Catalogne insolite : la région de l’Anoia !
À moins d’une heure de Barcelone, la région de l’Anoia offre une excellente base de repli pour alterner activités sportives, visites culturelles, découvertes artisanales et pauses gastronomiques. Avec ses châteaux, ses tours médiévales, son passé industriel mais aussi ce bassin fertile ponctué de villages traditionnels où s’épanouissent les céréales et le vignoble, la région multiplie les facettes et les identités. L’occasion aussi de parcourir son étonnante préfecture, Igualada, une charmante bourgade qui s’est distinguée à la fin du 19e siècle par son florissant commerce du cuir. Située au sud du centre historique, ses tanneries s’étendaient alors au fil du Rec, un canal sillonnant la région d’est en ouest. Un patrimoine aujourd’hui revalorisé, à l’instar des nombreux musées qui font revivre les arts et métiers du passé, et qui nous mènera jusqu’à Capellades et son passionnant musée du papier !
Vélo, yoga et rando : on s’active dans l’Anoia !!
Rendez-vous à Calaf, au nord d’Igualada, pour retrouver Anna et Jaume face à un bataillon de VTT électrique parés au départ. Féru de sport et de grands espaces, ce jeune couple a monté une petite entreprise, la baCiCleta, visant à faire découvrir les environs de Calaf pédales au vent. Et tout est possible : à travers les vignes, les champs, les horizons, dévaler les routes jusqu’au bout de la nuit, rejoindre l’observatoire météorologiques et astronomique de Pujal pour se projeter dans le ciel, en version vélo -pique-nique, tant que la roue tourne, la baCiCleta décline les formules. Nous avons enfourché ces vélos magiques au cœur de paysages champêtres et bucoliques puis enchainé avec une séance de yoga relaxante. Une formule qui aère le corps puis l’esprit et permet de se ressourcer sans dépenser un gramme de carbone. Facile à manier et adapté aux possibilités de tout un chacun, le VTT électrique permet de doser son effort en fonction de ses envies et de ses capacités.
Toutefois, si vous préférez la terre ferme et le battement des souliers, Juan Juarez propose quant à lui des randonnées guidées sur les sentiers de la région. Il est alors possible de cheminer à ses côtés sur la route des Esgavellats, une zone remarquable de la Serra de Collbàs dans laquelle le paysage se caractérise par la présence de fissures dans le sol rocheux et de blocs de pierre qui se meuvent en formes étranges, petites grottes et passages étroits. Cet itinéraire s’achève au Château de Claramunt, une importante fortification du 10ème siècle qui domine le bassin d’Òdena et avait pour fonction de délimiter la frontière entre le comté de Barcelone et Al-Andalous. La lignée des Claramunt posséda le domaine jusqu’au 11e siècle, celui-ci fut ensuite disputé entre différentes seigneuries, témoin de nombreuses guerres, démoli puis reconstruit à moultes reprises avant d’être définitivement détruit en 1714 suite à la guerre de Succession.
Intarissable Igualada
Aérés, remis sur pied et déterminés à poursuivre notre exploration de l’Anoia, nous rejoignons en soirée son étonnante préfecture. Ancienne capitale du cuir, Igualada possède un centre historique de toute beauté qui témoigne d’un passé florissant. Aujourd’hui encore, on peut filer la métaphore de ces peaux traitées et tannées pour appréhender la ville sous le prisme de cette histoire industrielle cruciale pour l’économie catalane, suivre le canal local (le Rec) qui alimentait alors au cœur de la ville les moulins à farine avant de filer au sud irriguer le quartier des tanneurs. Une poignée d’entreprises travaillent toujours dans le traitement des peaux. Quant à la ville, elle a également entamé un processus de sauvegarde et de valorisation de ce savoir-faire via la récupération d’anciennes tanneries et l’ouverture du Museu de la Pell d’Igualada i Comarcal de l’Anoia. D’autres sites ont été transformés en centre d’art, ou en restaurant-hôtel, à l’image du Somiatruites, un ensemble moderne rénové par l’architecte Xavier Andrés mêlant architecture contemporaine et traditionnelle. A noter l’écolo touch : le toit du bâtiment est composé d’un poulailler et d’un potager de 400m2 qui approvisionne le restaurant en produits locaux et durables.
Mais au-delà du cuir, Igualada a toujours été une cité dynamique, effervescente, connue pour ses boutiques de textile et d’habillement mais aussi pour quelques traits plus originaux comme d’être l’unique lieu d’Espagne où l’on fabrique encore des montgolfières. Elle abrite d’ailleurs un festival européen de ces ballons volants (European Balloon Festival) qui se tient chaque année au mois de juillet. Dans la ville se cache également une immense maquette de train à découvrir dans le garage d’un afficionado local, mais aussi de nombreux randonneurs qui, en saison, affluent pour emprunter le chemin de St Jacques de Compostelle ou celui de Saint Ignace, fondateur des Jésuites. Avant-dernière étape de l’itinéraire qui relie Loyola à Manrese (ville où le sage rédigea ses Exercices spirituels), le chemin de Saint Ignace traverse la ville comme il traverse l’Espagne du Pays basque jusqu’en Catalogne. Et si vous souhaitez d’autres anecdotes encore, rendez-vous au Cal Roure, cet hôtel boutique à l’élégante architecture néoclassique situé au cœur de la place centrale a longtemps été un magasin de textile connu dans toute la région. Racheté par Joseph Clotêt qui fit le pari d’en faire un hôtel de charme doté de quatre chambres magnifiques, il est aujourd’hui tenu par un maestro passionné et passionnant qui aime à rappeler le passé glorieux de ce lieu datant du 17e siècle. Il saura également vous conter sa ville, son histoire, ses personnages, et bien des choses encore et encore…
D’un moulin à paroles à un moulin à papier…
Dernière étape de notre séjour en Anoia : Capellades et son musée du papier. Situé dans un ancien moulin du 18e siècle nommé Molí de la Vila, il se déploie sur quatre étages dont un sous-sol irrigué par une source naturelle, la Bassa, au débit journalier de 12 millions de litres. Une abondance hydrique qui permet de faire tourner les moulins de la ville et des environs et qui fit que de cette région de Capellades l’un des plus importants centres papetiers d’Espagne durant les 18e et 19e siècles. Nous suivons une visite passionnante qui nous détaille toutes les étapes de la fabrication à l’ancienne de ce papier artisanal. Tout commence dans le « chaudron » où sont récupérés de vieux vêtements (blancs !) en fibre végétal qui seront ensuite coupés en petits tronçons puis passés dans une roue pour enlever les poussières. On nous signale les nombreuses maladies respiratoires provoquées par cette étape pour des ouvriers trimant là des heures durant, sans compter le passage suivant, dans le bac de poudre blanche, où il s’agit alors de reblanchir l’ensemble en supportant la très forte odeur de poudre. Coupés, blanchis, les morceaux de tissus sont ensuite triturés par le moulin à papier pour obtenir cette fameuse pulpe de fibre végétale qui sera trempée dans un mélange d’eau puis sortie à l’aide d’un tamis, feuille par feuille, dans un aggloméré de fibres qui garantit la résistance du papier.
Vient ensuite le séchage, sur du fil à linge, puis le pressage, au marteau, une force de 300 kilos pour compresser, lisser et enfin aplanir chaque feuille. Une fois sec, le papier était pesé, massicoté, et même débarrassé de ses « poils de barbes » pour avoir des bords nets. L’ensemble se vendait alors par paquet de 500 feuilles. Chaque jour, deux ouvriers pouvaient réaliser jusqu’à 4 500 feuilles quand aujourd’hui, les machines « modernes » produisent 50 000 feuilles à la minute (pauvres forêts !). Enfin, le papier était parfois agrémenté de fleurs séchées, résidus de cacaos et autres décorations. Après avoir visité « la salle des machines » qui abrite aussi le moulin et permet de voir une à une toutes les étapes décrites ci-dessus, on peut s’élever et découvrir encore une histoire du papier avec force explications et illustrations.
Où l’on apprend que la plupart du papier de cette zone, notamment le papier non rogné et le papier à rouler, était écoulé sur le marché espagnol et vers les colonies d’Amérique. Où l’on découvre aussi les noms de papetiers célèbres de la fin du 18e siècle tels que Sorteras, Romeu et Guarro. Mais aussi les Serra et les Romaní, qui ont donné naissance à des marques de papier de renom international. Enfin, passé le 3e étage, silencieux et studieux qui semble accueillir des ateliers et l’administration, on s’élève jusqu’au 4e niveau, pour découvrir une magnifique exposition d’œuvres d’art modernes et contemporaines toutes inspirées de cet univers papivore.
Evidemment, on aurait aussi pu vous parler des châteaux et des tours, des cascades et des torrents, des bois et des sentiers, des vignes et des plaines, du jamon et de l’escaliva, mais il faut bien conclure, d’autant qu’il nous reste encore une étape…
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Organiser votre voyage :
Programme BreathingLands et MedPearls :
https://www.breathingland.com/fr
https://www.breathingland.com/en/Category/29/Les-Garrigues
Discover the Med Pearls destinations: Les Garrigues, the land of olive oil
Site internet information générique Catalogne :
Réceptifs locaux
· Turismo Vivencial – www.turismovivencial.com
· Trek & Ride / Inytur – www.trekandride.com
Les visites citées dans le texte :
– La BaCicCeta.
Location de VTT électrique. Sorties organisées. Combinés vélo/yoga.
– Le musée du Papier de Capelladas
Ou dormir ? Ou diner ?
Hôtel Cal Roure à igualada
Hôtel boutique situé dans le centre-ville. L’établissement se distingue par son architecture élégante néoclassique, et se trouve dans un bâtiment datant du XVIIème siècle et doté d’une histoire très riche. Son intérieur est décoré avec des œuvres d’art textile qui sont un rappel au passé industriel de la ville.
4 ch. Bar-cocktail. Comptez 120 € nuit avec petit déjeuner.
Restaurant-Hôtel Somiatruites à Igualada
Hôtel-restaurant situé dans une ancienne tannerie rénové par l’architecte Xavier Andrés
Restaurant Masia la Figuera de l’Astor-Pujalt
Restaurant situé dans une maison de maitre construite au début du 17e siècle et située au milieu d’un village de style médiéval. Dégustation de produits locaux et du terroir.
Menu entre 23 et 26 €
https://anoiaturisme.cat/guia/restaurant-masia-la-figuera/
Restaurant du Castell de l’Orpi.
Restaurant situé au cœur d’un château médiéval du 10e siècle qui marquait la frontière entre les comtés catalans et Al-Andalus. Cuisine traditionnelle catalane.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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