Fermeture du Marineland d’Antibes, symbole d’une page qui se tourne
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Enfin ! Les associations de protection animale n’ont pu que se réjouir de la décision prise par le Marineland d’Antibes de fermer définitivement ses portes, le 5 janvier 2025. Un choix non pas dicté par un sursaut d’empathie mais par une chute des profits engendrés par le Parc et par la promulgation, en novembre 2021, d’une loi interdisant les spectacles de cétacés à l’horizon 2026. Malgré tout, l’espoir est permis pour celles et ceux qui se battent contre l’exploitation d’animaux sauvages à visée touristique et lucrative.
Le Marineland d’Antibes, 55 ans de souffrance animale
Lorsque Pascal Picot, directeur du Parc, déclare que sa priorité depuis l’ouverture est le bien-être animal, il est permis de sourire jaune. Quiconque s’y est déjà rendu, a vu des vidéos ou connaît simplement la vie en détention des cétacés trouvera ces propos dérangeants. Sur place, les otaries enchaînent les spectacles, les dauphins jouent avec les visiteurs pour s’occuper (ce qui, bien entendu, ravit petits et grands), et un ours blanc seul dans son enclos fait d’incessants allers-retours en ligne droite – un comportement qui, chez un humain, serait associé à de la folie.
Quant aux orques, le spectacle est désolant. Aujourd’hui plus que deux, elles étaient il y a peu encore quatre à tourner en rond toute la journée dans ce qui correspond pour elles à une piscine. Les ailerons des mâles sont affaissés en raison de cercle parcouru à l’infini, faute d’occupation – hormis les spectacles. Une aberration pour des animaux d’une intelligence rare, qui parcourent jusqu’à 200km par jour à l’état sauvage, et dont l’enfermement dans un bassin correspond ni plus ni moins, pour un être humain, à la cellule d’une prison – avec condamnation à perpétuité.
Ce « souci » du bien-être animal défendu par le directeur du Marineland d’Antibes n’a ainsi pas empêché deux orques de décéder en l’espace d’un an : Moana pour septicémie en 2023, suivi de près par son oncle Inouk, également né en captivité. Celui-ci aurait avalé un corps étranger à l’origine d’une entérite et d’une péritonite aigües, entraînant la mort de l’animal à seulement 25 ans. Moana, lui, est parti à l’âge de douze ans. A l’état sauvage, les orques ont une espérance de vie d’une quarantaine d’années, pouvant aller jusqu’à plus de 80 ans pour les femelles.
Détournements de lois et zones d’ombre
En 2021, le Parc Astérix avait anticipé la loi de 2026 en envoyant dix de ses onze dauphins à travers l’Europe – la femelle Femke, considérée comme trop faible pour subir un transport, a fini euthanasiée. Des animaux qui ne feront donc plus de spectacle en France, mais… à l’étranger. L’association One Voice dénonce le fait que ceux-ci pourront également servir à la reproduction, notamment pour les mâles Cessol et Guama, envoyés dans un delphinium suédois. Une situation quelque peu cynique et incongrue, puisque ces derniers ont quitté le Parc Astérix du fait de lois interdisant reproduction et spectacles.
Ainsi, Planète Sauvage, situé près de Nantes, restera le seul parc français à détenir des cétacés. Un détournement de la loi joué finement par le directeur du parc, Martin Böye, qui assure conserver les animaux « à des fins scientifiques ». Exit les spectacles, remplacés par des rencontres avec le public – un nouveau détournement de la loi : les onze dauphins de Planète Sauvage servent désormais à « expliquer le mode de vie des animaux aux spectateurs ». Ce à quoi le directeur ajoute que les dauphins pourront par exemple nager très vite sur le dos à la demande des soigneurs, car « c’est leur technique de chasse pour attraper les calamars et c’est une information que l’on transmet au public. » En bref, une version revue et corrigée des spectacles antérieurs, sous fond de science, qui permet à Planète Sauvage de conserver ses onze dauphins captifs.
Quant à Wikie et Keijo, les deux dernières orques encore en vie à Antibes, leur sort inquiète et n’est toujours pas scellé. La fermeture brutale du Marineland d’Antibes laisse présager le pire : que les deux orques soient vendues ou déplacées dans l’urgence, au détriment de leur bien-être. Les envoyer vers un sanctuaire, notamment celui de Whale Sanctuary Project, au Canada, est bien plus complexe qu’il n’y paraît. La première solution envisagée, à savoir un transfert vers le Japon où les animaux auraient fini leur vie à la reproduction et aux représentations, a heureusement été évincée. Dernière idée en date : les transférer à Tenerife, au sein du Marineland Loro Parque. Le retour d’expérience vécu par One Voice fait froid dans le dos, et le sort de Wikie et Keijo n’en serait que plus terrible.
De fait, quelle solution apporter à ces animaux que l’homme a coupé de leur milieu naturel ?
Cirques, marinelands, la fin d’une époque
Les lois successives de 2017 et 2021 ont sonné le glas des spectacles de cétacés en France. Même si Planète Sauvage a trouvé la combine pour conserver ses dauphins, leur mort marquera logiquement la fin des mammifères marins captifs dans notre pays. Rappelons que la loi française de 2017 interdit la reproduction des cétacés en captivité et qu’il est de longue date interdit de les capturer dans leur milieu naturel. En Europe, peu de pays autorisent de telles pratiques : Hongrie, Royaume-Uni, Chypre, Autriche, Suisse, Finlande, Slovénie, Irlande, Estonie, Lettonie, Luxembourg, Pologne, Slovaquie, ou encore République Tchèque ont banni la captivité des cétacés. En 2021, la région bruxelloise interdit également leur détention : une mesure symbolique visant à servir d’exemple aux pays voisins.
En parallèle, la même loi de 2021 prévoit l’interdiction de la présence d’animaux dans les cirques à l’horizon 2028. Le temps, pour les circassiens, de s’adapter et de trouver des solutions de placement pour les animaux – un délai que le Parc d’Antibes aurait pu juger bon de suivre afin d’éviter de se débarrasser de ses orques dans la précipitation, après des décennies de bons et loyaux services. Contrairement à la fermeture du Marineland d’Antibes, qui s’accompagne d’une forme de nostalgie chez certains visiteurs, l’absence d’animaux dans les cirques semble avoir fait son chemin : certaines communes refusent déjà d’accueillir les structures exploitant les animaux, au nom de leur bien-être.
Il semble donc possible d’espérer que le tourisme animalier, en France, soit enfin voué à disparaître. En effet, cirques et delphiniums accueillent locaux mais aussi et surtout touristes de passage, Français ou étrangers. Les retours de spectateurs sur TripAdvisor témoignent de l’intérêt des visiteurs d’un jour pour ces loisirs qui reposent avant tout sur l’activité touristique, mais également d’une prise de conscience accrue en faveur du sort des animaux. Cette même prise de conscience est probablement liée à la chute de fréquentation du Marineland d’Antibes ces dernières années, et qui reste la première cause de sa fermeture.
Il n’en reste pas moins que le tourisme animalier persiste à travers le monde, comme avec les paresseux d’Amérique du Sud, ou les ânes de Santorin, en Grèce. Espérons qu’un éveil universel des consciences ouvre la voie à un tourisme qui ne fasse plus de bénéfices sur la captivité et la maltraitance des animaux.
Par Mélusine Lau
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Merci pour ce bel article, il est nécessaire d ouvrir les consciences sur la condition animale, de dénoncer la maltraitance souvent méconnue du grand public. Merci. 🙏