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Étretat : un compromis entre nature et sur-tourisme est-il possible ?

| Publié le 2 novembre 2024
Thèmatique :  Espaces protégés   Initiative régionale   Territoire   Tourisme de masse 
             

Il y a un an, nous nous demandions si Étretat pouvait encore faire partie des destinations à visiter sur un coup de tête, parce qu’on réside à proximité, parce qu’on souhaite s’évader le temps d’un weekend… Et la réponse tendait clairement vers le « non » : littéralement écrasée par le tourisme, la ville d’Étretat fait partie de ces destinations dont l’économie repose en grande partie sur l’activité touristique, mais que le tourisme risque paradoxalement de détruire. Comment gérer cette situation a priori inextricable ? Nous avons fait le point avec Florence Thibaudeau-Rainot, présidente du Syndicat Mixte Grand Site Falaise d’Étretat – Côte d’Albâtre.

Les falaises d’Étretat, un bijou de la nature.

Étretat, une pépite en démarche vers le label Grand Site de France

La ville d’Étretat fait partie des 13 communes du littoral normand en démarche vers le label Grand Site de France, qui répond à un besoin de gestion, préservation et valorisation de sites naturels d’exception. « Il y a un aspect émotionnel dans le classement d’un Grand Site, explique Florence Thibaudeau-Rainot. Nous parlons de lieux qui ont une forme « d’esprit », qui sont beaux aux yeux de tous, mais qui rencontrent la problématique d’être habités, visités, et fragiles. La démarche Grand Site de France est intéressante car elle est évolutive. Elle s’adapte aux mouvements de la nature, à l’évolution des lieux, et aux personnes qui y vivent. »

Avec un pic actuel de 1,2 à 1,3 millions de visiteurs par an (pour un peu moins de 1400 habitants), Étretat suffoque. Il était donc urgent d’inscrire le site dans une démarche poussée de préservation, et de recherche de solutions. La principale problématique du site est liée à son accessibilité : peu étendue, la ville doit supporter l’afflux, en saison, de milliers de touristes journaliers et des moyens de transport qui vont avec. Voitures, autocars… Le site n’est pas du tout en capacité d’accueillir autant de véhicules – et le paysage, pas en mesure de supporter les foulées d’autant de visiteurs en aussi peu de temps.

Le sentier côtier, en bord de falaise, est peu à peu grignoté par la mer et les changements climatiques.

« Notre souci premier est d’éviter la sur-fréquentation du site, poursuit Florence Thibaudeau-Rainot. Et ce, en toute humilité. Nous ne sommes pas là pour interdire, et nous ne sommes pas plus forts que la nature. Nous essayons de trouver les meilleurs compromis possibles. Certaines personnes nous ont reproché de ne pas créer de jauge… Mais outre l’aspect liberticide, c’est surtout, concrètement, irréalisable. Au lieu de cela, nous travaillons sur la communication et collaborons avec les habitants, le public, ou encore les agriculteurs. Il faut commencer à reculer le sentier littoral, car la falaise le grignote et que nous avons subi des accidents dramatiques car les gens n’ont pas toujours conscience du danger… À nous de leur expliquer que la nature a besoin de place, que le piétinement continu des pelouses empêche l’absorption de l’eau, créant des fissures de plus en plus importantes avec les gelées… Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais qui cristallise les conséquences néfastes de la sur-fréquentation du site, mettant elle-même en danger les visiteurs. »

Faire évoluer les comportements individuels : la clé du changement !

Sensibiliser les visiteurs serait-il une première clé ? Il semble essentiel que chaque visiteur réalise la place qu’il occupe au sein de ce grand tout. L’équation est en réalité toujours la même : si chacun fait des efforts, l’addition des bons comportements a des impacts positifs… « Il y a eu des changements de comportements depuis le Covid, note la présidente du Syndicat Mixte. Les gens supportent moins la contrainte, et ont des envies de liberté parfois incompatibles avec les lieux qu’ils visitent. Il faut pourtant que chacun comprenne qu’on ne peut pas faire n’importe quoi… Nous rencontrons ce problème avec les marées, et le fait que les secours doivent régulièrement intervenir auprès de touristes coincés à marée haute. Nous avons pourtant multiplié et grossi les affichages, sans compter les messages de prévention sur Internet… Il est difficile de faire mieux, et pourtant, les visiteurs se faisant piéger sont nombreux. Peut-être que certains n’ont pas lu ou ne savaient pas… Mais une partie semble considérer que ce problème ne les concerne pas, à l’instar des personnes qui partent randonner en montagne malgré les alertes. Ce refus de la contrainte me paraît plus marqué qu’avant, avec pour conséquence de mobiliser d’imposants dispositifs de secours. »

Comment éviter la sur-fréquentation du site en période estivale ? ©VM/76Actu/Archives

Déconcentrer les visiteurs dans le temps et dans l’espace, restructurer les parkings, mettre en place de nouvelles navettes, supprimer les accotements pour éviter le stationnement « sauvage » … sont autant de solutions efficaces mais parfois perçues comme des contraintes. « Cela fait maintenant 10 ans que je travaille sur ce projet, et j’ai l’impression d’être davantage écoutée qu’avant. Les gens comprennent qu’ils ont un rôle individuel à jouer, et que chacun doit faire des compromis. Cela n’est pas toujours facile, et il faut souvent du temps pour que les changements soient acceptés. Lorsque nous avons décidé de fermer le parking de la chapelle, située en hauteur de falaise, face à l’aiguille, nous avons eu beaucoup de mal à convaincre la population et à faire accepter ce projet. Il y a toujours une forme de contradiction entre la contrainte immédiate, et son impact sur le long terme. Il aura fallu trois ans pour que ce parking disparaisse, mais cela en valait la peine… La nature reprend ses droits, l’herbe repousse, la falaise revit ! Et les visiteurs ont toujours la possibilité de s’y rendre à pied, la contrainte n’est que limitée. Il faut que l’effort, le respect et les concessions soit collectifs. »

Laissons la possibilité aux générations futures de découvrir ce site exceptionnel…

Le changement de comportement de tout un chacun pourrait être une des clés vers une évolution positive : utiliser les transports en commun pour se rendre sur place (les lignes de train et de car se sont énormément développées ces dernières années), emporter de quoi récupérer ses déchets, ne pas marcher hors des sentiers balisés, respecter la faune et la flore locales, et… profiter de l’instant. Ne pas vouloir absolument monter en haut de la falaise, prendre une photo, et repartir. Le tourisme n’est pas synonyme de consommation : ralentissons, contemplons, respectons, et pensons aux autres. « Connaître Étretat, la visiter et en profiter, c’est une chance dont nous devons être conscient, conclut Florence Thibaudeau-Rainot. Ce paysage exceptionnel ne nous appartient pas, et nous ne devons pas empêcher les prochaines générations de le connaître. Je crois au potentiel des plus jeunes, qui ont conscience de leur environnement, et auprès desquels le travail de pédagogie porte ses fruits. Pour nous, pour eux… Prenons soin de ces sites si beaux et si fragiles ! »


Étretat : un compromis entre nature et sur-tourisme est-il possible ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Mélusine Lau

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