au 5 juin prochain se déroulera la « Semaine nationale du vélo ». Rendez-vous annuel qui s’institutionnalise donc et a un rôle important à jouer au niveau de l’éducation des plus jeunes, à l’école comme au collège. Et puis, aux mêmes dates, se tiendra à Nantes Vélocity, la grand messe réunissant les experts du vélo de tous les pays : près de 1500 congressistes. Vélocity est organisé en Europe un an sur deux mais ne s’était plus posé en France depuis 2003. C’est un signe fort que nous ayons été choisis cette année ; l’occasion, à quelques mois de l’ouverture de la COP21, de montrer les progrès accomplis et, pour le comité de pilotage du PAMA, d’annoncer et lancer toutes les nouvelles mesures prévues pour 2015. On ne va pas s’arrêter en si bon chemin !
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Par Jerome Bourgine
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