Voyag’acteur : quand la Fraternité rencontre son tour-opérateur !
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« Voir le monde tel qu’il est », « Vivre l’amitié des peuples », « Epauler les acteurs de terrain », « Agir avec l’environnement » et enfin : « Entrainer son entourage » sur ces merveilleux chemins de traverse que l’on a découvert, tel est le programme (pétri de mille échanges et partages) proposé par Voyag’acteur. Rencontre avec celle qui l’a créé et l’anime de tout son cœur : Malika Tazaïrt…
Voyageons Autrement : Malika, quel a été votre parcours et comment en êtes-vous arrivée à créer Voyag’acteur ?
Malika Tazaïrt : j’ai créé Voyag’acteur en pleine crise financière de 2008. Je n’allais quand même pas m’arrêter à si peu ! J’arrivais alors au terme d’un parcours atypique dans le tourisme, d’abord effectué dans le milieu associatif, puis en tant que directrice d’un réceptif et comme directrice commerciale de Cityrama. La Samaritaine m’a alors demandé de créer son département « clientèle internationale », malheureusement, elle a été rachetée peu après et a fermé et je me suis dit qu’il était grand temps pour moi de concrétiser mon propre projet. Un projet que je portais en moi depuis le début des années 90, presque 20 ans donc, mais que je n’avais pu concrétiser pour des raisons de disponibilité familiale, la gestion d’une entreprise nécessitant une importante liberté d’esprit et de temps. Les enfants étant devenus autonomes, le bon moment était arrivé et j’ai engagé toute mon expérience dans la création et l’organisation de voyages thématiques centrés sur l’approche des civilisations par l’humain, à travers rencontres et échanges. A cette innovation dans la dimension thématique s’ajoutait la volonté de contribuer à l’économie locale via le choix de partenaires participant directement à l’épanouissement économique des endroits visités. Une dimension « durable » donc très importante à mes yeux et qui nous a d’ailleurs valu d’être primés par le Trophée de l’APST en 2010 lors du salon Le Monde à Paris.
V A : Voyag’acteur est en effet membre d’ATD, mais quels sont sa philosophie et ses destinations privilégiées ?
M T : Voyag’acteur est mu par des valeurs d’échanges avec l’autre, fondé sur des rencontres entre voyageurs et hôtes qui soient les plus approfondies possibles, dans le respect mutuel des cultures et histoires de chacun. Nous proposons vraiment de vivre « l’amitié des peuples ». Ce respect s’étendant d’ailleurs au-delà de l’humain à toute notre relation à la nature et aux lieux que nous visitons. Nous nous sentons en effet très concernés par l’écologie, les sciences humaines et l’histoire des civilisations. Interpellés comme tout le monde par les bouleversements climatiques, les questions de santé alimentaire ou encore la géopolitique, nous nous intéressons aux personnes et approches qui nous aident à comprendre le monde et agissent dans le sens de son amélioration. Nous sentant par exemple proches d’auteurs comme Michel Serres, Pierre Rabhi, Jean-Marie Pelt et bien d’autres, nous avons rédigé une petite charte du « voyageur acteur » pour que voyageurs et partenaires comprennent dans quel état d’esprit voyag’acteur agit.
V A : « Partir pour interagir » est un peu votre devise. Mais, concrètement, dans les voyages, cela signifie quoi ?
M T : La sémantique de Voyag’acteur indique bien le contenu et l’esprit de l’entreprise : elle organise des voyages dont les participants deviennent acteurs dans le sens développé plus haut ; se sentant concernés par la philosophie et les thèmes d’un voyage, ils en deviennent les acteurs à travers la multiplication de rencontres avec les acteurs locaux dans le cadre d’un tourisme à la fois responsable, équitable et également solidaire puisqu’il arrive que l’on soit amené à agir sur place.
V A : Qui sont les clients naturels de Voyage acteur ?
M T : Principalement des comités d’entreprises, des associations, des petits groupes d’amis ou encore des familles qui partagent nos valeurs et nos envies de rencontres et qui se sentent concernées par le thème de nos voyages ou les pays visités. Nous avons également une activité de voyages d’entreprise réalisés dans le même état d’esprit et participons à divers événements culturels comme « Lire les Méditerranées » à Marseille où nous avons constitué l’une des tables rondes en faisant appel à nos amis algériens : auteurs, éditeurs, historiens pour lesquels j’ai géré la logistique bénévolement…
V A : Voyag’acteur est un spécialiste de l’Algérie…
M T : Nous maitrisons en effet la connaissance et la culture du pays et avons une bonne expérience de l’organisation de voyages sur ce territoire dont le très grand potentiel est souvent méconnu et qui partage une histoire commune avec la France. Nous y organisons plusieurs types de voyages thématiques. Sur l’Histoire et la mémoire avec notre circuit « Mémoires & fraternités » ; en utilisant le chemin de la littérature avec « Sur les pas d’Albert Camus » ou encore sur l’agriculture biologique puisqu’une partie de la société civile algérienne tâche de préserver une agriculture traditionnelle et de développer des initiatives urbaines. Les membres des associations participant à ces voyages mettent en place des partenariats visant à apporter formation ou infrastructures aux acteurs locaux. Ce thème de l’agriculture nous étant cher, nous organisons également des voyages au Québec où des initiatives intéressantes se mettent en place en milieu urbain (sur les terrasses d’immeubles, notamment) et où l’on peut s’enrichir des pratiques respectueuses développées depuis longtemps par les représentants des Premières Nations, les Indo-Américains. Au Nicaragua, par le biais d’une ONG partenaire, c’est dans la mise en place de petites éoliennes destinées à approvisionner les villages en eau que nos voyageurs s’investissent, en lien avec les comités de ces villages et toujours à travers rencontres, échanges, partage…
V A : Où en est le tourisme en Algérie ? Bien des gens ont peur de s’y rendre ; mais dans les faits ?…
M T : Voyag’acteur organise principalement des voyages en Algérie pour des associations dont les membres ont le désir de retourner dans ce pays où ils ont, souvent, passé une petite (voire une grande) partie de leur vie. Désireux d’y retourner pour « revoir » et découvrir d’autres régions, ils souhaitent également rencontrer les Algériens pour échanger avec eux. A l’occasion de ces voyages, nous avons organisés plusieurs conférences avec des historiens et des sociologues et les voyageurs ont été passionnés par ces échanges. Tout comme ils adorent les nombreux moments d’échanges impromptus qui jaillissent sans cesse au cours du voyage, lors des promenades urbaines notamment où des discussions naissent sans cesse : au marché, sur une place, au coin d’une rue… D’une manière générale, les voyageurs sont impressionnés par l’accueil que leur réservent les Algériens. « Ils sont très contents de voir que des Français viennent visiter leur pays, témoignent-ils. Ils n’ont aucune rancune envers eux ! « . Une voyageuse, médecin, m’a un jour avoué l’appréhension qu’elle éprouvait à accompagner son mari, lequel voulait revoir le quartier où il avait vécu, enfant, à Alger. Le couple de voisins habitant l’appartement situé juste au-dessus de celui où avait vécu notre voyageur (les gens n’étaient pas là), l’ont invité à entrer chez eux afin qu’il puisse se remémorer les lieux, prendre des photos et les montrer à ses parents au retour. Ensuite, notre ami a souhaité faire un tour jusqu’à son ancienne école qu’il a pu revisiter grâce au formidable accueil réservé par le directeur et les enseignants. A la fin du voyage, ce couple a décidé de revenir en Algérie pour en découvrir les autres régions et poursuivre ce dialogue si bien engagé avec la population…
V A : Parlez-nous un peu de ce beau voyage que vous préparez, « Sur les pas d’Albert Camus » ?
M T : Ce voyage a pour but de faire ressentir et vivre « in situ » l’amour pour l’Algérie et particulièrement pour Alger que Camus éprouvait et qu’il a si bien su exprimer dans ses œuvres. Sur chacun des lieux évoqués par l’auteur, accompagné d’un partenaire connaissant parfaitement l’œuvre de Camus, nous lisons ses textes et j’associe également à notre voyage des amis écrivains et éditeurs algériens qui se prêtent bénévolement au jeu et nous parlent de Camus.
V A : Comme à l’accoutumée, ce voyage sera l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?
M T : En dehors du milieu littéraire, nous rencontrons les membres d’associations locales, les agriculteurs qui continuent de travailler la terre de manière traditionnelle, des femmes dont certaines se battent depuis plus de 20 ans avec beaucoup de courage pour défendre leurs valeurs pluriculturelles et qui, par exemple, éditent des livres de contes à la fois en tamazight (berbère), français et arabe. Nous rencontrerons également des associations pour le droit des femmes et diverses associations culturelles avec lesquelles nous organisons des rencontres à mi-chemin entre conférence et dialogue, auxquelles participent d’anciens appelés en Algérie ou des réfractaires, des Pieds noirs progressistes, d’anciens résistants, des historiens, etc.
V A : Sur quelles autres destinations semez-vous vos graines de fraternisation ces temps-ci ?
M T : On a dit un mot du Québec et du Nicaragua. Malheureusement, pour des questions de sécurité, nous avons dû abandonner momentanément nos escapades en Guinée Konakri, au Mali, en Mauritanie ainsi qu’en Syrie et en Jordanie. Mais nous continuons de faire découvrir la Sicile hors des sentiers battus et des pays peu connus comme l’Arménie, sachant qu’Inde, Iran et Ouzbékistan devraient bientôt suivre…
Par Jerome Bourgine
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