Tourisme et exploitation animale : le triste sort des paresseux
Il est mignon, lent, donne l’impression de sourire tout le temps et ressemble à une peluche… Ce qui aurait pu valoir au paresseux d’être simplement admiré pour ce qu’il est le dessert fortement aujourd’hui : victime du tourisme de masse, il est l’un des animaux les plus exploités par une chaîne de trafiquants, marchands et tour-opérateurs sans scrupules. Zoom sur un animal arraché de son milieu naturel pour agrémenter les selfies Instagram…
Le paresseux, un animal hors-normes
Avec son apparence à mi-chemin entre le koala, le singe et le tatou, le paresseux est un animal qui intrigue. Exceptionnellement lent (il parcourt en moyenne 4 mètres à la minute), cet herbivore est un mammifère arboricole présent sur Terre depuis plus de 60 millions d’années – des ossements de ses ancêtres ont même révélé que nous aurions pu connaître des paresseux de 6 mètres de long !… Très à l’aise dans les arbres et sous l’eau, il devient très vulnérable une fois au sol, où il n’a d’autre choix que d’avancer en rampant. Le paresseux devient alors la cible idéale de ses principaux prédateurs, à savoir le jaguar, l’ocelot, et… l’homme !
Le territoire du paresseux se situe en Amérique centrale et du Sud, dans des pays comme le Costa Rica, le Brésil ou le Mexique. L’animal y trouve ce dont il a besoin pour vivre, à savoir des forêts d’arbres feuillus, qui sont sa seule et unique source de nourriture. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le paresseux est si lent : très peu énergétiques, les feuilles qu’il consomme doivent être mangées en grande quantité et sont très longues à digérer. L’herbivore doit donc s’économiser un maximum pour ne pas s’épuiser…
Il existe deux types de paresseux :
- ceux à deux doigts, de la famille des Choloepus. Ce sont ceux que l’on voit le plus sur les photos – que ce soient celles de touristes ou d’associations de protection. Sans défense, leur vulnérabilité en fait des proies faciles pour l’exploitation humaine.
- ceux à trois doigts, de la famille des Bradypus. Par chance, ces derniers sont capables de se défendre un minium lorsqu’ils se sentent menacés, et peuvent ainsi mordre ou griffer. Ils sont donc nettement moins appréciés des trafiquants.
Tourisme de masse : le profit au détriment de l’empathie…
Car c’est là que se trouve l’un des points faibles du paresseux : son incapacité à se défendre face à l’agression humaine. Nul besoin de braver mille dangers pour capturer des paresseux… La lâcheté se joint à la cruauté quand il s’agit pour les trafiquants d’animaux d’abattre les arbres sur lesquels s’agrippent les pauvres animaux – et de souvent tuer la mère pour ne garder que le petit. Une fois au sol, ceux qui ont pu survivre à la chute (étant donné ce qui les attend, les chanceux sont plutôt ceux qui en meurent) sont capturés puis revendus sur des marchés, auprès de particuliers ou de centres peu scrupuleux, ou encore exposés le long des routes touristiques.
Comme expliqué plus haut, le paresseux est un animal au métabolisme très lent, qui n’est absolument pas fait pour la vie au contact des humains. En captivité, les trois-quarts des animaux meurent au bout de quelques semaines, incapables de survivre au stress qui les entoure… Les tentatives de domestication sont vouées à l’échec et les paresseux capturés à des fins lucratives et touristiques vivent une longue agonie.
Parqués dans des cages ou posés à même le sol, les paresseux évoluent hors de leur milieu naturel et ne peuvent s’adapter à un environnement qui ne respecte pas leurs besoins primaires. Les touristes s’émerveillent de les voir s’agripper à eux… mais c’est parce que c’est dans leur nature même ! Les griffes des paresseux sont faites pour grimper et rester aux arbres ; ces mammifères s’agrippent instinctivement à tout ce qu’ils peuvent.
Manipulés toute la journée, victimes du bruit, de la foule, pris dans les bras puis remis en cages, les paresseux captifs vivent un véritable enfer. Enfermés dans des usines à touristes, ils sont une attraction à eux tous seuls et ont fait les beaux jours d’Instagram. Suite à une pétition datant de 2017, l’entreprise assure avoir augmenté son travail de modération sur toutes les photos valorisant la capture d’animaux sauvages et l’exploitation qui en résulte. Mais la mode est bien là…
Vous l’aurez compris : si un tour opérateur – et ce n’est pas difficile d’en trouver – vous propose d’approcher, câliner ou prendre une photo avec un paresseux… Fuyez !
Les bonnes pratiques du touriste responsable !
Heureusement, face aux pratiques honteuses des marchands et aux comportements dénués de toute responsabilité de certains touristes, des organisations agissent. L’une des plus actives, The Sloth Conservation Foundation, se trouve au Costa Rica et mène un double combat de prévention et de réhabilitation. L’organisation fait campagne pour mettre fin au trafic d’animaux sauvages, et agit pour leur sauvetage – 50% des mammifères accueillis chez eux étant des paresseux. Avec l’aide de scientifiques, ils étudient, protègent et préservent ces animaux, tout en sensibilisant les populations locales via, entre autres, des interventions dans les écoles.
The Sloth Conservation Foundation milite également auprès des touristes qui viennent visiter le Costa Rica en leur expliquant les pratiques à bannir. Parmi elles, il faut absolument refuser de payer ou d’entrer en contact avec une organisation qui vous proposerait de toucher un paresseux, ou de l’observer hors de son milieu naturel. Un animal captif est un animal malheureux, et en danger. Les paresseux craignent le bruit, la foule, les manipulations et l’air pollué des villes. Ce sont des animaux sensibles et fragiles. Si l’environnement dans lequel ils évoluent présente au moins une de ces caractéristiques, il faut s’en éloigner.
Quant aux refuges, ils ne proposeront jamais de prendre un selfie avec l’un de leurs pensionnaires ! Il est possible visiter les lieux en gardant de la distance avec les animaux, et surtout pas en les faisant monter sur vos épaules. Envie d’un selfie avec un animal sauvage ? Il faudra se satisfaire de la chance de pouvoir l’observer dans son milieu naturel, sans essayer de l’approcher, l’appeler, ni le gêner dans ses déplacements. Le selfie sera non seulement beau, mais aussi et surtout, responsable ! Et cela participe à la préservation de cet animal si malmené par l’homme.
Car au-delà du traitement réservé aux paresseux capturés, c’est tout l’équilibre de l’espèce qui est menacé : l’expansion urbaine réduit toujours un peu plus leur territoire, et la perte d’habitat est aujourd’hui la plus grande menace qui pèse sur les paresseux.
Nous pouvons, à notre échelle, agir en refusant les attrape-touristes, et en pratiquant un tourisme responsable, qui ne nuit pas à l’environnement naturel des lieux que nous visitons !
Par Mélusine Lau
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