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Dundalk / Newry, le « El Paso » irlandais

La fièvre monte à El Paso… et pourtant on ne voit plus rien du passé de l’ex-zone de non droit, sauf une ligne sur le bitume – © Elisabeth Blanchet

Etape 3 : Dundalk / Newry, le « El Paso » irlandais

Coordonnées GPS : autour de 54.1121, -6.3588

Tendance : A cheval entre les comtés de Down et Louth

Population : 31 149 / 27 433

Des patelins insignifiants, on en croise tous sur la route, toutes les routes. En Irlande, certains sont un peu spéciaux. Ils sont en plein sur la frontière, une frontière invisible qui pourrait bien ressurgir avec le Brexit. Invisible ? Pas tout à fait, il suffit de regarder longtemps. En suivant l’adage flaubérien “Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps” et GPS en main, nous avons écumé pour vous cinq bleds ignorés des guides de voyages où fleurissaient jadis les checkpoints. Ils méritent qu’on s’y attarde et qu’on prête l’oreille aux histoires improbables des gens. Deuxième étape, la région comprise entre les villes de Dundalk en République et Newry au Nord. Le point le plus à l’est de la frontière, véritable « El Paso » irlandais entre trafics, règlements de compte et ex-base arrière de l’IRA.

Des histoires

Bureau du Sinn Féin – 1-2 Crowe St, Dundalk

Declan Murphy devant le bureau du Sinn Fin – © Elisabeth Blanchet

Envie d’histoires de luttes armées, d’attentats et de faits historiques ? Rendez-vous à la branche locale du Sinn Féin ! Et oui, ce parti irlandais républicain de gauche implanté dans les deux Irlandes existe depuis 1905 et prône une Irlande unique – d’ailleurs, Sinn Féin se traduit par “Nous, nous-mêmes”. Là, Declan Murphy, représentant local et originaire du Comté de South Armagh en Irlande du Nord, se fera un plaisir de vous raconter l’histoire des “Troubles” qui pour lui, ne sont “qu’une appellation britannique visant à minimiser les faits. Ce n’était pas des “troubles” mais une vraie guerre civile. Il raconte comment, en 1968, la population catholique de Derry / Londonderry a marché dans les rues, pacifiquement, pour réclamer des droits civiques identiques à ceux des Unionistes protestants – “les Républicains catholiques étaient en effet considérés comme des citoyens de deuxième classe”, assure Declan – et comment ces marches furent réprimées par la violence. La guerre entre les deux camps était déclarée… Mais nous vous laissons découvrir la suite, anecdotes “el-paso-esques” à l’appui, dans le bureau de Declan.

Boire un coup

Pub Toales –  7 Crowe St, Dundalk

Au Pub Toales – © Elisabeth Blanchet

Les histoires de Declan donnent soif. Pas la peine de faire des kilomètres pour trouver un pub pour vous remettre de l’histoire récente de l’Irlande. A quelques pas du bureau du Sinn Féin, le Pub Toales est un endroit fort sympathique, tout en longueur dont le bar prend d’ailleurs une sacrée place. Dans le coin à gauche en rentrant se produisent régulièrement des groupes de musique traditionnels, gratuits et de qualité. Vous n’y écouterez – et n’y boirez – que du bon. D’ailleurs, on dit qu’on y boit la meilleurs Guinness de la ville et les “seisiún”, concerts de musique irlandaises y sont légendaires.

Une pause déjeuner ou dîner

Vecchia Roma à Warrenpoint, côté Irlande du Nord avec vue sur le port

Un restaurant italien, oui. Mais en fait plutôt un restaurant local dont les plats sont teintés d’une couleur italienne – le hamburger est vraiment chouette, et Dieu sait si on prend d’habitude soin de les éviter car en Irlande, quel que soit le côté de la frontière, on a du mal à manger léger -.

The Oystercatcher food truck – © Elisabeth Blanchet

A Carlingford, côté République, un mini food-truck, The Oystercatcher, garé juste en face du McKevitt’s Village Hotel, sert de savoureuses huîtres des environs. On peut aussi y acheter du saumon fumé aux multiples parfums. Pour un pique-nique au pied du château, par exemple. Et un brin de conversation avec le patron, très sympa !  

Fait remarquable

Le 27 août 1979, les abords du Narrow Water Castle, château anglais du XVIe siècle, ont été le théâtre de la plus meurtrière attaque de l’IRA contre les forces britanniques. Un camion piégé explose au passage d’un convoi militaire coûtant la vie à 6 soldats. Une fois les troupes déployées autour du lieu de l’attentat, une seconde explosion est déclenchée, faisant à son tour 12 victimes supplémentaires. Une véritable embuscade, dont le lieu est signalé par des couronnes de coquelicots accrochées au bord de la route en hommage aux victimes.

Dent creuse ?

Meilleur cabinet dentaire de l’année à Newry – © Elisabeth Blanchet

Personne n’est à l’abri d’une chute de couronne (surtout au royaume d’Angleterre). Newry, côté britannique, est devenue en quelques années la capitale des soins dentaire. Une raison simple : c’est moins cher de ce côté-ci de la frontière. Si c’est le genou qui flanche, poussez jusqu’à Belfast. Les chirurgiens ont développé pendant les Troubles une compétence particulière dans son traitement. Une balle dans le genou, c’était la méthode employée par l’IRA pour envoyer un avertissement.

Dormir

McKevitt’s Village Hotel à Carlingford

McKevitt’s Village Hotel – © Elisabeth Blanchet

Sur une mini place du village, l’endroit est coloré, charmant, doté en plus d’un pub-restaurant du meilleur goût. Point de déco tapageuse dans les chambres, c’est discret et douillet, pas forcément bon marché, mais le plaisir de dormir à deux pas des plus beaux vestiges médiévaux de Carlingford est bien à ce prix. Jolies balades nocturnes tout près dans les rues du village entre les tours et portes fortifiées de jadis, et un bon breakfast, le meilleur du coin, à 10 €.

Shopping

Carlingford Crystal Antiques

Paul Kirk au comptoir de sa brocante – © Elisabeth Blanchet

Bienvenue dans la boutique de Paul Kirk, la Carlingford Crystal Antiques, un dépôt-ventes magique où vous trouverez de tout, même des plaques de rue françaises, mieux, normandes. Ce n’est pas étonnant car Kirk adore aller fouiner dans les vide-greniers et dépôts-vente d’outre-Manche. D’ailleurs, l’entendre prononcer ces deux derniers mots avec son accent irlandais donne un cachet de plus à cette caverne d’Ali-Baba. Planté au milieu de son vaste entrepôt, entouré d’un comptoir central, Kirk veille sur ses trésors, avec à ses côtés un renard empaillé pendu au plafond… L’endroit ne désemplit pas. Il faut dire que le concept de brocante est relativement récent en Irlande. Quand le pays était pauvre, on aspirait au neuf, façon Formica et on jetait les vieux meubles, souvent guère plus qu’un bout de bois, où le bibelot en féraille ou grossière céramique. Ce n’est que lorsque le pays s’est enrichi, dans les années 1990, que la moindre antiquité qui avait échappé à la décharge fut regardée comme un objet design sinon patrimonial. “Les brocantes sont la marque des pays riches”, disait notre ami Paul Chatenoud, aujourd’hui décédé mais ex-propriétaire du B&B légendaire The Green Gate, à Ardara dans le Donegal.

Bientôt ou peut être jamais

Depuis les Accords du Vendredi Saint de 1998 et la fin de la hard border, les deux Irlandes ont bénéficié de fonds de l’Union Européenne, la Peace Money, destinés à les rapprocher. Un peu partout, on a reconstruit des routes et des infrastructures trans-frontalières, des stades ou encore des centres culturels où se retrouvent les habitants des deux bords. Depuis le Narrow Water Castle, on aperçoit une tour ronde médiévale de l’autre côté de la rivière. Et bien c’est à cet emplacement qu’est prévu depuis quelques années un pont entre les deux rives. Le projet traîne un peu en longueur. Apparemment, c’est du côté Nord que ça bloque.  

Gloire locale

King John et John de la Garda

Pour la petite histoire, c’est un charmant officier de la Garda, John, qui nous a conseillés de passer par Carlingford, pour notre plus grand plaisir. Sans lui, nous serions passés à côté de cette jolie ville médiévale et de son château datant du début du XIIe siècle, le King John’s Castle – un autre John, aussi surnommé Lord of Ireland ! –

Les phrases qui tuent

Dundalk, ex « El Paso » et un tantinet cafardeuse, un dimanche matin – © Elisabeth Blanchet

C’est pendant la guerre civile que Dundalk a acquis son surnom quelque peu péjoratif d’ “El Paso”. La ville frontalière n’avait pas bonne réputation. On en parlait comme d’une “zone de non droit, remplie de bandits”, de “Dead Man’s Gulch” – autrement dit une sorte de “ravin de la mort”…  Pas de chance pour Dundalk, la réputation de la ville ne s’est pas améliorée pendant les années du Celtic Tiger puisque the Lonely Planet ne s’est pas gêné pour qualifier la ville de “dure, cafardeuse et sans charme”. Raison de plus pour y aller !

La petite berceuse du coin

Edgar Bradley, chanteur de berceuses – © Elisabeth Blanchet

Pour se remettre d’El Paso, rien de tel qu’une berceuse, chantée par Edgar Bradley, un charmant client du Pub The Millvale Arms, à Bessbrook, près de Newry, côté Irlande du Nord, où Républicains et Unionistes se côtoient pour boire des coups. 

 

Pour ou contre une frontière dure

Contre en très grande majorité

Traverser la frontière

Les points de passage entre nord et sud sont légion dans le secteur. Le N°1 (54.1121, -6.29211) a évidemment quelque chose de symbolique, c’est le premier de la frontière, le plus oriental. Et l’endroit est beau ! La petite cabane qu’on y voit est sans doute un reste de poste frontière restauré il y a peu (Google StreetView le montre en ruine quelques années auparavant) et, par delà le fleuve, la vue sur le Narrow Water Castle qui gardait l’accès aux terres en amont a quelque chose de magique. Sur l’autoroute reliant Dundalk à Newry, c’est un véritable festival. Entre les points 7 et 11, vous traverserez la frontière au moins trois fois en moins d’un kilomètre. Gardez l’oeil sur votre GPS pour ne pas manquer les traversées !  


Dundalk / Newry, le « El Paso » irlandais | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Elisabeth Blanchet
Ancienne prof de maths, je me suis reconvertie dans le photo journalisme en 2003 à Londres où je vivais. J’ai travaillé pour différents magazines dont Time Out London et j’ai développé des projets à longs termes dont un sujet les préfabriqués d’après-guerre, une véritable obsession qui perdure, les Irish Travellers -nomades Irlandais- dans le monde, les orphelins de Ceausescu - je suis des jeunes qui ont grandi dans les orphelinats du dictateur depuis 25 ans -. Je voyage beaucoup et j’adore raconter des histoires en photo, avec des mots, en filmant, en enregistrant… Des histoires de lieux, de découvertes mais surtout de gens. Destinations de cœur : Royaume-Uni, Irlande, Laponie, Russie, Etats-Unis, Balkans, Irlande, Lewis & Harris Coup de cœur tourisme responsable : Caravan, le Tiny House Hotel de Portland, Oregon – Mon livre de voyage : L’Usage du Monde de Nicolas Bouvier – Le livre que je ne prends jamais en voyage : L’oeuvre complète de Proust à cause du poids – Une petite phrase qui parle à mon cœur de voyageur : « Home is where you park it »
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