De Pompéi aux Calanques, ces destinations prisées des touristes qui imposent un quota
Thèmatique : Conseils Espaces protégés Initiative privée Innovation Monde Territoire Tourisme de masse
France, Italie, Pérou, Australie… De plus en plus de pays instaurent des restrictions autour de certains de leurs plus beaux sites, ceux que les touristes s’arrachent. La sur-fréquentation touristique, couplée à l’effet saisonnier, est à l’origine de situations qui finissent par mettre en péril nature, patrimoine et habitants. Certains sites voient leur érosion s’accélérer, d’autres étouffent sous la pollution ou les déchets, et ce qui faisait la beauté exceptionnelle du site en question finit par être gâché. Il existe pourtant quelques réflexes simples à opérer afin de désengorger les merveilles de notre planète.
Venise, Machu Picchu, île de Bréhat… ces sites qui mettent le holà
Après des années d’hésitation, la ville de Venise a fini par statuer : à compter de 2025, plusieurs dizaines de jours sur l’année, notamment les weekends d’avril à juillet, seront taxés. En effet, les voyageurs visitant la cité des Doges sans y passer au moins une nuitée devront s’acquitter d’une taxe de 5€ par personne âgée de 14 ans et plus. Une façon symbolique, mais concrète, de pénaliser les paquebots de croisière qui déversent leurs flux de touristes chaque jour. Des visiteurs pressés qui se concentrent autour des mêmes lieux, n’ayant pas de temps à perdre dans les magnifiques petites ruelles de la ville, loin de la place Saint-Marc…
À 700km de là, le site archéologique de Pompéi a annoncé en novembre dernier qu’il serait désormais limité à 20.000 visiteurs quotidiens. Un choix qui devrait faire sens en période estivale, où les visites ont pu atteindre le record de 36.000 personnes journalier en 2024. Un afflux de touristes qui, certes, fait vivre le site, mais menace également la fragilité du patrimoine. Les responsables espèrent ainsi répartir davantage les visiteurs sur l’année, mais également dans l’espace en les redirigeant vers des villes voisines comme Boscoreale, également riche d’un beau patrimoine culturel et historique.
En France, ce sont deux Calanques de Marseille qui ont été régies par un passe-droit : il est obligatoire de réserver pour y accéder. Le but de l’opération, menée a minima jusqu’en 2027, est de limiter l’érosion des sites et de permettre à la nature de se régénérer.
Sur les côtes bretonnes, l’île de Bréhat a emboîté le pas en 2023 : les visiteurs sont désormais limités à 4700 par jour. Un quota qui permet d’éviter des pics d’hyper-fréquentation estivale, de préserver l’environnement, et de maintenir la qualité de l’accueil. Une mesure qui s’étend sur une partie de la période estivale, mais qui n’est pas toujours respectée.
Mêmes limites à l’autre bout du monde, comme au Pérou : inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco et reconnu comme l’une des Sept Merveilles du Monde, le Machu Picchu est menacé d’érosion. Trop de monde, trop de pas… Le site a été contraint de limiter le nombre de visiteurs journaliers, ainsi que le temps de visite. Impossible donc de débarquer à l’improviste : pour gravir les marches mythiques, il est nécessaire de montrer patte blanche !
Le Mont Blanc, l’île de Pâques au Chili, Uluru en Australie, Maya Bay en Thaïlande, le Mont Everest en Himalaya… Partout sur le globe, sites et municipalités se multiplient et se mobilisent pour que ce qui les fait vivre – le tourisme – ne finisse pas par les tuer.
Des habitants lésés et excédés
Au-delà des risques d’érosion et de la préservation de l’environnement, c’est également le quotidien des habitants qui souffre du sur-tourisme. Prix des loyers qui explosent, parkings saturés, villes mortes en-dehors de la saison touristique… Les revers poussent parfois les locaux à fuir, et pas uniquement en saison.
Certains habitants d’Étretat, par le biais de l’association Étretat Demain, sont pour l’instauration d’un quota tant la ville étouffe sous le nombre de visiteurs chaque année, mettant à mal la fragile falaise de craie. Érosion, nature abîmée, galets en voie de disparition, nombre de voitures au mètre carré… En période estivale, Étretat peut devenir irrespirable, et la vie des locaux infernale. Parkings, hébergements et commerces sont saturés, sans parler de la plage, de taille limitée, qui devient infréquentable. Les habitants s’exilent souvent sur les petites communes alentours pour retrouver un semblant de calme…
Un constat similaire s’applique à la ville de Barcelone, où les habitants vont jusqu’à manifester contre les touristes. Cette cité balnéaire accueille chaque année environ 30 millions de touristes, soit 17 fois le nombre d’habitants. Victime d’un tourisme de masse « low-cost », desservie par de très nombreux vols peu onéreux, Barcelone souffre de la venue de touristes qui visitent vite, pour pas cher et souvent pour faire la fête, au détriment de la qualité de vie de ses habitants.
En juillet dernier, des locaux ont manifesté dans le but que la municipalité mette un frein au tourisme de masse. Les loyers ont augmenté de 68% en moins de dix ans, les commerces locaux disparaissent au profit d’enseignes destinées aux touristes, les appartements de location saisonnière explosent au détriment des habitations à l’année, la pollution atmosphérique augmente à cause des bateaux de croisière et de l’accroissement des transports… Excédés, les Barcelonais réclament une limitation du tourisme de masse et souhaitent retrouver une ville « vivable ».
Aller où les autres ne vont pas
Et si être un touriste responsable, c’était avant tout se défaire des schémas imposés par les proches, les réseaux sociaux ou les agences de voyage ? Tous milieux confondus, qui ne connaît pas quelqu’un dans son cercle familial ou amical qui n’est pas récemment parti (ou sur le point de partir) en Thaïlande, au Portugal ou à Venise ? Les destinations touristiques prisées sont victimes d’un véritable cercle vicieux : plus elles sont visitées, plus tout le monde veut y aller. Finalement, si tout le monde y va, c’est que ça doit être mieux qu’ailleurs ! Les agences de voyage peinent à montrer l’exemple, en valorisant toujours les mêmes destinations : Maghreb, Europe du Sud, Grèce, Asie du Sud-Est… Comme si la planète n’offrait pas davantage de magnifiques sites à visiter.
Aller là où les autres ne vont pas, et quand ils ne partent pas : deux réflexes à acquérir pour voyager mieux. Pour ceux qui ne sont pas régis par les vacances scolaires, planifier son voyage en-dehors de ces périodes est un excellent moyen de ne pas surcharger transports, hébergements et sites de visite. Surtout, n’oublions jamais d’être curieux ! Les sites les plus fréquentés ne sont pas toujours les plus beaux, et concentrent souvent de nombreux « attrape-touristes » (prix trop élevés, produits « locaux » qui viennent de l’autre bout du monde, etc.).
En France, 80% de l’activité touristique se concentre sur seulement 20% du territoire. Pourtant, ce ne sont pas les beaux paysages qui manquent. Il est possible de s’évader non loin de chez soi : l’exotisme ne devrait pas être synonyme de palmiers, mais juste de changement. Or, nul besoin de faire des centaines ou des milliers de kilomètres pour être dépaysé. Il suffit parfois de réserver un hébergement atypique pour vivre des vacances dignes de ce nom, à quelques pas de chez-soi. N’est-il pas plus aisé de se ressourcer dans un lieu reculé que sur une artère noire de monde ? Et si les vacances idéales étaient simplement celles qui permettent de se retrouver soi, et non se retrouver au milieu des autres ?
Par Mélusine Lau
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