Une formation internationale pour les gestionnaires francophones de sites patrimoniaux
Cet article a été écrit le matin du 15 avril, hier matin, le soir même un incendie ravageait Notre-Dame, forme de dramatique pied-de-nez aux lignes qui suivent et qui montrent que derrière chaque monument, il y a aussi des hommes et des femmes qui oeuvrent dans l’ombre pour aider à les sauvegarder et à les faire vivre… Que ces quelques mots leurs rendent aussi hommage.
Ils sont originaires du Mali, du Burkina-Faso, du Maroc, de Jordanie, de Tunisie, de Polynésie française, d’Albanie, de Guadeloupe, de Belgique mais aussi de France métropolitaine, tous ont en commun d’être gestionnaires de façon plus ou moins directe d’un site, dont certains inscris au patrimoine mondial de l’Unesco. Parfois isolés face à de lourdes décisions à prendre visant à la préservation et à la mise en valeur de ces lieux d’exception, ils ont fait le choix de suivre une formation de deux semaines organisée par le réseau des Grands Sites de France et se retrouvent une dernière fois pour une forme de bilan oral, avant de s’en retourner vers leur quotidien….
Le défi quotidien de la préservation des sites patrimoniaux
Quoi de mieux que la Salle des Gardes de l’hôtel de Sully au cœur de Paris pour accueillir la matinée de conclusion de la formation internationale destinée aux gestionnaires francophones de sites patrimoniaux. Vendredi 12 avril dernier, ils étaient douze participants stagiaires venus des quatre coins de la planète, entourés de leurs partenaires et organisateurs, à revenir sur deux semaines intensives de formation passés ensemble sur le site Bibracte Mont Beuvray puis en solo en immersion dans un site partenaire. Une restitution témoignage emprunte d’émotion et de passion partagée, qui a permis à des décideurs de témoigner combien cette formation est une occasion unique de partager questionnements et inquiétudes mais aussi de rompre une certaine solitude du gestionnaire en créant un véritable réseau de réflexion et d’amitié autour d’une préoccupation commune : la protection et la mise en valeur du patrimoine mondial. Parmi les nombreuses allocations introductives, à noter celle de l’ambassadeur de France à l’Unesco, Mr Laurent Stefanini, qui a rappelé combien l’inscription sur la liste du patrimoine mondial n’est pas une fin en soi mais plutôt un privilège qui comprend aussi une lourde responsabilité, celle de prendre des engagements pour mettre en place les outils les plus adéquats pour la meilleur protection du site qui soit.
Deux semaines intensives de formation
Organisée depuis 2007 tous les deux ans par le Réseau des Grands Site de France avec le soutien de nombreux partenaires et ministères, ces deux semaines ont donc pour objectif d’aider les gestionnaires stagiaires à mettre en œuvre sur leurs sites les préceptes de la Convention du patrimoine mondial de 1972 en lien avec les Objectifs du Développement Durable (ODD) et ce, pour une gestion durable du patrimoine intégrant toute ses dimensions et notamment, le facteur humain, afin que les habitants des sites soient également pris en compte dans le processus décisionnel. Pour cette septième édition, l’ensemble des douze stagiaires ont unanimement salué la qualité d’une formation rassemblant à la fois des intervenants très divers et un site d’exception, Bibracte Mont Beuvray, où ils ont pu se retrouver dans une forme de « bulle » (pour reprendre leurs mots) le temps d’une semaine. Ils ont ensuite rejoint chacun leur site d’accueil spécifique choisi en lien avec les problématiques de leur territoire. Abdedellatif Marou de la Médina de Marrakech a ainsi été accueilli au cœur de la Cité Episcopale d’Albi, Méari Manoi, du site sacré de Tapu-tapu-atea/Te Po en Polynésie, dans le Bassin Minier du Nord-Pas de Calais, Rozeta Gradeci du site archéologique de Komani en Albanie, au cœur du Grand Site de France massif du Canigo…, avec également quelques cas d’immersions franco-françaises, à l’image de Marie-Laure Fromont d’Aigues Mortes, accueillie sur le Grand Site de France des Gorges de l’Hérault ou de Benoît-Henry Papounaud de l’Abbaye et musée de Cluny, accueilli au cœur du Grand Site de France Marais Poitevin.
« Nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes questionnements »
En cette matinée de restitution du 12 avril, les participants stagiaires avaient pour consigne de faire un petit bilan de la formation en concluant par quelques éléments concrets, soit présenter quelques projets précis qu’ils souhaitent développer dans le futur sur leurs sites respectifs que ces 15 jours auront souvent aidé à faire mûrir. S’il est difficile de reprendre l’ensemble des témoignages et allocations tant les retours étaient foisonnants, on peut toutefois constater une réelle osmose de l’ensemble du groupe et quelques grandes lignes fortes dans le discours avec le constat récurent de partager les mêmes valeurs et questionnements, celui également d’être souvent isolés au cœur de processus complexes de décisions avec nombre d’appels du pied pour un engagement plus effectif des politiques, le besoin aussi de porter des projets communs, d’avoir une compréhension approfondie des spécificités de chaque site. La place à donner aux habitants a également été régulièrement citée, ainsi que l’importance de la concertation et du dialogue, de la mise en place d’ambitieux plans de gestion intégrant les problématiques de conservation, de valorisation, de médiation et de gouvernance. Sur les aspects plus concrets quant à la gestion des sites sont revenus des thèmes classiques comme celui des accès et du stationnement, l’amélioration des aménagements autour d’un grand site, le besoin de toujours plus de communication et de partenariats pour les faire rayonner, des idées telles que l’aménagement de maisons de site, l’importance d’avoir une vision, une ambition territoriale, avec le territoire en mot clés et l’importance toujours et encore d’être passionné par son bassin d’action.
« Je suis venu en mission d’apprentissage, je repars chargé d’enseignements »
Pour conclure, quelques formules, images ou phrases fortes rapportées par les différents gestionnaires, tel un dernier hommage à cette formation qui a su construire autour de douze stagiaires venus des quatre coins du globe un groupe soudé et apte à fédérer un réseau de solidarité et de partage pour le futur. Marie-Laure Fromont d’Aigues Mortes : « L’humain doit être au cœur de nos actions ». Méari Manoi de Polynésie : « Comme dans une pirogue, tout le monde doit ramer ensemble. » ; « Cette formation a une âme » Hélène Devresse, Guadeloupe : « Cette formation a changé ma perception de l’aménagement d’un site naturel. » Nizar Ben Slimene, de Tunisie : « Je note l’importance de la compréhension approfondi d’un site pour identifier ses vrais valeurs et les développer avec les habitants. » Zoumana Bamba du Mali : « Un gestionnaire doit bien connaitre son site et en avoir une vision à long terme. » Rozeta Gradeci d’Albanie : « Tout se doit d’être collectif, les discussions tournées vers le local, avec l’implication des habitants dès le début du processus. » Abdellatif Marou du Maroc : « Il faut faire rayonner le site et renforcer sa connaissance auprès des visiteurs, des prestataires, et de l’ensemble de la population. » Geneviève Laurent de Belgique : « La gestion d’un site ne peut se construire seul, elle doit se faire en intégrant son bassin de vie. » Moctar Sanfo du Burkina-Faso : « Il faut avoir une vision, une ambition territoriale, le gestionnaire est un chef d’orchestre et doit toujours avoir un esprit positif. ». Montassar Jmour de la Médina de Tunis : « Cette formation m’a apporté une vision durable du patrimoine, l’envie de mettre en place une stratégie de développement durable. » Benoît-Henry Papounaud de Cluny : « Cette formation interroge aussi l’esprit des lieux, sa part d’âme, elle permet d’élargir le champ des possible, de sortir de l’isolement, d’intimer à nos actes le temps long. »
Enfin, en guise d’épilogue, ce proverbe africain cité par Lassina Simporé, Secrétaire Général du ministère de la culture du Burkina-Faso : « Un jeune qui a beaucoup voyagé est plus âgé qu’un vieux qui est resté au village »… mais aussi ce constat très juste d’Anne Vourc’h, conseillère auprès du Réseau des Grands Sites de France : « On parle beaucoup des valeurs universelles du patrimoine, vous montrez par votre présence les valeurs universelles de ceux qui s’en occupent. »
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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Je félicite les participants et l’encadrement. Cette formation est une chance pour les pays francophones particulièrement les gestionnaires de sites. On apprend, on se perfectionne et on devient efficace.
Longue vie au Réseau des Grands Sites de France.
Plus nous nous rencontrons plus nous découvrons, plus nous apprenons et nous engageons ensemble pour défendre l’essentiel et mettre en valeur notre patrimoine commun. Félicitations aux organisateurs de l’édition 2019. Ensemble nous réussirons.