Comprendre le Réseau des Grands Sites de France
Depuis novembre 2000, le Réseau des Grands Sites de France regroupe, coordonne et fédère 41 Grands Sites accueillant près de 32 millions de visiteurs. Objectif de ces différents lieux souvent soumis à de fortes pressions touristiques : assurer un accueil de qualité, mettre en place des actions de préservation de l’ensemble du patrimoine, tout en favorisant un développement social et économique propice au territoire. Et ce, d’autant plus qu’il s’agit de paysages exceptionnels, fragiles, qu’il est important de protéger afin de pérenniser « l’esprit du lieu ». Afin d’aller plus loin dans la compréhension du Réseau, nous sommes allés à la rencontre d’Anne Vourc’h, qui le dirige depuis sa création.
VA/ Quelle est la particularité des lieux que regroupe le Réseau des Grands Sites de France ?
Notre réseau compte 41 Grands Sites au sein desquels 14 sont déjà labellisés Grand Site de France, les autres travaillant pour obtenir un jour le label. Inscrit au Code de l’environnement, le label « Grand Site de France » est attribué pour 6 ans par le Ministre de l’Ecologie. Il récompense une gestion conforme aux principes du développement durable, conciliant préservation du paysage et de “l’esprit des lieux”, qualité de l’accueil du public et participation des habitants et des partenaires à la vie du Grand Site. Celui-ci peut être retiré en cas de manquement aux engagements. Les sites en question sont tous des paysages remarquables, classés au titre de la loi du 2 mai 1930 sur « la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque » et que nous visons à préserver. En outre, au-delà de leur caractère remarquable, nos sites sont tous des lieux de forte attractivité touristique. Toutefois, au-delà du tourisme, nous gérons surtout un patrimoine et notre travail consiste à trouver un équilibre entre la préservation d’un lieu, la vie des habitants qui vivent dans ce territoire et le tourisme qui s’y développe avec parfois des flux très importants. Il nous faut alors gérer cette attractivité touristique afin que le territoire ne devienne pas invivable pour les habitants et que le tourisme n’entre pas en concurrence avec la vie locale. Il s’agit donc d’une préservation à long terme, qui se fait dans le cadre d’une politique publique nationale.
VA/Vous travaillez donc dans une continuité avec l’Etat et les collectivités publiques territoriales ?
Tout à fait. Et la protection des sites n’est pas une nouveauté, elle existe depuis le début du 20e siècle. On oublie parfois que des organismes comme le « Touring Club de France », ou que les premiers touristes ont eu un rôle dans la « découverte » de ces paysages. Ils font partie de ceux qui ont demandé la protection des magnifiques lieux qu’ils découvraient en sillonnant la France. La loi de 1930 sur protection des sites fonde l’implication de l’Etat dans une politique nationale de protection et de valorisation de ces sites. A la fin des années 1970, la politique des Grands Sites de France a amplifié l’action en tentant de mieux gérer et de préserver des paysages remarquables qui commençaient à être soumis à des pressions touristiques de plus en plus fortes, l’asphyxie des sites par la voiture… Certaines petites communes ont vite été dépassées, comme au Cirque de Sixt Fer à Cheval dans la Vallée du Giffre (Haute-Savoie) où il y a dix ans encore, le cœur du site était occupé par un vaste parking. Il a fallu réfléchir à mieux gérer, préserver, trouver un tourisme équilibré, responsable et durable pour ces sites. Aujourd’hui, le Cirque de Sixt Fer-à-Cheval a été réhabilité dans le cadre d’une Opération Grand Site, le parking reculé, les cheminements sont agréables…
VA/ Concrètement, dans quel sens doivent travailler les sites pour obtenir le label Grand Site de France ?
L’idée est de redonner une qualité au site, offrir un accueil agréable, d’autres clés de découvertes que la seule appréhension d’un tourisme concentré dans le temps et dans l’espace et du tout voiture. On s’arrête, on prend le temps de comprendre un site, et on met en place tout un travail de réhabilitation des lieux, une stratégie d’accueil, un cahier des charges qui permettent au site de gagner en qualité. D’un point de vue technique et financier, les budgets sont importants pour ces projets de réhabilitation. Le financement est assuré par les collectivités locales, avec l’appui de l’Etat, de l’Europe. Sur chaque Grand Site, il est important de faire émerger la structure garante de la gestion du lieu, le plus souvent une émanation des collectivités locales, qui portera l’ensemble de ces projets, réalisera les travaux et travaillera avec les inspecteurs des sites qui ont en charge la protection des paysages remarquables. Au final, l’objectif est mettre en place une gestion dans l’esprit du développement durable, tant pour les visiteurs que pour les habitants, et donc dans une vision à très long terme du lieu. Quant au Réseau, il s’agit d’une association animée par une petite équipe de 4,5 salariés, qui regroupe et coordonne ces structures gestionnaires, chacune restant toutefois autonome. Nous favorisons l’échange d’expérience entre sites, nous éditons des documents cadres qui visent à accompagner les territoires sur des bases et des valeurs communes.
VA/ Le label « Grand Site de France » est-il connu et compris du grand public et a-t-il pour vocation d’attirer plus de visiteurs sur les sites ?
L’objectif n’est pas d’accueillir plus de monde mais d’accueillir beaucoup mieux. Nos 41 sites membres accueillent d’ores et déjà 32 millions de visiteurs chaque année ! Nous ne sommes pas un label de promotion mais un label qui reconnaît la qualité d’un site préservé et mis en valeur offrant un accueil à la hauteur des lieux. Notre objectif consiste donc à ce que lorsque l’on parle d’un Grands Sites de France, il n’y ait pas un décalage entre l’image du site et la réalité à vivre, que ce soit sur la qualité de paysage, celle du patrimoine ou quant à l’aménagement de ces lieux. Nous devons être à la hauteur de ces lieux d’exception et parvenir à accueillir toujours mieux. Nous accueillons un grand nombre de visiteurs mais, même face au grand nombre, nous souhaiterions accueillir chaque personne individuellement.
VA/ Et de fait, pensez-vous que le grand public connaisse votre action ?
Non, notre label ne parle pas encore au grand public. Nous n’avons pas fait d’études mais nous récupérons parfois d’autres enquêtes et nous avons conscience que nous sommes peu connus. Il faut aussi préciser que le premier label Grand Site de France a été décerné en 2004, c’est encore récent, or il faut du temps pour être connu. De fait, nos 14 Grands Sites de France labellisés sont bien plus connus que le label lui-même et ce n’est pas lui qui fera connaitre des sites qui le sont déjà. Ce que l’on souhaite, au travers du label, c’est indiquer aux visiteurs qu’il y a là un souci particulier en faveur de la gestion du site, sa réhabilitation, sa préservation, un « esprit » particulier. Nous tentons vraiment de donner des clefs de compréhension du territoire pour qu’il soit non seulement préservé mais aussi accueillant, et qu’il soit découvert en toute responsabilité. Et de fait, si notre label est encore peu connu, notre souci est qu’il gagne peu à peu en notoriété pour ce qu’il est : une autre manière d’aborder le tourisme dans des lieux exceptionnels. Nous travaillons à la « transition touristique » de demain : comment imaginer le tourisme du 21e siècle en des lieux qui ont été parmi les premiers lieux du tourisme au 19e siècle. Nous souhaitons de fait être en phase avec les valeurs du tourisme contemporain et proposer une immersion dans des paysages extraordinaires, une vraie expérience et pas seulement une simple visite.
VA/ Quels seront les prochains sites à candidater au label Grand Site de France ?
Vraisemblablement les Gorges du Gardon (Gard) et le Cirque de Navacelles (à cheval entre l’Hérault et le Gard). Certains sites entrent également dans la démarche, comme Vézelay en Bourgogne, qui comprend l’ensemble de la colline et du site classé et inscrit du vézelien, soit plus de 18 000 hectares englobant 18 communes. L’approche va donc bien au-delà de la seule basilique de Vézelay, elle concerne tout le territoire, l’ensemble du paysage remarquable. L’idée est justement de desserrer le périmètre afin de déconcentrer un lieu en montrant qu’autour aussi, il y a plein de choses intéressantes.
VA / Un site a-t-il déjà été menacé du retrait du label ?
Pas encore mais ce label est très récent, et il est renouvelable tous les six ans. Il faut alors entièrement recommencer la procédure. Il faut savoir que c’est le ministère de l’Ecologie qui attribue le label. Les sites passent devant la Commission supérieure des sites composée de représentants de services de l’Etat, d’élus, de personnes issues de la société civile qualifiées en matière de protection des sites. Le Réseau donne également un avis sur la candidature. Notre rôle est aussi d’accompagner les sites vers le label, d’aider tous ceux qui se sont investis dans ces projets, qui sont souvent des passionnés et qui seraient vraiment déçus d’échouer. Toutefois, ce label est très difficile à obtenir et il peut être retiré en cas de manquement aux engagements de protection, de mise en valeur, de développement durable, et d’accueil.
VA/ La plupart des sites étant déjà très connus, quelle est leur motivation dans l’obtention du label ?
La reconnaissance de l’action menée, qui est une action exigeante, innovante, gage de qualité. Et pour chaque site, un « plus » distinctif, très valorisant pour les territoires.
————- ALLER PLUS LOIN————————-
Plusieurs études ont illustrées de façon concrète l’effet du réseau et de l’ensemble du travail réalisé quant au territoire, à la protection de l’environnement, au rejaillissement économique pour les habitants (Dune du Pilat, St-Guilhem-le-Désert, etc.)
Voir « Etude Dune du Pilat » : http://www.ladunedupilat.com/Avec-pres-de-2-millions-de-visiteurs-chaque-annee-la-dune-du-Pilat-est-une-veritable-locomotive-de-l-economie-locale_a221.html
Aussi Le site du réseau des Grands Sites de France : http://www.grandsitedefrance.com/index.php
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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