« Vivre et travailler au pays en vivant de sa passion » – Entretien avec Vincent Fonvieille
Le voyage à pied l’a conduit aux quatre coins du globe, mais il reste pour autant très attaché aux Pyrénées. Il y a quelques années, il créa La Balaguère avec des amis pour pouvoir « Vivre et travailler au pays ». Entretien avec Vincent Fonvieille, un montagnard directeur d’un tour opérateur.
La Balaguere approche doucement de sa trentième année, pouvez-vous nous retracer en quelques mots son épopée?
L’activité de la Balaguère a débuté au printemps 1985. L’année précédente, alors que j’étais technicien à l’ONF, j’ai décidé de passer des diplômes de moniteur de ski de fond et d’accompagnateur en montagne, et pris la décision d’acheter une vieille maison pour en faire un gîte d’étape.
Il s’est posé rapidement la question du remplissage du gîte, ce qui a découlé sur la création d’une structure associative, La Balaguère, qui permettait de proposer des forfaits tout compris. Pendant cette période, La Balaguère accompagnait ses clients aux alentours du gîte, puis en Pays Cathare.
L’engouement qu’a connu le projet sur les premières années nous a incité, avec des amis espagnols et catalans, à représenter toutes les Pyrénées dans un catalogue qui s’appelait « Les Pyrénées à pieds« .
En 1992, alors que le statut associatif ne convenait plus au projet, nous avons fait le choix de devenir un société commerciale. Cette bande de copains, tous guides et accompagnateurs, est devenue actionnaire de la société. Certains avaient envie de développer les voyages à l’étranger, et nous nous sommes donc lancés dans cette nouvelle aventure. Mais finalement, c’était plus pour se faire plaisir qu’autre chose, cela nous permettait de nous financer nos voyages pour partir découvrir de nouvelles contrées.
L’activité pyrénéenne étant particulièrement saisonnière, cela posait des problèmes d’équilibres financiers. Il fallait absolument trouver une activité complémentaire à la saison d’été. Notre passion pour le voyage nous a incité à exporter notre savoir faire pyrénéen dans l’organisation de voyages à pieds au Sahara, en collaboration avec Maurice Freund de Point Afrique.
Le Sahara ne laisse personne indifférent, ce fut donc le choix du coeur mais aussi une opportunité économique puisque la saison touristique y est à l’exact opposée de celle des Pyrénées. De 1997 à 2004, la demande sur ces voyages s’est développée de façon exponentielle.
A l’aube de nos trente ans l’esprit reste le même, toujours tourné vers le voyage à pieds en petit groupe. Nous proposons aujourd’hui des voyages aux quatre coins du globe. Malheureusement, depuis 1997 et le premier attentat d’AQMI en Mauritanie, le Sahara s’est vidé de ses clients avec des conséquences terribles sur les populations locales.
Quelles sont les valeurs que vous souhaitez défendre, tant dans l’esprit de l’entreprise que dans les voyages proposés ?
Nous sommes une agence pyrénéenne très impliquée dans notre territoire. La Balaguère est une structure à taille et à visage humain qui souhaite placer l’Homme avec un grand H au coeur de l’entreprise et des voyages. On retrouve cette idée dans le management, l’aspect participatif proposé aux salariés ainsi que dans le respect des nos collaborateurs.
Dans nos voyages, l’Homme est placé au centre par les rencontres, favorisées grâce à nos partenaires locaux, véritables médiateurs entre visiteurs et visités.
Le notion de partage est tout aussi importante, par une répartition équitable de la valeur ajoutée que représente le tourisme. L’aspect solidaire nous tient aussi à coeur, même si cette notion a du sens en Afrique mais beaucoup moins sur d’autres continents.
La troisième notion importante est le côté indépendant. La Balaguère reste et restera libre et indépendante, ce qui ne nous empêche pas d’entretenir des relations commerciales avec certains partenaires comme Terre d’Aventure.
Vos bureaux sont basés à Arrens Marsous au cœur d’un village des Pyrénées. Pourquoi ce choix?
Ce qui nous a motivé au départ dans ce choix, c’était l’envie de vivre et travailler au pays en vivant de sa passion.
Pour nous, ça n’aurait pas de sens d’être ailleurs qu’ici. Ca n’a pas été facile au début pour trouver des locaux, puis les responsables politiques nous ont pris au sérieux et nous ont apporté leur concours. C’est grâce à l’aide de la municipalité que nous disposons de ces locaux aujourd’hui.
Le fait d’être basé dans un petit village de 700 habitants n’a finalement pas été une contrainte pour trouver des collaborateurs.
En étant basé à Arrens Marsous, nous sommes en parfaite harmonie avec notre activité, et je ferai tout pour que La Balaguère reste là dans les années à venir.
Avec 35 emplois direct ainsi que tous les emplois indirects, La Balaguère joue un rôle important localement.
La Balaguère commercialise aujourd’hui des séjours aux 4 coins du monde, comment vous assurez vous que vos équipes locales respectent vos engagements?
Il y a une douzaine d’années, on a commencé à se préoccuper de tourisme responsable. Par réactions à des initiatives de très gros TO qui cherchaient à redorer leurs images, nous avons souhaité avec quelques confrères nous engager aussi sur le sujet en créant un label pour se différencier, ce qui fut le point de départ d’Agir pour un Tourisme Responsable (ATR). Nous avons défini des valeurs communes et construit le référentiel d’ATR qui se compose d’engagements mesurables et contrôlables.
On s’est aperçu que cela n’était pas si simple que ça, et s’engager à ce que nos partenaires au bout du monde travaillent dans des conditions dans lesquels nous l’avons décidé est beaucoup plus difficile à faire qu’à dire.
ATR n’a pas les moyen de contrôler tous les prestataires partout dans le monde, et nous avons mis en place des procédures de façon à garantir le plus possible le respect de ces engagements là.
On ne peut pas remplir à 100% chacun des engagements pris. Nous sommes dans une logique de progrès, ce qui est l’esprit d’une certification. Chaque année le degré d’exigence est très haut.
Concrètement, la vérification sur place se fait par un membre de l’équipe qui se déplace avec la grille de critères ATR et passe le temps nécessaire avec le prestataire pour s’assurer que ce dernier fait bien tout ce qu’on lui demande.
La perception du tourisme responsable au Pakistan ou en Mauritanie est assez différente de ce qu’on peut avoir ici, certaines de nos préoccupations apparaissent pour eux comme des problèmes de riches… C’est un travail de longue haleine, mais je pense qu’on va dans le bon sens.
ATR a connu quelques changements l’année passée, comment va évoluer l’organisation ces prochains mois ?
Nous sommes en ce moment en pleine réflexion sur l’avenir d’ATR et sur les choix stratégiques à faire. Depuis le début, nous nous sommes énormément impliqués dans la certification et avons certainement trop négligé l’aspect de la solidarité vis à vis de nos partenaires dans les pays ainsi que la communication. Nous pourrons en reparler d’ici quelques semaines, lorsque l’ensemble des décisions seront prises.
Ce que l’on souhaite, c’est faire progresser le nombre de membres. La certification coute beaucoup d’énergie et beaucoup de temps aux structures, et cela peut s’avérer trop lourd à mettre en place. Une de nos idées est de trouver un moyen d’ouvrir ATR à des structures de plus petite taille.
La situation actuelle au Sahel a fermé de nombreuses destinations et privé de ressources beaucoup de familles. Quelle relation entretenez-vous avec vos équipes locales?
Ca faisait partie des points d’ouvertures d’ATR que de s’occuper des pays délaissés par le tourisme. Pour l’instant, nous agissons surtout individuellement sur ce sujet en finançant certains projets de reconversion professionnel. La difficulté que nous rencontrons, c’est le manque d’unité locale. Une fois l’activité touristique éteinte, chacun retourne à une activité individuelle.
Nous venons tout juste de rétablir le contact avec nos équipes maliennes, qui sont à l’écart de la zone de conflit mais qui souffre économiquement. Nous les avions aidé à constituer un capital sous la forme d’un troupeau de buffles. Nous leur avons aussi donné un coup de main pour mettre en place une activité de transporteur, mais qui n’a malheureusement pas fonctionné.
Qu’est ce que le tourisme d’aventure en 2013 ?
Lorsque je présente La Balaguère, j’évite d’utiliser cette expression. La Balaguère, c’est la découverte et non pas l’aventure!
Le tourisme d’aventure est en fait devenu un tourisme de randonnée à pieds qui se différencie du tourisme de masse car il est diffus, pratiqué en petits groupes, et il a donc de faibles impacts négatifs.
Aujourd’hui, l’aventure est plus pour l’entreprise que pour le client! Il y a un vrai avenir pour ce tourisme de découverte avec des modes de locomotion doux, qui va à la rencontre des populations locales. Mais le terme aventure n’est plus du tout approprié.
Pour terminer et à titre personnel quel est votre top 5 trekking dans le monde?
En numéro un le choix du coeur avec les Pyrénées bien sûr et cette incroyable variété de terrain. Ensuite je dirais le glacier du Baltoro au Pakistan qui reste quelque chose de très fort pour moi. Le Pays Dogon au Mali et le Cap Vert pour la gentillesse de ses habitants, et enfin la Colombie qui est un fabuleux pays aux paysages extraordinaires et dont la population est très accueillante.
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Par Sebastien Repeto
Fondateur de l'Agence Social Media My Destination, Sébastien est avant tout un passionné de voyage.
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