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Frère âne, me vois-tu bien venir ?

| Publié le 23 juin 2022
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Ce sont, en France, environ un millier d’ânes que le monde animal a délégué à la rencontre des humains. Lesquels, de leur côté, sont de plus en plus nombreux à fréquenter l’ancienne icône des cancres le temps d’une randonnée dont ils reviennent souvent transformés. Petit focus sur l’évolution d’une relation qui doit beaucoup à quelques passionnés : les âniers…

Balade avec des ânes, Queyras.

« Les gens – même les ruraux – découvrent quelles relations superbes on peut entretenir avec cette grande bête que l’on dit têtue et stupide, alors que c’est exactement le contraire ». Sylvain (Le refuge de P’tit âne) est l’un des piliers de la FNAR, la Fédération Nationale Âne et Randonnées. Pour nous, il est revenu aux sources de ce nouveau chapitre de l’histoire millénaire tissé entre l’homme et l’âne, ce porteur de longues oreilles qu’on a longtemps cru sourd… Tout commence dans les années 70, lorsque les premiers néo-ruraux s’installent à la campagne. Souvent amateurs de randonnées, ces anciens babas-cool découvrent émerveillés que lorsque l’on a des enfants, un âne, c’est bien pratique pour pouvoir continuer à s’adonner à ce loisir. Non content de porter les petits d’homme, l’âne transporte également le gite (bivouac) et le couvert pour tous. « L’activité a donc commencé à se développer tranquillement au fil des années 80, notamment dans le sud-est, alors plus fréquenté touristiquement, et nous avons créé la fédération à la toute fin des années 80, il y a maintenant 33 ans ». Bien sûr, il existe en France des dizaines d’âniers non membres de la fédération, mais la plupart de ceux-ci possèdent seulement quelques ânes, avec lesquels ils organisent de courtes ballades autour de chez eux. Quant au nombre de professionnels attitrés membres de la fédération, il demeure curieusement stable depuis une vingtaine d’années : autour de 60, 70 familles.

« R.e.s.p.e.c.t » !

« Peut-être parce que nous sommes assez exigeants au niveau des valeurs, de la charte et que la cotisation représente tout de même un certain investissement, explique Sylvain. 350 € par an, il faut les sortir, c’est sûr, alors que nous sommes dans l’immense majorité de petites entreprises familiales ». Mais chaque euro versé à la fédération trouve sa juste utilisation : « Les cotisations permettent de financer notre présence sur un ou deux salons essentiels, comme celui de la randonnée. A faire tourner également notre site internet commun, qui marche très bien. Plus un peu de pub papier et diverses actions de formation. Comme celle à la médiation animale qui réunit chaque année une quinzaine de personnes intéressées. Il faut dire que l’âne, bien plus sensible et attentif que le cheval encore, est un formidable médiateur en direction des personnes en situation de handicap de toutes sortes, des autistes également et des humains en général ». Côté personnes à mobilité réduite, une vingtaine de structures membres de la fédération sont aujourd’hui équipées pour leur permettre de partir en randonnée et profiter de la nature.

Si l’atmosphère visuelle du site de la fédération est un rien désuète, son ton chaleureux et solidaire illustre bien les rapports qui règnent au sein de cette association qui se passe de président et fonctionne sur le principe d’une incontestable égalité. « Ce n’est pas un hasard si l’on parraine les nouveaux arrivants sur deux ans, le temps de vérifier leur professionnalisme et qu’ils respectent bien les divers critères de notre charte, elle-même basée sur le respect : respect de la nature, des animaux, des autres. On incarne des valeurs assez fortes, c’est vrai ». Vivant pour la plupart dans des coins isolés où ils sont écologiquement engagés (certains membres qui proposaient également des virées en quad ont été exclus), les âniers de la FNAR sont ravis de passer trois jours ensemble chaque année pour échanger : maladies, assurances, matériel, astuces, prêt d’âne ou solidarité avec l’un ou l’autre… « Les discussions sont parfois animées, mais on forme un vrai collectif, animé de rapports sains. De toutes façons, vous ne faites pas ce métier si vous n’aimez pas les gens, le contact humain y étant essentiel ». D’autant plus essentiel que si internet amène aujourd’hui du monde, le bouche à oreille (et son haut-parleur des réseaux sociaux) demeure une valeur capitale. Beaucoup en viennent à l’âne sur le conseil de copains qui, eux-mêmes, lors des dernières vacances…

Ânier, un métier d’avenir ?

Les familles demeurant la clientèle de prédilection des randonnées avec âne, les âniers font en effet l’essentiel de leur chiffre d’affaire durant les vacances scolaires, notamment celles d’été. Et, même si ces vacances ont tendance à davantage s’étaler sur l’année et si le changement climatique en conduit beaucoup à ouvrir dès Pâques, le métier d’ânier reste une activité saisonnière. Raison pour laquelle la moitié d’entre eux sont également agriculteurs. (Guillaume, Les Cols des ânes n’a pas pu répondre à nos questions, accaparé par la récolte des cerises). Lesquels agriculteurs proposent souvent uniquement des randonnées « en liberté », faute de pouvoir accompagner les familles dans leur périple. Quant à savoir si le métier conviendrait à une jeune génération de plus en plus avide de redécouvrir une vie naturelle, tout est question de motivation. « Il y a une quinzaine d’années, face au succès rencontré par notre activité, j’ai été inquiet quelques temps : n’allions-nous pas au final être trop nombreux ?… Mais en fait, non. Car pour que cette activité fonctionne, il faut vraiment s’y engager de toute sa personne, humainement notamment. Car ce que les gens disent avoir le plus apprécié à leur retour de randonnée, c’est bien entendu d’une part l’immersion dans la nature sauvage et le lien sensible tissé avec l’animal, mais c’est tout autant la qualité des relations humaines vécues au fil de la randonnée. Avec vous comme avec ceux qui sont parfois les seuls humains ou presque croisés dans la journée : les hôtes des refuges et des gites que vous avez choisis pour leurs étapes, des amoureux de la nature tout comme vous. Alors, bienvenus dans ce métier passionnant car pétri de relations fortes. On n’y roule pas sur l’or et les animaux représentent un engagement à l’année, mais si la condition de base est remplie, on y est heureux. Cette condition étant naturellement d’en avoir… envie ! »

Martine et les ânes…

Tel est définitivement le cas de Martine (Trekane, en Ardèche). Adolescente passionnée de randonnée, son chemin croise un jour celui des ânes au Maroc. Révélation. Elle décide alors de passer un brevet professionnel agricole. « Et bien sûr, je suis allé faire mon stage chez un agriculteur qui élevait et louait des ânes. Puis je me suis lancée. Il y a 28 ans. Internet n’existait pas. La fédération constituait le seul lien nous unissant et les salons notre seul moyen de rencontrer des clients potentiels. On ramait et plusieurs ont lâché, mais un certain nombre d’entre nous ont tenu le coup. J’ai finalement trouvé la configuration qui me convenait le mieux : une vingtaine d’ânes et uniquement de la rando libre. Mes clients partent avec leur road-book et l’appli GPS qui va bien. Ils dorment en camping ou en gite, chez des amis, pas de bivouac chez moi. Mais j’ai toujours autant de plaisir à partager avec eux ma passion de l’âne : obéissant, courageux, bien plus facile que le cheval. Un animal qui adore se faire caresser et noue des liens très vite, venant se frotter, vous appelant. Tout ceci à condition d’avoir été bien éduqué. La relation avec un âne ressemble beaucoup à celle établie avec un chien. Intelligent, l’âne comprend ce qu’on lui explique ; qu’il n’a pas à avoir peur d’une plaque d’égout par exemple. Bon, la saison ne dure que d’avril à septembre, c’est  certain, gites et relais étant ensuite clos (et puis en Ardèche, l’automne, ça chasse beaucoup !), mais les animaux vous occupent 365 jours par an (ou bien il faut se faire remplacer). Mais associé à mon activité de chambres d’hôte, j’en vis. D’une vie qui me convient parfaitement. »

Le déclic de Cédric

Même coup de foudre chez Cédric (Carabâne). Plus jeune et issu du milieu équestre, ce jeune-homme accompagne un jour un voisin dans une transhumance de 5 jours avec ses ânes. Et là… « Ce calme, cette douceur mariée à une recherche continuelle du contact, cette évidente sensibilité… j’ai été totalement conquis. Et me suis donc reconverti ! Ayant ouvert ma structure il y a 8 ans, je propose des ballades : de la demi-journée à la semaine, les gens étant de plus en plus partants pour une véritable itinérance. Version « confort » (gites) ou « aventure » : bivouacs. Je me suis arrangé pour que les gens dorment à la maison le second jour. Comme ça, ils ont déjà mille choses à échanger ou demander. Et pour travailler un peu hors saison, j’ai acheté une escargoline qui transporte les personnes à mobilité réduite : IME, ehpad… Le contact avec un âne constitue une thérapie fabuleuse. Même si vous n’êtes pas malade ! Raison pour laquelle je la pratique au quotidien (rire). Certains deviennent accrocs et c’est bien sûr un bonheur de les voir revenir. Et puis l’hiver, contrairement aux canoés, on ne range pas ses ânes dans un coin. Ils restent dans votre vie. Alors, on fait du pastoralisme, on entretient le territoire… »

Infos Pratiques
Randonnée liberté : de 50 à 65 € pour un âne/jour
Randonnée accompagnée : à partir de 300 € pour 2 jours


Liste des âniers professionnels sur la carte de France de la fédération…


Frère âne, me vois-tu bien venir ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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