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Bregenzerwald : La vallée des maîtres fromagers

| Publié le 13 septembre 2023
             

Non il n’y a pas que le Tyrol en Autriche !  A la pointe est du lac de Constance, une vallée se distingue, le Bregenzerwald, « la vallée de Bregenz » ! Bordée par l’Allemagne sur tout son flanc est, cette région du Vorarlberg également voisine de la Suisse s’est fait connaitre pour son architecture contemporaine qui a su reprendre, voire marier et sublimer les codes traditionnels. Une vallée et 23 villages également célèbres pour offrir une qualité fromagère exceptionnelle, au point qu’il existe une Route du Fromage du Bregenzerwald. Elle a fêté ses 25 ans cette année, l’occasion d’aller voir de plus près quelques-uns des talents de la région…

Retrait du fromage par Lothar©PPC

La Route du Fromage

La Route du Fromage (KäseStrasse Bregenzerwald) n’est pas vraiment une Route, elle serait plutôt un lien voire un pont entre les différents métiers et producteurs qui touchent au fromage : exploitations agricoles, fromageries, boutiques spécialisées, fermes, hôtels, restaurants, experts. En tout, près de 200 fermiers, autant de membres qui organisent chaque année des évènements et dégustations afin de faire connaitre un savoir-faire qu’ils souhaitent maintenir le plus longtemps possible tant l’agriculture à petite échelle est menacée partout dans le monde et notamment dans cette vallée où une exploitation agricole compte moins de trente bovins en moyenne. Cela n’empêche pas le Bregenzerwald de posséder sur ces terres des exploitations extrêmement diverses, des plus modernes aux plus traditionnelles. Quand, à Lingenau, la cave à fromage est à la pointe de la technologie (« du foyer, on peut observer comment un robot prend soin des fromages » !) abritant ainsi plusieurs milliers de meules ; à Oberlose, c’est un façonnage entièrement manuel du début à la fin du processus au rythme de l’homme et des alpages.

Damüls © PPC

En tout, 15 000 000 litres de lait soit 50 000 meules sont produites chaque année par les membres de l’association. Point d’orgue de la saison, la fête de la transhumance qui se tient à la mi-septembre dans l’un si ce n’est le plus beau village de la vallée,  Shwarzenberg, l’occasion d’admirer les bovins parés de fleurs multicolores redescendre des alpages et rejoindre la vallée où les habitants les accueillent en costume traditionnel. En outre, bien d’autres chemins mènent à la Route du Fromage. Il est aussi possible de faire des randonnées culinaires ou gastronomiques en découvrant la fabrication des tomes d’alpage de refuges en fromageries. Enfin, de nombreuses exploitations accueillent les visiteurs et leur proposent visites guidées, découvertes des alpages et dégustations.

A  Alpe Oberlose chez Lothar et Margit

Président de la Route du Fromage, Lothar nous accueille à Alpe Oberlose dans sa ferme d’alpage où il passe la saison avec sa famille, du printemps à la Toussaint. Il souhaite nous faire découvrir son exploitation et surtout nous montrer comment aujourd’hui encore, en 2023, il poursuit avec son épouse la tradition des anciens en confectionnant un fromage de la manière la plus traditionnelle qui soit. L’hiver, ils redescendront vivre à Shwarzenberg et ces alpages se convertiront en pistes de ski ! Il est à peine 7h30 mais Lothar et Margit sont levés depuis des heures déjà. « Nous travaillons dès 5 h et ce jusqu’à la nuit » me confirme Margit, qui, depuis trente ans, suit le rythme des alpages où les enfants dès 8 ans sont invités à participer aux travaux de la ferme. Les époux comptent 50 têtes de bovins (la vache brune du Voralberg) mais aussi des moutons, et des cochons un peu particuliers, nourris au petit lait de vache, si bien traités que les visiteurs sont invités à les caresser comme des ânons.

Paysage d’Alp Oberlose ©PPC

Mais place aux choses sérieuses ! Margit nous fait enfiler blouses, charlottes et sur-chaussures et nous emmène dans la salle ou le lait de la traite de la veille va peu à peu être transformé en fromage. Il repose dans une immense cuve en cuivre (le cuivre tue les bactéries) et a été débarrassé de sa « crème » (la graisse du lait), que Lothar a baratté dès l’aube pour en faire du beurre frais (3 à 4 kg), des mottes entièrement moulées et emballées à la main ! « Un beurre sublissime comme vous n’en avez sûrement jamais mangé », me glisse Stéphanie, une amie de la famille qui a la gentillesse de nous traduire les explications de Lothar. Pendant ce temps, le lait commence peu à peu à cailler. On lui a ajouté la levure, les ferments, dont la pressure de veau car Lothar et Margit n’utilisent que des enzymes naturels. Déjà, de petites taches blanches apparaissent à la surface et annoncent le fromage à venir.

Alp Oberlose, beurre « maison »©PPC

Tout en remuant la cuve grâce à une immense fourchette, sorte de harpe à trois dents, Lothar nous explique l’ensemble du processus. Le lait va être progressivement chauffé, de 32° à 52°, température minimum requise pour tuer les bactéries (la pasteurisation est à 72°). Puis, à  9h15 précisément, après une heure de chauffe, le fromage sera sorti. Il représente environs 10% de l’ensemble, le reste constituant le petit lait, qui servira à nourrir les cochons, Lothar et Margit n’ayant pas le temps de le transformer. A 9h15 donc, après une délicieuse pause « dégustations de produits de la ferme », Lothar nous convie à assister à la « sortie du fromage ». Et là, c’est un véritable spectacle, voire un tour de passe-passe ou un tour de force car pour retirer le fromage de la cuve, Lothar se coince un tissu triangulaire entre les dents, esquisse un plongeon vers le liquide et en un geste indescriptible, sort à main nue du liquide brûlant le fromage embrassé par le tissu. Il le porte ensuite au plus vite dans le moule à trois pas de là. L’opération est ainsi répétée trois fois, soit l’équivalent de trois meules de 25 à 30 kg (300 litres de lait frais chacune).

Pressage du fromage©PPC

Pressées, brossées au sel, les meules iront ensuite « mûrir » dans la cave au milieu d’autres voisines. Elles seront ensuite retournées à la main tous les deux jours et commenceront à s’affiner pour atteindre une maturité parfaite au bout d’un an. Cette tome des Alpages au lait cru n’a pas vraiment de nom ici, on l’appelle le « bergkäse » ou tout simplement la tome des Alpages, mais quoi qu’il en soit, les gens de vallée savent bien où aller pour trouver ce fromage qui a du caractère. En une saison, Lothar et Margit produisent près de 330 meules, soit 7 à 8 tonnes de fromage et ce pour quelques 100 000 litres de lait. Un travail de forçat, qui ne s’arrête pas à la confection du fromage car il faut ensuite nettoyer entièrement la cuve et tous les récipients qui ont servi à la préparation, mais aussi la pièce entière, du sol au plafond, pas question de prendre le moindre risque, au point que Margit plonge sous nos yeux littéralement la tête la première dans la cuve pour bien en récurer le fond.

Margit nettoyant la cuve©PPC

Un travail rude, difficile, qui bien sûr interroge sur la continuité, la transmission, l’avenir de ces fermes. Aucune subvention d’état pour cette agriculture traditionnelle qui ne pollue pas et perpétue les gestes des anciens. Dans la vallée, ils sont encore 50 à 60 producteurs à travailler ainsi le fromage, mais tout se complique, le foin se fait parfois plus rare avec le changement climatique. Envers et contre tout, Anton, le cadet de la famille (17 ans), souhaite reprendre le flambeau et a commencé des études d’agriculture. Margit nous confie qu’elle a confiance, son fils sait y faire avec les bêtes, il a un don, et puis, ici, les enfants connaissent les alpages, ils travaillent dur l’été… « Le travail de la terre rapporte peu. Sans les alpages, il serait difficile de  gagner notre vie mais notre plus grand problème, c’est l’inflation, le fromage devient un « produit de luxe », les gens ont de moins en moins d’argent. » Et chaque jour, Lothar descend dans la vallée couper le foin et entretenir ses terres quand dans le même temps, Margit poursuit sa journée. La ferme produit aussi du fromage de chèvre, un fromage blanc aux herbes, des charcuteries fumées, de la viande séchée au grand air, du lard. Rien n’est jeté. Les visiteurs de passage peuvent venir acheter, déguster sur place, découvrir les animaux, caresser les cochons, ou assister au retour des vaches à l’étable le soir à 17h30. Seule la fabrication n’est habituellement pas visible, pour des raisons évidentes d’hygiène et de confort de travail.

Lothar dans sa cave ©PPC

La famille Metzler Molke à Egg  

C’est Magdalena, la belle-fille de la famille , qui nous accueille dans l’entreprise familiale, dont le premier bâtiment date d’il y a 35 ans. Une longue histoire, une success story presque, quatre générations à produire du fromage à la ferme, mais pas que, car les Metzler, agriculteurs innovants d’Egg, ont redécouvert un vieux remède naturel sous la forme de lactosérum (le petit-lait), un sous-produit de la fabrication du fromage, dépourvu de graisses et de protéines, mais riche en nutriments et vitamines. Ce petit lait (10% seulement du lait sert au fromage), utilisé pour les cosmétiques, a fait la fortune des Metzler, il permet de fabriquer une vaste gamme de produits de beauté et d’hygiène ainsi que du lactosérum en poudre destiné à la fabrication de boissons. Sur place, on découvre une étable-galerie pour visiteurs où les enfants peuvent caresser et nourrir les chèvres (une centaine !), admirer les vaches (une vingtaine) et voir la traite. Juste en face, un autre bâtiment plus récent abrite la fabrication des cosmétiques produits au petit lait et herbes naturelles.

Entreprise Metzler©PPC

Sur le chemin qui nous amène au bâtiment des cosmétique, Magdalena nous conte combien au début des années 1990, les Metzler ont révolutionné et influencé toute la vallée avec cette idée de produire des cosmétiques à base de petit lait, nous rappelant Cléopâtre et ses bains de lait d’ânesses. Il faut dire qu’à l’origine, la famille fabriquait surtout des produits pour le bain, mais, les gens de la vallée ont commencé à y prendre goût, à demander des savons, puis des crèmes. Des collaborations se sont nouées avec des hôtels et des restaurants de la vallée. En 1992, les Metzler reçoivent le premier prix du salon de l’agriculture locale pour leur cosmétique, une incongruité qui fait parler dans toute l’Autriche, et finit par inspirer nombre d’agriculteurs de la région.

Plateau de dégustation chez Metzler©PPC

Aujourd’hui, l’entreprise Metzler a grossi, de nouveaux bâtiments ont poussé. On y vient pour ses fromages (pasteurisés ici) mais surtout pour ses cosmétiques, tous produits sur place par 40 employés. En tout, 50 lignes de productions, autant pour ceux produits par les Metzler que pour d’autres commanditaires, qui viennent ici « faire produire » leur cosmétique, à base de lait de jument, mais aussi de bière, de schnaps, de pierres, autant de matières incongrues qui seront transformées, dissoutes, mis en bocaux, en tubes, en flacons, en poudre. « Combien de flacons  ? » tente de demander un enfant qui suit la visite ? Les employés sourient. Impossible de répondre à une telle question. Une chose est sûre, ici, à 70% au moins, ce sont les cosmétiques qui font vivre l’entreprise. Un laboratoire innovant a même été installé pour tester de nouveaux produits. Crèmes, rouges à lèvre, gel douche solide, les Metzler ne cessent d’innover. Ils reçoivent en outre de nombreux visiteurs du monde entier, proposent des visiteurs guidés dans plusieurs langues, des « english tour », des dégustations de fromage et charcuterie. Et quand on sait qu’au Bregenzerwald, chaque village compte au moins un producteur de fromage, on imagine le nombre d’histoires et de produits que recèle encore la Route du Fromage….

Flacons de préparation dans le laboratoire Metzer©PPC

——— Petit guide pratique —————–

Informations générales :

OT du Bregenzerwald
www.bregenzerwald.at/fr

Très important à savoir :

Du 1er mai au 31 octobre, pour le voyageur qui reste au moins trois nuitées dans le Bregenzerwald, une carte, «The Guest-Card Bregenzerwald » est gracieusement mise à sa disposition par l’Office de Tourisme en partenariat avec les hôtels qui la diffuse. Véritable sésame, elle offre de nombreuses gratuités et permet de de bénéficier des attractions touristiques de la région (piscines, musées, téléphériques, etc.).

The Guest-Card Bregenzerwald & Großes Walsertal – Bregenzerwald in Vorarlberg

Ou goûter du fromage ?

Fromagerie de montagne Oberlose

https://www.meierei-boedele.at/

Depuis le parking de Bödele, marcher une dizaine de minutes jusqu’à l’alpage Oberlose attenant à l’auberge Meierei Bödele

Visite (1h) et dégustation sur place : 6 € par personne. Possibilité de rester déjeuner à l’auberge Meierie Boedele.

Autre lieu pour acheter les produits de la ferme Oberlose.

Alpenkäse Bregenzerwald – alpenkaese-bws Webseite!

Entreprise familiale Metzler Molke à Egg
http://www.molkeprodukte.com/

Address: Bruggan 1025, 6863 Egg

L’inscription aux visites guidées peut se faire à tout moment. Les intéressés ont en outre la possibilité de suivre des cours pour apprendre à traire les vaches et les chèvres.

La Maison du Fromage (Käsehaus) à Andelsbuch

Ouverte 7j/7, elle propose à la vente toute la palette des fromages et délices du Bregenzerwald

L’école du fromage d’Egg.                                                                                                                                                           On peut apprendre à fabriquer soi‐même un fromage frais lors d’un cours intensif.

Cave à fromage de Lingenau.

La cave se visite et une petite boutique vend fromages et produits de la région. La cave à fromages est ouverte du mardi au vendredi de 10h à 17h, le samedi de 10 à 16h.

Où dormir ?

Heuberg 1014
Ulla & Lukas Feuerstein
Heuberg 1014, AT-6867 Schwarzenberg
T +43 664 26 36 664
Ferien – Der Heuberg

Kontakt – Der Heuberg (heuberg1014.at)

Sur les hauteurs de Schwarzenberg avec une vue à couper le souffle, Ulla loue des appartements contemporains aux lignes pures et parfaites : bois, béton, fenêtres triple-vitrage, sauna, une adresse de chic et de charme.

Heuberg 1014©PPC

Où diner ?

Ernele

Romantik Hotel Das Schiff

Hittisau.

43 (5513) 6220-0

www.schiff-hittisau.com

L’équivalent d’un étoilé Michelin au cœur d’un hôtel magnifique. Des plats créatifs qui subliment les produits régionaux. Une adresse incontournable de la région.

Restaurant Ernele à Hittisau©PPC

Un petit schnaps ?

Distillerie de montagne Gasthaus Löwen,

Bergbrennerei Löwen (bergbrennerei-loewen.at)
La distillerie de montagne de l’établissement classé Gasthaus zum Löwen est spécialisée dans le raffinage d’herbes et de racines fraîches et très aromatiques. Au cours de la visite guidée, vous découvrirez et goûterez le parcours savoureux qui mène de la racine à la préparation, en passant par le distillat et le produit fini.
https://bergbrennerei-loewen.at/at/gasthaus-loewen.html

Distiller de Löwen ©PPC

———————– Merci à l’Office National Autrichien du Tourisme ———-

#feelaustria #visitaustria #realAustria
https://www.facebook.com/feelaustriaFR/
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Distillerie Löwen à AU©PPC

Bregenzerwald : La vallée des maîtres fromagers | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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