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La traversée (épique) de la France en Flixbus et Blablacar !

| Publié le 15 mai 2023
             

A la base, il ne s’agissait pas de réaliser une expérience ou de reproduire un reportage JT (« On a testé le bus à bas coût »…) mais tout simplement d’arriver à trouver un moyen de transport abordable pour des vacances de Pâques prévues entre Bretagne et Occitanie (depuis Paris) quand le train est devenu définitivement trop cher pendant les vacances scolaires. Toutefois, au fil des kilomètres et des « micro-aventures » du trajet, j’ai pensé qu’il pourrait être amusant de raconter ce périple, tant il est révélateur des diverses expériences que peuvent rencontrer ceux qui choisissent le bus pour sillonner l’Hexagone. Paris-Quimper ; Quimper-Nantes ; Nantes-Toulouse, trois transversales réalisées en famille dans des bus à bas coût, trois trajets épiques et instructifs dont je vous ai extrait quelques morceaux choisis.

So bus © DR

Bercy, cherchez Charlie…

Paris. Temps gris. Pluie imminente. La gare routière de Bercy vous accueille sous son impressionnante chape de béton. L’impression de s’engouffrer sous un tunnel pour découvrir un immense parking plongé dans la pénombre où des centaines de bus patientent en épi. Partout, des voyageurs, tout aussi perdus. On ne sait quel côté « du quai » rejoindre, où se trouve les tableaux d’affichage, ce qui ferait office d’un hall d’accueil, les toilettes sont immondes, et il va bien falloir trouver ce satané Flixbus. On le découvre finalement, et malgré notre avance, il est déjà pris d’assaut par des voyageurs (dont l’équipe nationale de basket de Madagascar) ayant totalement saturé la soute de leurs bagages. Compréhensif mais dépassé, le chauffeur nous trouve un recoin où nos sacs s’empilent sur des produits d’entretien un peu vieillot. Montée dans le bus. J’avais pris le soin de payer un peu plus cher pour réserver les places à l’avant notamment pour mes gars, mais elles sont prises et je suis obligée de déloger une personne et les affaires du chauffeur. Le bus est plein. Le chauffeur se tourne vers les passagers et prononce cette phrase surprenante :  « Je mets ma vie entre vos mains ! ». Sait-il à ce moment-là que cette annonce, toute paradoxale soit-elle, a quelque chose de prémonitoire ? Sur ce, il s’assoie, allume le micro, salue les passagers et donne quelques indications sur le parcours, précisant notamment que le bus est équipé de toilettes. C’est parti ! Il est 9h. Nous quittons Paris.

Les oubliés de l’autoroute…

Les kilomètres défilent. La pluie tambourine sur les vitres. Pas de wifi dans ce bus, un drame pour mes ados qui passent leur temps à réclamer des « partages de co ». A 150/200 kilomètres de Rennes, le bus s’arrête sur une aire d’autoroute pour la pause déjeuner. « Trente minutes de pause ! » annonce le chauffeur au micro. Tout le monde descend alors et rejoint la station. Nous en profitons pour pique-niquer et nous dégourdir mais le temps file vite, au point de presser un peu mes gars qui n’ont pas encore rejoint le bus quand le chauffeur s’apprête à repartir. Mais problème, deux personnes manquent à l’appel. Le chauffeur n’a pas son compte et retourne dans la station pour essayer de les identifier. Ma voisine de rangée me confie : « Il est sympa. En Autriche, l’heure c’est l’heure. Si les passagers ne sont pas remontés à temps, le bus file sans eux. » Il revient toutefois bredouille, hésite, et finit par partir. Nous reprenons la route. Les kilomètres défilent à nouveau et, deux heures plus tard, nous arrivons à la gare routière de Rennes où descendent une partie des passagers (et vice versa).

Et là, alors que le bus se vide, un cri jaillit de l’extérieur et très vite, un attroupement se forme autour de la soute. Un homme vient d’agresser le chauffeur, frappé au visage, qui tente de se défendre. Depuis nos sièges, nous comprenons qu’il s’agit du fils des « oubliés de l’autoroute », qui s’avèrent être un couple d’octogénaires laissé en perdition. Le fils est furieux. Il hurle sa colère. Le chauffeur, mis en cause et agressé, remonte dans le bus, se saisit d’un tournevis, et furieux à son tour, menace de « planter » son agresseur. Ambiance. Nous voici quelques-uns à jouer les intermédiaires et à tenter de le calmer pendant que les passagers qui sont descendus s’efforcent aussi d’apaiser le fils. Le tournevis finit finalement sa course dans la tablette en plastique du siège avant qu’il pulvérise sous le nez de mes garçons (pour qui ce sera le meilleur moment du voyage…) et après bien des paroles d’apaisement, le chauffeur, encore tremblant, repart. Un passager opportun (également chauffeur pour Flixbus) lui a bien proposé de prendre sa place mais il souhaite finir son service…. Le reste du trajet se fait cahin-caha jusqu’à Quimper. Le bus est presque vide. Le chauffeur est en roue libre. Il fait un détour dans la campagne pour prendre de l’essence. Je n’ose lui dire que nous avons une correspondance à destination et qu’avec 45 minutes de retard, il devient difficile d’y croire. Bien sûr, nous la raterons…

Le «petit nerveux» du Quimper-Nantes

Quimper. Cette fois, la gare routière est accolée à la gare SNCF sur un parking ensoleillé. Nous attendons sagement notre Blablacar après une semaine de vélo en Bretagne. Quelques minutes après l’heure prévue, le chauffeur arrive. Il nous demande de montrer nos billets et je réalise qu’à Paris, ces derniers n’avaient même pas été vérifiés. Nous sommes peu nombreux, mais je constate que les places réservées ne m’ont pas été attribuées. Heureusement, elles sont libres, et nous pouvons partir sereins, si ce n’est le chauffeur qui semble extrêmement nerveux. Et de fait, au micro, il précise que si chaque place dispose bien d’une prise (ce qui n’était pas le cas dans le Flixbus), en revanche, les toilettes sont cassées or il ne prévoit pas d’arrêt si ce n’est dans les gares pour prendre des passagers. Nous avons plus de 4 heures de bus, je suis surprise de cette façon de faire mais il m’explique qu’il ne supporte plus les aires de repos où les personnes sont systématiquement en retard. Alors, pour tenir les horaires imposées, il ne fait plus de pauses si ce n’est dans les gares.

L’homme semble à bout, épuisé par les cadences demandées (jusqu’à 10h de conduite par jour légalement autorisées deux fois par semaine), usé par les pressions et l’incivisme des passagers.  Dès qu’on l’interroge, il ne cesse de se plaindre et de critiquer ses conditions de travail. Blablacar ne prend pas en compte ses demandes telles réparer les toilettes, lui impose des cadences et des horaires impossible à tenir. « Après, les gens ratent leur correspondance,  sont furieux, et c’est nous qui prenons ! ». Il dénonce aussi les vols de bagages entre passagers, ce dont on nous avait aussi mis en garde sur le Paris-Quimper, les bugs du portail de réservation qui n’enregistrent pas toujours les places ou les bagages supplémentaires en soute (c’est le cas sur ce trajet), et bien d’autres griefs encore, qui peuvent aussi expliquer comment on en arrive, sous pression, à oublier deux personnes sur l’autoroute. Bref, l’envers du décor d’une économie à bas coût qui épuise ses bons soldats, jusqu’au détriment de la sécurité puisque sur ce trajet Quimper-Nantes, la conduite nerveuse et saccadée d’un chauffeur à bout manquera de nous propulser dans un camion. Au moins celui-ci ne nous a pas annoncé qu’il mettait sa vie entre nos mains… Nous arriverons finalement à destination à l’heure pile. L’avantage de ne s’arrêter que dans les gares (Concarneau, Lorient, Vannes) et d’une conduite assez sportive… donc.

Nantes-Toulouse

C’est forcément un peu angoissés que le lendemain, après une étape à Nantes, nous nous apprêtons à poursuivre notre périple jusqu’à Toulouse (9h30 de route !). Après nos deux premières expériences, nous nous demandons quel type de chauffeur et de péripéties routières nous réserve cette fois Blablacar. Située à la périphérie nord de la ville, la gare routière de La Haluchère n’est en fait qu’une allée découverte longeant une clinique où quelques bus s’arrêtent çà et là. Trente minutes avant l’arrivée du véhicule, Blablacar nous a envoyé un e-mail précisant nos places. Cette fois, nous sommes bien prévus à l’avant du bus. Scrupuleux, le chauffeur vérifie attentivement les billets, les bagages, puis nous souhaite la bienvenue au micro. C’est reparti. Une heure à peine après notre départ (à 11h30), il s’arrête sur une aire d’autoroute pour la pause déjeuner et, forte de mon expérience précédente, j’organise le pique-nique sur le banc accolé au bus pour éviter qu’il parte sans nous. Toutefois, le chauffeur s’avère bien moins stressé que ses collègues. Au moment de partir, il compte plusieurs fois les passagers et repart chercher une personne en retard. « Pas question de laisser une personne en plan me précise-t-il, chez Blablacar, s’il manque un passager, après l’avoir cherché, on appelle notre centrale de réservation pour trouver une solution. On n’est pas Flixbus !».

Bien plus serein que ses collègues, l’homme me décrit une situation beaucoup moins préoccupante. Il semble content de son travail. Certes, les cadences sont exigeantes mais « On se met la pression que l’on veut bien se mettre. » Et de fait, ce trajet Nantes-Toulouse s’avère être une traversée (via La Rochelle et Bordeaux) de la France agréable et confortable. Seul petit accroc, à Bordeaux, une passagère qui n’a pas réussi à faire sa réservation en ligne souhaite monter à bord. Mais tout rendre dans l’ordre quand le chauffeur, très calme, arrive à lui faire prendre son billet à l’aide de sa fille présente à l’autre bout du fil. Une fois de plus, nous arrivons pile à l’heure prévue à Toulouse Matabiau. Une ponctualité impressionnante pour un si long trajet, certainement le plus agréable de la traversée. Il était d’ailleurs également prévu que nous remontions à Paris en bus mais une personne de famille peut finalement nous ramener en voiture, l’occasion de noter que Blablacar ne rembourse pas les billets annulés mais fournit des avoirs valables un an.

En guise de conclusion

Que conclure finalement de cette expérience de voyages en bus à bas coût ? Je dirais que les tarifs sont sans conteste attractifs si l’on compare avec le train ou l’avion pour un service qui reste acceptable quoique très dépendant de la personnalité des chauffeurs rencontrés. Les trajets, certes plus longs, peuvent être agréables notamment sur autoroute où les bus sont moins secoués. En outre, la clientèle est extrêmement diverse et pas forcément toujours aussi jeune ou étudiante que l’on peut imaginer. On rencontre aussi des familles, des personnes de tout âge dont des personnes âgées, et même des équipes sportives. Mais clairement, on sent qu’avant tout, le facteur commun qui rassemble les passagers reste l’attractivité des prix de ces voyages, qui offrent la possibilité de voyager à bas coût et de sillonner ainsi toute la France voire plus. Le point noir reste évidemment l’épuisement manifeste de certains chauffeurs, qui semblent à bout d’un système qui les pressurisent jusqu’à mettre en danger la sécurité des passagers sans parler de leur propre santé. Il existe aussi de nombreux dysfonctionnements des centrales de réservations qui ajoutent à leur stress et à l’inconfort des passagers. Il est évident qu’une fois de plus, l’humain reste ici encore trop peu considéré et valorisé, et qu’un modèle économique plus juste et plus redistributif permettrait forcément d’améliorer le service et l’ambiance à bord. A bon entendeur…

Viva le bus © DR

La traversée (épique) de la France en Flixbus et Blablacar ! | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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