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Isabelle Kahna, ambassadrice de Venise à Paris

Quand elle en parle, elle a le visage qui s’éclaire, les yeux qui brillent et la verve d’un Boccace ; mais Isabelle Kahna n’est pas seulement fascinée par Venise, elle souhaite le mieux et le plus durable pour « sa » ville, cette cité des Doges qu’elle a choisi sur un coup de cœur il y a 7 ans alors qu’elle vivait une autre vie. S’en suit la création des Ailes de Venise, qui propose des voyages scolaires engagés en partenariat avec Vefe-voyages-éducatifs mais aussi et surtout des séminaires d’entreprises orientés RSE en Italie. Alors, Venise, taxe ou pas taxe, éternelle ou menacée, forcément, nous sommes allés voir Isabelle.

Venise © Elisabeth Blanchet

VA/ Pouvez-vous présenter les Ailes de Venise pour nos lecteurs ?

Quand j’ai créé les Ailes de Venise en 2017, l’idée était de fédérer tous ceux qui veulent avoir un impact positif sur la ville en créant notamment un lien direct entre les touristes et les Vénitiens mais aussi, avec des projets concrets consacrés au bien-être de la ville. Depuis, les Ailes de Venise est devenue une agence événementielle créatrice de séminaires d’entreprises et de voyages scolaires durables et solidaires dans toute l’Italie. Nous proposons donc des voyages avec une véritable sensibilisation à toutes les dimensions de l’éco-responsabilité. Le voyage devient ainsi une source d’inspiration, de connaissances culturelles mais également un levier de développement durable porteur d’impacts bénéfiques auprès des associations italiennes engagées dans la préservation de leur environnement.

VA/ Sujet du moment, que pensez-vous de cette taxe  journalière de 5 € visant à lutter contre la surfréquentation qui concerne spécifiquement les visiteurs d’un jour ?

Cette mesure, annoncée en septembre dernier, fait suite aux recommandations de l’UNESCO de placer Venise sur la liste du patrimoine mondial en péril en raison des impacts du changement climatique et du tourisme de masse menaçant son « exceptionnelle valeur universelle ». La ville était donc sous pression. Elle cible les touristes entrant dans la vieille ville entre 8h30 et 16h et s’applique depuis avril et le sera jusqu’à fin juillet, en phase de test, soit sur les 29 jours les plus fréquentés. Toutefois, si cette mesure vise à réguler le fléau du surtourisme pour préserver le joyau vénitien, il manque une vision et une politique plus cohérente en haut lieu puisque  d’autres projets semblent aller à contre-courant de cet objectif, et notamment le fait que parallèlement à cette taxe, la construction de nouveaux hôtels low-cost se poursuit à Mestre, à deux pas de la Sérénissime, sans compter un projet d’agrandissement de l’aéroport Marco Polo qui vise à porter sa capacité à 16 millions de passagers d’ici 2025, contre 11 millions actuellement.  Ces projets soulèvent bien évidemment des interrogations quant à la sincérité de la stratégie vénitienne.  Comment limiter le surtourisme tout en développant les infrastructures d’accueil ? 

sabelle Kahna. Ailes de Venise©Ailes de Venise

VA/ A ce sujet, quel est le point de vue des résidents, sont-ils consultés ?

Pas assez, et c’est justement pour cela que nous avons justement fait un sondage avec Les Ailes de Venise (lien en fin d’article), et que lit-on en commentaire ! ? : « C’est aux Vénitiens et à eux seuls qu’il convient de répondre ! » « Il faut essayer cette mesure face à la surfréquentation catastrophique. » ; « On détruit tout ! » ; « C’est même une urgence pour la Sérénissima ». Car si 68,5% des voyageurs pensent qu’elle sera utile pour lutter contre la surfréquentation, les positions restent nuancées, notamment car beaucoup s’interrogent sur la cohérence des politiques mises en place. Concrètement, ceux qui approuvent la mise en place de la taxe exigent en retour que les fonds servent réellement à l’entretien de Venise et permettent de financer sa conservation. D’autres, mitigés, préféreraient que l’on s’attaque plus efficacement au problème des croisiéristes responsables d’un tourisme journalier envahissant pour qui la taxe ne changera pas grand-chose. Enfin, il y a ceux qui rejettent catégoriquement cette taxe, qu’ils considèrent comme une solution de facilité qui risque de pénaliser uniquement les touristes les plus pauvres.

Venise en haute saison©DR

VA/ Et sur le terrain, comment se passe concrètement la mise en application de la taxe ?

Elle se heurte à une contestation citoyenne grandissante. Il faut dire que la nécessité de sortir sa carte d’identité pour prouver qu’on est résident dans sa propre ville en énerve plus d’un. Une manifestation organisée par un collectif de riverains a eu lieu le 23 avril pour dénoncer « l’hypocrisie » des autorités. La grogne monte notamment chez les résidents du centre historique, qui jugent ces mesures insuffisantes voire contre-productives. La municipalité est notamment accusée de céder aux lobbys hôteliers tout en prétendant lutter contre le surtourisme. 

VA/ Et vous Isabelle, quelle serait votre position personnelle face à cette taxe ? 

Il n’est pas simple de répondre, tant les enjeux sont contradictoires et l’équilibre délicat entre développement économique et préservation du patrimoine. A mon sens, elle n’est pas suffisante face à l’ampleur du phénomène. En effet, les projets hôteliers, aéroportuaires et croisiéristes en cours risquent d’alimenter encore davantage ce surtourisme que la municipalité prétend combattre.  Pour être crédible, les autorités vénitiennes devraient donc plutôt définir une stratégie claire pour maintenir les résidents en centre-ville et s’attaquer à l’ensemble des facteurs générant du tourisme de masse. Sans cela, la taxe d’entrée risque d’apparaître comme une mesure de façade. 

Je pense toutefois que cette taxe présente aussi des aspects positifs comme la mise en place d’une infrastructure permettant de comptabiliser précisément le nombre de visiteurs et la durée du séjour. Dans la mesure où il faudra justifier de réservations d’hôtels, de Airbnb, d’arrivées en bus, en train, etc. pour préciser la durée de son séjour (la taxe vise le tourisme journalier), des données précieuses jusque-là non quantifiées seront récoltées. En outre, la nécessité d’avoir un QR code pour séjourner dans le centre historique (via la déclaration de la location identifié en mairie ) va permettre de mettre un frein aux locations Airbnb non déclarées contre lesquelles la mairie de Venise lutte depuis plusieurs années. 

VA/ Seriez-vous pour aller encore plus loin, vers une politique de quota par exemple ?

En effet, ce n’est pas impossible de penser qu’un jour (même si ce n’est absolument pas l’objectif affiché aujourd’hui par la mairie) un quota ne pourrait pas être mis en place via cette plateforme pour limiter la réservation. A mon sens, c’est aussi le bon côté de cette taxe, qui a fait avancer les choses quant aux  infrastructures existantes pour lutter contre le surtourisme, soit un premier pas vers une véritable politique de gestion des flux touristiques. Quant à des quotas, je n’y suis pas opposée si c’est assortie d’une véritable politique pour stimuler la résidentialité, mais il me semble que c’est pour l’heure difficilement envisageable pour des raisons juridiques. Ce qui est sûr, c’est que Venise, ce joyau architectural de 7 km², ne pourra pas accueillir éternellement des visiteurs à tout-va sans en subir les conséquences. Le tourisme de demain devra s’adapter donc à ces contraintes, et la taxe d’entrée est un premier signal fort en ce sens. Il va désormais falloir s’organiser et donc bien conscientiser que la visite de la Cité des Doges ne sera plus une évidence « parce que je le vaux bien » mais bien un privilège à planifier avec soin.

sabelle Kahna. Ailes de Venise©Ailes de Venise

—————- Aller plus loin —————-

Site : Les Ailes de Venise

Pour les séminaires d’entreprise : Ici

Pour les voyages scolaires : ICI

Sondage Ailes de Venise : pour ou contre une taxe à Venise.

Lien vers les commentaires  du sondage 👍


Isabelle Kahna, ambassadrice de Venise à Paris | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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