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Bregenzerwald : Artisans et architectes

| Publié le 20 septembre 2023
             

Chalets de bois aux lignes épurées, maisons traditionnelles tapissées de bardeaux de mélèze, toitures isolantes couvertes de shingles, appartements profilés jouant sur la lumière et l’angularité, le Bregenzerwald et au-delà la province du Vorarlberg qui l’englobe, est un terreau fertile pour l’architecture traditionnelle et contemporaine. Elle inspire depuis des décennies des générations d’architectes venues de toute l’Europe découvrir la « Baukulture », l’architecture durable locale. Il faut dire que le bois ne manque pas dans cette région de montagne ; depuis toujours, pour pallier aux rigueurs de l’hiver, les gens de la vallée ont fait preuve d’une ingéniosité redoutable. Aujourd’hui, avec 400 000 habitants et 150 bureaux d’architectes rien que pour le Vorarlberg, ils ont su remettre au gout du jour la beauté des formes traditionnelles, entrainant avec eux de nombreux maitres artisans réunis depuis 10 ans sous la bannière du Werkraum, la vitrine locale de l’artisanat et du design.

Habitation traditionnelle de Schwartzenberg©PPC

Visite au Werkraum : le centre d’artisanat et de design du Bregenzerwald

En mai 1919, la population du Vorarlberg est appelée à voter sur son entrée dans la Confédération suisse. Le «oui» l’emporte à plus de 80 %. Pourtant, ce rattachement n’aura jamais lieu. Outre des tractations compliquées à la sortie de la Première Guerre Mondiale qui firent grincer les dents de nombreux pays, Italie en tête, les Suisses eux-mêmes se montrèrent réservés, craignant d’intégrer un canton germanophone supplémentaire ou de mettre à mal l’équilibre confessionnel (le Vorarlberg étant massivement catholique). Finalement, à l’issue des pourparlers de paix à Saint-Germain (septembre 1919), la région deviendra autrichienne mais ses liens avec la Suisse resteront extrêmement forts, à l’image du Werkraum, le centre d’artisanat et de design local inauguré en 2013 à Andelsbuch sous la houlette de Peter Zumthor, architecte suisse de renommée internationale. Le jour où nous le découvrons, une exposition des maquettes des œuvres de l’architecte est justement en cours. Peter Zumthor connait bien les artisans du Bregenzerwald qu’il a rencontré lors de la construction du musée d’art de Brégence (Bregenz) dans les années 1990, cet incroyable cube en verre qui joue avec la lumière et l’eau aux abords du lac de Constance. C’est lui qui a souhaité cette maison de l’artisanat et du design, persuadé qu’elle serait la vitrine idéale pour représenter ces artisans artistes avec qui il n’a jamais cessé de collaborer.

Werkraum : le centre d’artisanat et de design©PCC

Ils sont aujourd’hui 92 membres à faire partie de l’association, des ébénistes, des menuisiers, des charpentiers, mais aussi des producteurs locaux, qui viennent là trouver de nouveaux réseaux pour écouler leurs produits. « Les habitants du Bregenzerwald sont très solidaires avec leurs artisans, nous explique Helga (responsable accueil du Werkraum), ils achètent en priorité les produits locaux car ils savent que c’est ce qui garantira l’emploi dans la vallée. Et puis, ici, on se connait tous ! » Depuis son ouverture, cette immense coque de verre et de bois abrite tout un programme de rencontres, d’expositions temporaires, mais aussi des concours entre les différents villages de la région qui comptent chacun son  association d’artisans. Des talents qui ne datent pas d’hier, comme nous le glisse Helga : « Les églises baroques du lac de Constance ont toutes été bâties par les artisans du Bregenzerwald !» En décembre 2016, la région fut même l’une de trois destinations autrichiennes inscrite au « Registre des bonnes pratiques de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel » de l’UNESCO. Point fort ici, artisans et architectes travaillent main dans la main, et réalisent des prouesses par leur association astucieuse, autant de collaborations vertueuses enviées dans toute l’Europe…

Heuberg 1014©PPC

 

Le Vorarlberg : lieu d’inspiration pour de nombreux architectes

Aujourd’hui, le savoir-faire de la vallée est reconnu bien au-delà du Vorarlberg. Déjà, au début du siècle, les familles s’arrangeaient toujours pour avoir un fils artisan. On le formait aux gestes des anciens, misant sur lui pour assurer la survie de la famille. Après-guerre, suite aux bombardements, il fallut reconstruire. Un temps, l’architecture traditionnelle fut délaissée pour du fonctionnel, l’urbanisation rapide prenant le pas sur la tradition, mais par chance (et par réaction !), dans les années 1980, une nouvelle génération d’architectes amenée par les Baukünsktler (architectes sécessionnistes souhaitant renouer avec la tradition)  et de grands noms tel Hermann Kaufmann (issu lui-même d’une lignée de charpentier de la région) remit au gout du jour les fermes en bois traditionnelles de leurs ancêtres. Avant-gardistes, ils comprirent que l’architecture moderne peut être un outil au service du progrès culturel et social, adoptant le développement durable comme une nouvelle voie pour un développement alternatif, attentif à l’équilibre ville-nature. Depuis, le Vorarlberg est devenu un véritable laboratoire européen de l’architecture durable contemporaine avec des projets phares et des architectes venus de toute l’Europe pour s’inspirer de ses réalisations.

Cimetière de Schwarzenberg©PPC

Perdus sur un magnifique chemin de randonnée au-delà de Damüls et des lignes de crêtes, nous rencontrons Michel et Christophe* qui nous remettent sur le « droit » chemin. Hasard ou convergence, en tout cas cela tombe bien, ils sont tous deux architectes, et parcourent le Vorarlberg depuis quinze ans où ils viennent puiser inspirations et idées. Dans leur dernière chronique du Vorarlberg publiée cet été, ils écrivent ces lignes éclairantes : « 4eme séjour dans le Vorarlberg en 15 ans. Toujours la même surprise, le même étonnement… Depuis plus de 40 ans, le Vorarlberg a su inventer une architecture vernaculaire industrielle qui compose tout autant avec les formes passées qu’avec le présent. Dans un de ces ouvrages, Merleau-Ponty dit que « le corps n’est pas dans l’espace : le corps est à l’espace ». Il en est un peu de même dans le cas présent. Le vernaculaire contemporain du Vorarlberg est voué à l’espace qui l’entoure, entre dynamiquement en relation avec lui, joue avec le paysage environnant et trouve dans les formes et les techniques héritées sa force expressive. Plus encore, cette vocation à l’espace et à l’épaisseur du temps créée une impression de fluidité que l’on retrouve dans la composition des espaces publics, l’offre de services, l’équilibre entre espaces ouverts et espaces bâtis. Loin de contrefaire une ruralité fantasmée, le Vorarlberg a su créer une rurbanité dynamique où se côtoient les technologies de précision, les granges à foin, l’industrie de la construction bois et celle du tourisme. (…) »

Schwarzenberg, la perle du Bregenzerwald

La ville de Schwarzenberg résume peut-être à elle seule cette richesse architecturale locale au point que dans la vallée, un dicton faisant référence à l’ardeur au travail, l’esprit d’économie et l’anticonformisme des habitants du village affirme : « Il y a des hommes, il y a des femmes, et il y a des gens de Schwarzenberg ». Et de fait, ce village de 1815 âmes est considéré comme le plus beau de la vallée. Américaine, Herma nous accompagne et ne tarit pas d’éloge sur son havre d’adoption. Elle a épousé un homme de Schwarzenberg et au-delà, toute la culture locale ! Intarissable, elle nous explique combien le bois et le fromage ont fait la richesse de la vallée, citant ces architectes locaux qui allèrent jusqu’à Saint Pétersbourg décorer l’Hermitage et profitant du voyage pour exporter ces précieuses denrées. On longe l’école, puis plusieurs habitations ; pas un balcon, ils ne sont pas autorisés ici, contrairement au Tyrol où ils fleurissent partout. Herma nous désigne toutefois les « salons d’hiver », forme de terrasse couverte en bois de pin qui jouent le rôle de pièce supplémentaire et forment comme un « balcon de plein pied » à l’avant des habitations. Au cœur du village, une vieille maison semble abandonnée. « C’est la plus vieille du village, soupire Herma, malheureusement, ses propriétaires n’ont pas les moyens de la restaurer. Cela coute une fortune ! ». Nous découvrons qu’il s’agissait du boulanger du village, qui  n’a pas été remplacé depuis. Ici aussi le petit commerce peine à survivre.

Salon d’hiver dans les maisons traditionnelles ©PPC

Quelques mètres plus loin, Herma nous désigne les rideaux brodés au crochet d’une fenêtre qui jouxte le trottoir. Dans les ruelles, tout est coquet, travaillé, ouvragé. On débouche sur la place centrale où trônent deux majestueux établissements couverts de shingles en bois de mélèze : le Mesnerstüble, rare édifice à avoir échappé au grand incendie de 1755 qui ravagea le village ; et le Gasthof Adler, dont la magnifique façade en bois « sang de bœuf » éblouit tous les visiteurs de passage (et permet d’éloigner les moustiques !). Au centre, une fontaine, les vaches venaient encore s’y rafraichir il y a moins de dix ans. Mais déjà, Herma nous entraine dans l’église dont la cloche attenante sert aussi de tocsin quand un habitant décède. Elle souhaite nous montrer une peinture d’Angelika Kauffman (1741-1807), illustre portraitiste du 18e siècle qui s’installa à Schwarzenberg en 1757, à la mort de sa mère, son père ayant été appelé après l’incendie dévastateur pour restaurer l’église. Il repeint notamment les peintures de la procession du chemin de Croix quand Angelika livra aussi plusieurs tableaux de jeunesse. Un buste la représente dans une travée adjacente.

Buste d’Angelika Kauffman©PPC

Plus haut, le musée de Schwarzenberg lui consacre un étage entier. Si Angelika est aujourd’hui enterrée à Rome, ses peintures ont fortement marqué la vallée de Bregenz. Féministe, engagée, c’est aussi elle qui en tant que portraitiste de talent, réalisait les peintures de souvenir du Grand Tour, quand l’aristocratie européenne, de passage à Rome, venait se faire tirer le portrait. Ouvert en 2007 dans une maison datant de 1552, le musée possède un « salon d’hiver » du 19e qui par temps froid, permettait aux enfants de s’ébattre sans déranger les adultes à l’intérieur. « Plus de 150 000 personnes ont déjà foulé ce plancher » nous glisse Herma, qui vante ce pin rouge séché si bien raboté qu’on peut y marcher sans chaussures. Passionnée, elle nous entraine dans la salle consacrée à Angelika Kauffman. Sa peinture la plus célèbre, un portrait d’Angelika réalisé à 62 ans, a été acheté par Victoria Beckam pour la modique somme de 3,5 millions de pounds (vous ferez le calcul !). A l’étage, le musée devient écomusée et présente les intérieurs et traditions populaires de la région : fenêtre en cul de bouteilles, costumes traditionnels (une jupe aux 500 plis m’évoque les jupes Miao du Guizhou !), coiffes et chapeaux, robes de communion, porcelaines peintes mais aussi la chambre à coucher traditionnel d’un couple de villageois, jamais vraiment allongé pour ne pas donner prise aux mauvais esprits. On visite aussi le foyer, frustre, la chambre des enfants, les filles et les garçons ayant chacun la leur. Enfin, une salle est consacrée aux activités de montagne, on y croise de vieilles paires de chaussures et des skis d’un autre temps. La vie a été rude dans la vallée autrefois, photos et documents en attestent. Aujourd’hui toutefois, cette vallée alpine a opté pour la beauté, le confort, tout en maitrisant l’usage de ces ressources, qu’elle sait précieuses et limitées, une philosophie qui rejaillit sur les hommes et l’architecture locale, et commence à faire école…

Musée de Schwarzenberg ©PPC

——— Petit guide pratique —————–

Informations générales :

OT du Bregenzerwald
T +43 (0)5512 2365-14

 www.bregenzerwald.at/fr

https://www.bregenzerwald.at/en/

Très important à savoir :

Du 1er mai au 31 octobre, pour le voyageur qui reste au moins trois nuitées dans le Bregenzerwald, une carte, «The Guest-Card Bregenzerwald » est gracieusement mise à sa disposition par l’Office de Tourisme en partenariat avec les hôtels qui la diffuse. Véritable sésame, elle offre de nombreuses gratuités et permet de de bénéficier des attractions touristiques de la région (piscines, musées, téléphériques, etc.).

The Guest-Card Bregenzerwald & Großes Walsertal – Bregenzerwald in Vorarlberg

Sur l’architecture et les architectes évoqués dans le texte

Werkraum Bregenzerwald à Andelsbuch
www.werkraum.at

Werkram©PPC

Les architectes : Michel Le Sommer et Jean Christophe Aguas 

Le Sommer Environnement

Où dormir ?

Heuberg 1014
Ulla & Lukas Feuerstein
Heuberg 1014, AT-6867 Schwarzenberg
T +43 664 26 36 664
Ferien – Der Heuberg

Kontakt – Der Heuberg (heuberg1014.at)

Sur les hauteurs de Schwarzenberg avec une vue à couper le souffle, Oula loue des appartements contemporains aux lignes pures et parfaites : bois, béton, fenêtres triple-vitrage, sauna, une adresse de chic et de charme.

Où diner ?

Ernele Romantik Hotel Das Schiff Hittisau.

43 (5513) 6220-0

www.schiff-hittisau.com

L’équivalent d’un étoilé Michelin au cœur d’un hôtel magnifique. Des plats créatifs qui subliment les produits régionaux. Une adresse incontournable de la région.

Mais aussi…

Gasthof Adler à Schwarzenberg©PPC

Un petit schnaps ?

Distillerie de montagne Gasthaus Löwen,

Bergbrennerei Löwen (bergbrennerei-loewen.at)
La distillerie de montagne de l’établissement classé Gasthaus zum Löwen est spécialisée dans le raffinage d’herbes et de racines fraîches et très aromatiques. Au cours de la visite guidée, vous découvrirez et goûterez le parcours savoureux qui mène de la racine à la préparation, en passant par le distillat et le produit fini.
https://bergbrennerei-loewen.at/at/gasthaus-loewen.html

———————– Merci à l’Office National Autrichien du Tourisme ———-

#feelaustria #visitaustria #realAustria
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Peintures d’Angelica Kauffman©PPC

Bregenzerwald : Artisans et architectes | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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