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Pacifique Sud Exotique

Ces hommes qui agissent pour et par la Méditerranée

| Publié le 22 mai 2025
Thèmatique :  Éducation   Espaces protégés   Innovation 
           

En Corse plus que partout ailleurs, on sait combien la Méditerranée est un écosystème fragile qu’il faut protéger et transmettre. Elle abrite près de 10% de la biodiversité mondiale mais s’avère de plus en plus menacée par la surpêche, la pollution plastique et le réchauffement climatique. Autant d’enjeux qui ont fait l’objet d’une table ronde passionnante au Green Orizonte Festival de Calvi. Animée par Sandrine Mercier (magazine A/R), elle a réuni Michel Marengo, directeur scientifique de la STARESO, Laurent Lungeri, fondateur de SeeOnSea et Pierre-Ange Giudicelli, coordinateur scientifique de Mare Vivu.

Conférence Méditerranée : Sciencee, Engagement et Action ©Crystal Pictures pour l’OTI Calvi-Balagne.

La STARESO, sentinelle scientifique d’un écosystème en péril

« Il faudrait appeler notre planète Océna », sourit Michel Marengo, directeur scientifique de la STARESO, la station de recherche marine et océanographique de Calvi. Une manière de rappeler que l’océan recouvre 70 % de la surface terrestre et représente 96 % de son volume. Depuis plus de 50 ans, cette station implantée sur la pointe de la Revellata veille, observe, mesure, alerte. Son équipe de chercheurs, une vingtaine de passionnés, mène une mission essentielle : comprendre l’environnement marin pour mieux le protéger. « L’océan mondial produit 50 % de l’oxygène que nous respirons. En Méditerranée, cet équilibre repose sur des éléments discrets, souvent invisibles », explique Michel Marengo. Des prairies sous-marines de posidonie aux minuscules phytoplanctons, chaque organisme joue un rôle clé dans la santé de notre planète. Mais pour percer les mystères de ce monde immergé, il faut plonger, franchir cette barrière physique et sensorielle qui rend la connaissance marine moins accessible que celle des milieux terrestres.

Visite du Stareso©GClastres

Au cœur des travaux de la STARESO : la posidonie, cet herbier marin endémique de Méditerranée surnommé « le poumon bleu ». Espèce protégée, elle est capable de séquestrer le carbone, d’oxygéner l’eau, de ralentir l’érosion côtière et d’abriter des centaines d’espèces. Or, dans la baie de Calvi, près de huit hectares ont été dégradés, principalement à cause de l’ancrage des bateaux. Pour y remédier, les chercheurs mènent un projet ambitieux de restauration : replanter la posidonie à l’aide de gabions et suivre sa recolonisation. « Aujourd’hui, on observe un taux de survie des jeunes pousses de 95 % après un an », précise Michel Marengo, tout en soulignant la fragilité de l’équation : passé la quatrième année, la plante doit survivre sans ses réserves initiales. Ce travail de précision, qui combine observation visuelle, suivi biologique et bientôt acoustique, pourrait à terme inspirer d’autres territoires littoraux en quête de résilience écologique. Un travail de fond aussi diffusé dans les écoles sur tous les continents, pour continuer à alerter : « On essaie d’être les passeurs de ce savoir » !

Visite du Stareso©GClastres

Mare Vivu, une association pour la préservation du milieu marin

Pour Pierre-Ange Giudicelli, coordinateur scientifique de Mare Vivu, la vocation est née d’un lien intime et précoce avec la mer. « Adolescent, je regardais cette mer tous les jours. J’y voyais un trésor, sans toujours comprendre à quel point il était fragile », confie-t-il. Aujourd’hui, l’association qu’il anime œuvre depuis près de dix ans à la protection du milieu marin, en se concentrant particulièrement sur la pollution plastique, la sensibilisation au changement climatique et l’éducation à la biodiversité. « Quand j’ai compris qu’une espèce comme la grande nacre, cette immense moule pouvant atteindre un mètre, disparaissait sous nos yeux, j’ai ressenti le besoin d’agir », ajoute-t-il. Cette prise de conscience personnelle s’est transformée en mission collective : faire connaître, faire aimer et faire protéger la Méditerranée, notamment à travers des programmes pédagogiques à destination des jeunes, mais aussi par l’accompagnement de collectivités et d’entreprises dans la réduction de leur empreinte plastique.

Plage de Calvi un jour de festival©GClastres

Positionnée au carrefour des sciences participatives, Mare Vivu embarque également des citoyens sur ses navires pour observer et documenter la faune marine. Les volontaires comptent les dauphins, photographient les cétacés, participent aux relevés de terrain. Une approche concrète et positive que Pierre-Ange revendique : « Dire que la Méditerranée est morte, c’est trop fort, c’est décourageant. Oui, elle subit des pressions énormes, mais il est encore temps d’agir. » À rebours du fatalisme, l’association privilégie le travail en amont, sur les causes de la pollution, plutôt qu’une simple logique de dépollution. Le constat est sans appel : 90 % des déchets collectés sur les côtes sont en plastique, majoritairement des emballages à usage unique. À partir de ces données, Mare Vivu agit localement : promotion de l’eau potable pour remplacer les bouteilles, installation de cendriers pour les mégots, collaboration avec les collectivités pour créer des solutions concrètes, à hauteur de citoyen. En montrant, par exemple, des images de plages corses envahies de microplastiques, l’association provoque un choc salutaire, source de prise de conscience. « En tant qu’insulaires, nous vivons cette réalité au quotidien. Elle marque nos paysages, elle atteint notre quotidien. Mais elle peut aussi éveiller une volonté d’agir, de mieux faire, ensemble. »

Conférence Méditerranée : Sciencee, Engagement et Action ©Crystal Pictures pour l’OTI Calvi-Balagne.

SeeOnSea, l’outil numérique pour sensibiliser le grand public à la biodiversité

C’est sur un voilier, entre La Ciotat et Calvi, que l’idée de SeeOnSea a pris le large. Laurent Lungeri, fondateur de cette société à mission née en 2020, s’est retrouvé frappé par une évidence : « Aucun des passagers ne s’intéressait à la biodiversité marine. Pourtant, sous nos pieds, il y avait une vie extraordinaire. » De ce constat est née une ambition simple et puissante : rendre la science visible, la rendre désirable. « Il existe mille façons de sensibiliser, mais elles ne touchent souvent qu’une minorité déjà convaincue. Nous, on veut parler aux 99 % restants. » Pour cela, SeeOnSea a développé une plateforme numérique — accessible en ligne et via une application mobile — qui agrège, vulgarise et diffuse les données scientifiques sur la biodiversité terrestre et marine. Articles, alertes environnementales, événements, inventaires participatifs : un contenu riche, validé par des scientifiques et des associations partenaires comme l’INPN, accessible directement depuis les offices de tourisme, les hôtels ou les campings des territoires.

L’enjeu est de taille : transformer chaque lieu d’accueil en relais d’information écologique. « L’idée est d’inverser la logique : ne plus attendre que les gens viennent chercher l’information, mais aller à leur rencontre, là où ils se trouvent », explique Laurent Lungeri. SeeOnSea agit comme un catalyseur entre la recherche et le grand public. Grâce à son dispositif éco-conçu, la plateforme permet aussi aux citoyens de contribuer à la collecte de données : observations de terrain, signalements d’espèces, retours d’expériences. Une démarche inclusive — l’équipe intègre notamment des collaborateurs en situation de handicap — qui a valu à SeeOnSea le prix de l’innovation dans le tourisme. Et un outil sans équivalent à ce jour, qui donne aux acteurs locaux une vraie capacité d’action et de communication. « En diffusant massivement des contenus fiables et engageants, on peut éveiller la curiosité, créer du lien avec la nature, et faire de chaque citoyen un relais de cette connaissance. » Une façon moderne et optimiste de reconnecter les hommes à leur environnement, et surtout, de leur redonner un rôle dans sa préservation.

Plage de Calvi un jour de festival©GClastres

En guise de conclusion : vers une prise de conscience collective ?

La table ronde s’est achevée sur un échange nourri avec le public, illustrant à quel point la Méditerranée suscite à la fois fascination et inquiétude. Parmi les questions soulevées, celle de Pierre Casanova, de l’association Usbirru, a résonné avec une acuité particulière : « Pourquoi protège-t-on avec si peu de soin nos côtes quand on sait qu’à l’approche de la saison estivale, les rayons de  nos supermarchés se remplissent de harpons et d’épuisettes, comme si la mer était un libre-service ? » L’image est frappante : chaque été, sur les plages, des enfants — parfois poussés par leurs parents — capturent à la chaîne poulpes, arapèdes et autres petits trésors marins, souvent sans conscience des équilibres fragiles qu’ils perturbent.

Conférence Méditerranée : Sciencee, Engagement et Action ©Crystal Pictures pour l’OTI Calvi-Balagne.

Cette pression sur les écosystèmes côtiers vient s’ajouter à celle, déjà massive, exercée par les 40 000 pêcheurs amateurs et professionnels recensés en Corse. Michel Marengo, de la STARESO, le rappelle : « Les ressources halieutiques sont en chute libre. L’océan ne peut plus produire davantage. » Des recherches approfondies, notamment sur la pêche au poulpe et à la langouste rouge, ont permis de formuler des recommandations précises. Elles visent à adapter les périodes de pêche aux cycles biologiques des espèces, et à créer des outils de régulation — tel le « panier familial » — pour mieux encadrer la pratique des pêcheurs non professionnels. Ces mesures sont discutées au sein du Parlement de la mer, où scientifiques et acteurs du territoire tentent de trouver un équilibre entre préservation et activité humaine. Mais ces recommandations, bien que fondées sur des données robustes, ne sont pas toujours bien reçues. « Notre rôle est de fournir une information objective aux gestionnaires, puis de chercher l’acceptation sociale. Ce n’est jamais gagné d’avance », reconnaît Michel Marengo.

Ces discussions, parfois tendues, montrent à quel point la Méditerranée reste un espace à partager où il faut sans cesse se concerter. Un lieu riche, nourricier, mais vulnérable où se croisent usages ancestraux, savoirs scientifiques et pressions touristiques. Et si l’océan était aussi une école de démocratie écologique ? Une chose est sûre : en Méditerranée, chaque geste compte. Et chacun peut, à son échelle, devenir acteur de la préservation de ce patrimoine commun.

Plage de Calvi un jour de festival©GClastres

Ces hommes qui agissent pour et par la Méditerranée | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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