#TourismeDurable
Slow Tourisme Catalogne

2e opus des « Têtes Chercheuses » d’Occitanie : « Tourisme et approche territoriale du développement »

| Publié le 22 mars 2021
             

Gouvernance, co-construction, indicateurs, mesures des impacts, renversement marketing, animation du territoire, habitants, autant de mots clés qui ont ponctué la deuxième édition des Têtes chercheuses d’Occitanie consacrée à « Tourisme et approche territoriale du développement » avec des invités d’univers aussi variés que Marylène Pieyre (IAE Perpignan), Christophe Bouguemari (CRTL Occitanie) et Xavier Feuillant (Isle sur la Sorgue Tourisme).

Animation du territoire et habitants / Occitanie
Val d’Azun © Vincent Fonvieille

La crise, une opportunité pour une nouvelle approche du tourisme ?

Comment les territoires peuvent-ils se saisir de la crise afin qu’elle ne soit pas uniquement subie mais aussi une opportunité pour une nouvelle approche du tourisme ? Telle était l’une des interrogations dont s’est saisie Marylène Pieyre, enseignante en économie à l’IAE de Perpignan (antenne de Mende), pour dresser quelques éléments de contextes et rappeler combien la Covid a aussi pointé les éléments structurants et déstructurants du tourisme que les territoires devront avoir à l’esprit pour (re)questionner leurs pratiques. Marylène Pieyre : « Il va falloir interroger les effets positifs et négatifs du tourisme pour mieux les mesurer, sonder différentes destinations car nous n’avons pas tous les mêmes priorités. » Et de fait, entre ceux qui accueillent des millions de visiteurs à l’année et d’autres qui au contraire cherchent à attirer plus de monde, les questionnements sont très divers même si une réalité s’impose de plus en plus, celle d’associer un maximum d’acteurs à la réflexion. Ainsi, habitants, offices de tourisme, gestionnaires de destination, agriculteurs, industriels (…) sont de plus en plus nombreux à être conviés autour de la table pour tenter de « créer un récit commun ». Marylène Pieyre : « Il va aussi falloir revenir sur notre définition du tourisme, repenser le rapport au temps, à l’espace, à soi, aux autres, pourquoi on a besoin  ou non de partir en vacances (…). »

Quelles attentes, quels enjeux pour co-construire et développer territorialement une économie touristique ?

Responsable Animation du Réseau des Offices de Tourisme CRTL Occitanie, Christophe Bouguemari a été, avec Pierre Torrente (Isthia), à l’origine des Têtes Chercheuses, dans une volonté de réflexion posée face aux nombreux enjeux du moment. De fait, entre tourisme bashing, crises en cascade, évolution du métier avec la loi NOTRe (…), le tourisme n’a cessé d’être chahuté et nécessite de nouvelles lunettes pour des lendemains à réinventer. Christophe Bouguemari : « Comment réfléchit-on aujourd’hui à une nouvelle gouvernance à l’échelle de nos territoires ? Comment poser ce nouveau cadre ? Ou se situe l’attractivité quand on sait que des producteurs agricoles, des artistes, des entreprises, des évènements sportifs sont aussi des acteurs de cette attractivité ? » Cette complexité de la dynamique touristique, Christophe Bouguemari   l’illustre par quelques enquêtes récentes qui ont montré combien le rôle des offices de tourisme a changé ; 64% de ce derniers se voyant évoluer vers des pôles d’animation ou des missions d’agences d’attractivité. « On est passé de qu’est-ce que les clients veulent acheter sur un territoire à qu’est-ce que la communauté veut proposer et partager*. »  L’idée est donc de co-construire une stratégie de territoire « ancrée dans le sens », en prenant le temps, en mettant au point de nouveaux indicateurs, des outils d’analyse revus et corrigés, avec en ligne de mire ce changement de paradigme que l’évolution de la situation impose.

L’Isle-sur-la-Sorgue, un projet de territoire au service du collectif

A l’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), cette démarche partagée qui lie tout un territoire à son identité « touristique » est déjà effective depuis quelques années avec un véritable renversement marketing orchestré par l’office de tourisme local sous la houlette de son directeur, Xavier Feuillant. L’idée, créer un nouveau modèle qui prenne en compte l’ensemble des acteurs et pas uniquement les professionnels du tourisme là où l’ensemble de la région vit effectivement du  tourisme (30%) mais aussi à part égale de l’agriculture et de l’industrie. Xavier Feuillant : « Nous sommes sur un territoire attractif. Toutefois les fortes concentrations de touristes sur juillet/août nous ont fait réfléchir. Alors, on a pris le problème à l’envers et on a travaillé sur notre identité et nos valeurs, un énorme travail d’étude en amont qui a fait ressortir des notions intangibles telles que le bien-être, le plaisir de vivre, des valeurs jamais exprimées par les indicateurs commerciaux. »  

Ce travail de fond a permis de dresser une carte d’identité du territoire en prenant en compte tous ses secteurs clés et a conclu qu’il n’était pas indiqué de communiquer pour faire venir plus de monde mais qu’au contraire, mieux valait étaler la saison et les activités sur toute l’année. Ainsi, la Foire des Antiquaires (100 000 personnes en trois jours) a été déplacée à la Toussaint, les loueurs de canoë ont été convaincu de baisser leur volume de fréquentation sur l’été pour laisser vivre la rivière autrement, l’office de tourisme entièrement restructuré en pole d’attractivité, une marque créé, un label d’excellence, une fondation imaginée pour impulser des projets locaux gagnants gagnants avec les industriels du coin, une véritable petite révolution qui a mis tout le monde autour de la table afin de repenser entièrement le tourisme et le territoire. Xavier Feuillant : « Evidemment, il a fallu négocier, créer des accords. On a signé une charte globale. Mais on a renforcé notre attractivité. Aujourd’hui, on a toujours autant de monde mais au lieu de d’une saison de quatre mois, elle est étalée sur dix à douze, et les poissons reviennent dans la rivière… »

L’Isle-sur-la-Sorgue, un projet inspirant à modéliser ?

Si l’Isle-sur-la-Sorgue s’avère être un exemple particulièrement inspirant de gouvernance territoriale, il reste compliqué à dupliquer in extenso tant chaque territoire garde ses spécificités et ses attentes. Quand certains cherchent à atténuer les flux estivaux (exemple récent de la politique de démarketing des calanques de Marseille), d’autres souhaiteraient trouver de nouveaux visiteurs, ou cherchent de nouvelles synergie pour un développement touristique plus partagé.  Quoi qu’il en soit, il semble évident que de nombreuses régions ont aujourd’hui saisi que la dimension touristique pure ne suffit plus pour animer un territoire, et combien la richesse du tourisme réside plus que jamais dans sa transversalité. Proposer d’allier les forces et les atouts que représentent des producteurs locaux reconnus, un évènement phare, une personnalité atypique, un site industriel (…) sont d’autant plus pertinents que les visiteurs en redemandent, avides d’aller bien au-delà du simple patrimoine culturel ou naturel, pour appréhender plus globalement tout ce qui fait la réalité d’un territoire.

Il reste que l’animation de territoire est aussi un travail de longue haleine, en écho à l’interrogation de Marylène Pieyre sur les façons de s’assurer que cette valeur partagée vive dans la durée. A l’Isle-sur-la-Sorgue, le choix s’est porté sur un comité directeur avec des réunions bi-annuelles rassemblant un panel d’acteurs très divers (élus, professionnels, industriels, etc.) afin de mesurer si les objectifs fixés ont été atteint, aussi pour retravailler la qualité, de nouveaux projets à l’image d’une démarche engagée pour devenir un prochain « Grand Site de France ». En Occitanie, on s’interroge tout autant sur de nouveaux modèles porteurs de valeurs et de sens. L’ensemble de la région est mobilisée depuis plus d’une année sur l’envie d’aller vers un tourisme plus durable, plus proche des habitants, l’envie aussi de travailler à l’échelle de tout un territoire en allant chercher une diversité maximum d’acteurs et d’intervenants. Christophe Bouguemari : « Il est intéressant de voir qu’il y a ce besoin de partager de façon collective. Certes, en Occitanie, nous avons tout un tas de profils de territoires et ce serait en l’état impossible à modéliser mais nous avons un champ, un temps à saisir, et cette période plus contrainte doit aussi nous permettre de repenser notre tourisme. »

————- Aller plus loin ————

Les Têtes Chercheuses vous donnent rendez-vous le 1er avril prochain à 16h pour un nouveau webinaire sur Le développement durable pour un tourisme en transition

Voir : Pro.tourisme-occitanie.fr

* D’après une enquête menée par la région des Flandres.


2e opus des « Têtes Chercheuses » d’Occitanie : « Tourisme et approche territoriale du développement » | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
Facebook

Partagez cet article

Une autre façon de soutenir Voyageons-autrement, média indépendant, gratuit et sans Pub c'est aussi de partager cet article. Merci d'avance 😉

   

Découvrez nos abonnements

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Informations utiles pour voyager

« On veut un observatoire ! » Et si on poussait l’idée d’un observatoire national et durable du tourisme en France (pour arrêter de fantasmer notre place de N°1 mondial du tourisme !) ~ par Jerome Bourgine...

Du biomimétisme à un tourisme régénératif, échange avec Bertrand Monfort. Peut-on imaginer une activité touristique pour et par le vivant qui intègre la complexité d’un secteur où les enjeux sont multiples...

2021 : Année européenne du rail ! Reconnu comme le transport motorisé le moins polluant, le train sera à l’honneur tout au long de cette année. ~ par Romain Vallon...

A Montpellier, la plage du « Petit Travers » est devenue un cas d’école dans la gestion d’un littoral surfréquenté ! A l’heure où les plages reculent, où le littoral s’essouffle et où certains sites...

Les indispensables pour une Randonnée Éco-responsable Découvrez notre guide complet sur les indispensables pour une randonnée éco-responsable. Apprenez à vous préparer de manière durable et respectueuse de l'environnement,...

Lauréats 2018 des Trophées du Tourisme Accessible Les 4èmes trophées du tourisme accessible ont été remis lors du salon Autonomic. Mis en œuvre et organisés par l’Association Tourisme & Handicaps (ATH), sous...

DANS LE DOSSIER VOYAGEONS-AUTREMENT :
Les « Têtes Chercheuses » échanges et regards croisés entre professionnels du tourisme, experts et universitaires

carte de toutes les partenaires de voyageons-autrement voir la carte
L'actu en continu
Les catalogues Voyagiste