Empreinte carbone : quand le secteur de la construction se mobilise…
Dans une démarche volontaire exemplaire, l’essentiel des acteurs du secteur de la construction (le plus impactant) se sont réunis au sein de l’association BBCA pour mettre au point un Label Bas Carbone visant à réduire l’empreinte carbone du bâtiment. Rencontre avec sa Déléguée Générale, Hélène Genin…
Voyageons Autrement : Pouvez-vous nous présenter l’association BBCA (Bâtiments Bas Carbone) ? Nous dire par qui elle a été créée, pour quelles raisons, quand et dans quel but ?
Hélène Genin : L’association a été créée il y a un an et lancé officiellement en octobre 2015. Elle rassemble les maitres d’ouvrages et maitres d’œuvre engagés dans l’acte de construire ; une centaine d’adhérents à ce jour parmi lesquels figurent les acteurs majeurs du secteur : Accor, Vinci, Bouygues, la BNP, les principaux architectes et bureaux d’études… autant d’entreprises souhaitant développer les bonnes pratiques liées au bas carbone dans la construction, premier secteur émissif de CO², devant les transports même lorsque l’on réintègre les transports dédiés à la construction dans leur secteur d’appartenance : la construction. En moyenne, 1m² (plancher) de bâtiment construit équivaut à 1 tonne de CO² émise…
V-A : En ne se souciant pas de l’impact CO² de ses constructions dans la RT (Réglementation Thermique) de 2012, La France avait pris du retard sur ses voisins. On s’est ainsi retrouvé avec des bâtiments à l’excellente efficacité énergétique qui – paradoxe – avaient un impact carbone accru. En revanche, réunir tous les acteurs autour d’un label « Bâtiment bas carbone » comme le fait BBCA, c’est une sorte de première mondiale, non ?
HG : Absolument, il n’existe aucun label dédié au carbone, aucun label monocritère prenant en compte l’impact des constructions jusqu’à leur fin de vie et le recyclage des matériaux utilisés.
V-A : Quels sont les actions de la BBCA ? On parle de la mise au point d’un référentiel des bonnes pratiques ; d’un véritable label de mesure de l’empreinte carbone, voire de 3 labels (bâtiments neufs, rénovation et Quartier) ? Qu’en est-il ?
HG : Pour créer un label, il faut préalablement disposer d’un référentiel permettant de mesurer les émission de carbone d’un bâtiment et de sa construction. Un premier travail qui a été réalisé l’an passé avec la CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) et plusieurs bureaux d’études. Leurs travaux ont abouti à un référentiel reposant sur quatre piliers. Le premier dédié à une construction raisonnée, le second à une exploitation maîtrisée (mesurant le CO² évité), le troisième est un indicateur du stockage carbone définissant la capacité du bâtiment à capter et piéger le CO² durant toute la durée de vie du bâtiment comme le font les biomatériaux et enfin le quatrième repose sur l’économie circulaire, la capacité des matériaux utilisés à se transformer : être démontés et recyclés.
Une fois ce référentiel créé, il a fallu déterminer des seuils qualitatifs selon le nombre de points cumulés par une construction au regard de ces quatre critères. Ainsi, le niveau d’entrée « standard » dans le label implique d’atteindre 25 points, c’est-à-dire d’avoir évité ¼ des émissions du niveau moyen actuel. En évitant 40% de CO², une construction atteint le niveau « Performance » du label et enfin, en atteignant 50 points, c’est-à-dire en évitant 500 kg de CO² au m², soit 50% de l’émission courante, on parvient au niveau « Excellence ». Le calcul a donc été simplifié à l’extrême : 1 point BBCA = 10 kg de CO² évités ou 15 kg de matériaux biosourcés intégrés au bâtiment.
V-A : Et quand le label entrera-t-il en vigueur ?
HG : Il vient juste d’être lancé, en mars 2016 concernant les bâtiments à usage de bureaux et ces jours-ci concernant les logements collectifs, le troisième label, dédié à la rénovation suivra. Les premières constructions labélisées le seront officiellement en juin et nous commencerons alors de faire connaître et partager toutes les bonnes pratiques.
V-A : Cela implique la mise au point et/ou l’utilisation de matériaux nouveaux. Et si possible, de moins de matériaux, non ?
HG : Tout à fait. Et pour faire le tour de l’ensemble des bonnes pratiques qui pourraient nous aider à atteindre notre but, nous avons travaillé sur des bâtiments pilotes. La construction sobre que vous évoquiez fait partie des solutions, en évitant par exemple de mettre en place des sous-plafonds, en laissant donc les structures (rendues adéquates) visibles. Utiliser le bon matériau, en bonne quantité et au bon endroit fait partie des règles d’or, avec un recours de plus en plus important aux biomatériaux (notamment en matière d’isolation, de revêtements, moquettes, etc.), aux matières biosourcées et également, à tous les stades de la fabrication ou de la construction, aux énergies renouvelables. Mais cela passe également par une conception initiale allant vers le décloisonnement des espaces et par l’utilisation de ciments bas carbone, ce produit étant celui qui a le plus fort impact de toute la chaine. Même chose avec les aciers utilisés qui peuvent intégrer du métal recyclé à hauteur de 30%…
V-A : La Réglementation Bâtiment Responsable (RBR) officielle de 2020 n’est encore qu’un projet, mais vous devez néanmoins être en lien avec ceux qui la prépare. D’une certaine façon, votre label constitue une bonne manière de se préparer à une future norme réglementaire plus stricte…
HG : Nous travaillons bien sûr en convergence avec le Plan Bâtiments Durables et le DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages), mais il est important de noter que ce label Bas carbone est le fruit d’une initiative entièrement privée, les acteurs du secteur, sans contrainte, ayant volontairement décidé de faire avancer les choses. Une démarche que la ministre de l’environnement, Madame Ségolène Royal, a chaleureusement saluée.
V-A : A-t-on une chance de voir cette réglementation s’étendre à l’international ?
HG : Une chose est dore et déjà acquise puisque le groupe Accor fait partie des membres fondateurs de l’association et y est très investi : c’est que tous les prochains établissements qu’ouvrira l’hôtelier répondront à ce label. Enfin, plutôt à un label spécifique à l’hôtellerie que nous sommes précisément en train de mettre au point avec eux en élargissant la grille référentielle à un certain nombre d’aspects spécifiques à l’hôtellerie. Ce label devrait être prêt avant la fin de l’année. A partir de 2017 donc, le voyageur saura si un hôtel est exemplaire ou non en matière d’empreinte carbone sachant qu’il faudra naturellement attendre quelque temps avant que le label ne se fasse connaître et gagne la pratique usuelle.
V-A : Pouvez-vous nous parler de vous et de votre mission en quelques mots ?
H G : Longtemps directrice marketing et innovation du groupe Moniteur (leader de l’information pour les professionnels du BTP), j’ai une connaissance approfondie du secteur de la construction, de ses enjeux et ses acteurs. Je m’occupe aujourd’hui d’accompagner les dirigeants d’entreprise dans leur transition numérique au sein de ma société Green Eyes et, au sein de la BBCA, j’assure l’animation et la promotion de l’association.
+ d’infos sur https://www.batimentbascarbone.org/
Par Jerome Bourgine
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