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Troisième édition des « Têtes chercheuses d’Occitanie » : Le développement durable pour un tourisme en transition

| Publié le 7 avril 2021
Thèmatique :  Ingénierie   Initiative régionale   Innovation   Institutionnel 
             

Déterminée à explorer le maximum de points clés pour interroger un secteur touristique en pleine mutation, l’Occitanie et ses Têtes Chercheuses avait centré ce troisième wébinaire sur le développement durable pour un tourisme en transition, une dynamique d’ores et déjà menée tambour battant par une région fortement engagée dont Sophie Pirkin (CRTL Occitanie) a rappelé le cadre et les nombreux objectifs. Bernard Schéou (Cresem/Université Perpignan) est ensuite intervenu pour apporter son regard de chercheur en illustrant les deux enjeux forts que sont l’hospitalité et le tourisme équitable. Enfin, Stéphane Vitse (Trencalli) a partagé son expérience de terrain pour donner un exemple concret d’une initiative solidaire, authentique et engagée au cœur du territoire.

Les berges de la Têt à Perpignan dans les Pyrénées-Orientales
Les berges de la Bassa à Perpignan © Dominique VIET – CRTL Occitanie

En Occitanie, le tourisme en transition passera forcément par le durable !

Est-il encore besoin d’écrire que le monde change, que le Covid a certes rebattu les cartes mais que les grands défis de demain sont sous nos yeux depuis des années déjà. Peut-être est-ce aussi plus audible à présent que les consommateurs citoyens s’en emparent chaque jour un peu plus. Flygskam, Affaire du Siècle, Manifeste pour le Climat, mobilisation des scientifiques pour la planète, les exemples ne manquent pas. Chargée de mission Tourisme Durable pour le Comité Régional du Tourisme et des Loisirs Occitanie, Sophie Pirkin a clairement exposé combien la région a pris la mesure de ces enjeux. Afin d’illustrer la volonté de tout un secteur de s’engager pour le durable, elle est revenue sur les nombreux défis d’un territoire attractif où le tourisme a (aura) forcément un effet impactant sur l’environnement et ses habitants mais qui a su les préserver jusque là. Sophie Pirkin « En Occitanie, mis à part quelques points de saturation, le territoire est encore relativement préservé. Un habitant sur deux passe ses vacances en Occitanie ; 58% des habitants pensent que le tourisme améliore leur qualité de vie et 94% se considèrent des ambassadeurs de leur destination. »

Et parce qu’il faut accompagner cette transition et aider l’ensemble d’un secteur à réaliser sa mue, la région a mesuré les attentes et réalisé un vaste plan d’action collaboratif matérialisé en 33 fiches actions et dix défis qui prend en compte l’engagement de tous les acteurs. Les sujets sont évidemment  très variés : acceptabilité des habitants, qualité de la consommation touristique, transformation de l’offre en manque de capacité financière, développement des marchés de proximité, meilleure répartition des flux de visiteurs, mobilité durable, accès des tous les publics à l’offre vacances, etc. Sophie Pirkin : « On est passé du tourisme au voyages qui font grandir en identifiant les valeurs liées à notre région. Nous avons aussi fait tout un travail sur les clientèles de proximité avec la carte Occ’ygène. » Sur le front de la mobilité, la région a vendu en 2020 près d’1,5 millions  de billets à 1 € pour faire découvrir l’Occitanie autrement qu’en voiture. Elle travaille aussi sur l’inter-modalité, a développé un centre de ressources en ligne, un guide des labels, autant d’initiatives qui visent à accompagner cette transition. Sophie Pirkin : « Plus de 80% des acteurs souhaitent s’engager mais seulement 20% ont entamé une démarche. On leur a demandé leur priorité pour les accompagner et ainsi mis en place le plan d’action et les dix défis ».

La Grande Motte vue du ciel, photo prise par C.Baudot
La Grande Motte vue du ciel © C.Baudot

Equitable, hospitalier, et si le tourisme misait sur de nouvelles formes de sociabilité ?

Arrêter de courir, renouer avec la coopération, la mutualisation, rompre avec les classements, l’avidité consommatrice, inventer de nouveaux modèles de solidarité, réapprendre à écouter la terre, nos corps, nos pensées, nos proches, être ancré, sentir que nous sommes terrestres, autant de messages, d’élans que Bernard Schéou, Docteur en Sciences Economiques, enseignant-chercheur (Cresem /Université de Perpignan Via Domitia) souhaitait aussi insuffler au débat. Parce qu’on le sait, on l’écrit, on le dit souvent, le tourisme est transversal, il touche à toutes les dimensions de l’homme et de la société. Alors quand Bernard Schéou nous parle de l’hospitalité qu’il pratique depuis des années en recevant régulièrement chez lui des voyageurs du monde entier, cela fait forcément écho, et cela montre aussi une tendance qui s’affirme, à l’heure où le couchsurfing rassemble plus de 14 millions de membres dans le monde. C’est le plus vaste réseau d’une lame de fond qui permet de voyager avec « cet enthousiasme contagieux où l’on a la conviction de participer à quelque chose d’essentiel ». L’hospitalité dans les mots de Bernard Schéou, c’est à la fois la qualité des rencontres, une forme d’intimité immédiate et naturelle qui se crée avec des personnes de mondes et cultures différentes, mais aussi un sentiment de confiance en autrui qui vient renverser les travers d’un monde où la défiance est de plus en plus la norme. « On a la sensation d’être lié aux personnes du monde entier ». Et de pointer aussi cette volonté ne pas voyager comme des touristes, d’avoir accès à ce qui leur échappe, ce monde de l’accueillant, ses habitudes, tout un ensemble qui contribue à un enrichissement social, à la création de liens affectifs, qui permet d’augmenter la confiance en soi, envers autrui, et sa tolérance aux autres.

Promenade à cheval sur la plage, photo prise par Olivier Maynard à la Grande Motte (Hérault)
Promenade à cheval sur la plage © Olivier Maynard

Très investi professionnellement et personnellement, Bernard Schéou mène également toute une réflexion sur ce besoin de retrouver un triple équilibre avec soi (écologie intérieure), les autres (travailler avec eux et pour eux) et la terre (écologie). En ce sens, il évoque l’ATES également ancré sur trois piliers, la solidarité internationale, le commerce équitable, et l’économie sociale et solidaire, association qu’il a rejointe en ce qu’elle prône le tourisme équitable et solidaire et envisage le tourisme comme un moyen de rencontrer les habitants tout en favorisant le développement des destinations. « Ce qui devrait toujours être premier dans l’activité touristique c’est la relation, le lien social. » En outre, si l’ATES s’est dans un premier temps développé autour de la solidarité Nord/Sud, elle a depuis quelques années recentré une grande partie de son activité vers la France avec près de 10% des séjours des membres en ce sens et un label France qui est venu il y a un an et demi compléter le label initial. Il cite enfin l’expérimentation en cours avec la Bretagne et l’Ademe, qui va permettre d’accompagner une dizaine de producteurs de séjours bretons vers le label ATES d’ici le mois juin.

Une initiative incarnée : Les gîtes et cabanes de Trencalli

Et pour ne pas oublier que le développement d’un tourisme équitable, solidaire, authentique, passe forcément par l’investissement d’acteurs de terrain passionnés, l’exemple de Stéphane et Morgane Vitse (Trencalli) a permis d’illustrer combien l’activité touristique peut aussi être un choix de vie. Stéphane Vitse : « Tout est parti de l’envie de rompre avec mon ancienne vie de contrôleur de gestion et de retourner à mes passions avec un projet de gite équestre qui a progressivement évolué. » Il y a vingt ans, Stéphane et Morgane Vitse achètent une ferme dans la région de Madiran. A la base, ils souhaitent développer les randonnées à cheval mais le projet évolue, se tourne vers l’activité agricole avec l’achat d’une centaine de vaches Jersey, un élevage de daims et de cerfs, la fabrication de beurre, de fromage. Très vite, la petite exploitation se dote de gites avec l’envie de faire vivre une expérience de déconnection très engagée. Stéphane : « Au départ, notre conception était très écolo, avec des hébergement au confort spartiate, sans eau, sans électricité… mais notre concept a peu à peu évolué avec plus de confort. Les gens veulent des vacances au calme mais souhaite également être à l’aise. »

Chateau de Castelnau Loubressac, photo prise par Dominique VIET - CRT Occitanie
Chateau de Castelnau-Prudhomat à Bretenoux © Dominique VIET – CRTL Occitanie

C’est ainsi que peu à peu, la ferme développe des hébergements insolites, des cabanes en bois perchées en pleine nature avec le moins d’impact possible sur l’environnement. L’objectif est de faire découvrir la faune sauvage et la nature aux hôtes avec l’idée de les déconnecter du monde citadin et de partager des valeurs. « On partage nos convictions, nos modes de vie, la traite des vaches, la fenaison, la fabrication du fromage. On fait en sorte que les personnes soient un peu comme chez eux et partagent notre vie. » Dans cette volonté d’accueil, la ferme multiplie les activités sur place, deux grandes tyroliennes sont installées, on peut aussi pratiquer le tir à l’arc, faire du canoë, rendre visite aux animaux… « Il faut aussi sensibiliser les adolescents et les jeunes toujours sur leur console qui ont du mal à se déconnecter, leur apprendre à appréhender autrement la nature. En ce sens nous sommes aussi une ferme pédagogique, on reçoit beaucoup d’écoles. » Contacté par Vaovert, Greengo, Oh La Vache, le concept plait et intéresse autant les start-up que les locaux et les associations qui viennent s’imprégner de l’expérience de Stéphane et Morgane. « On propose aussi  des séjours sous forme de stages, des produits locaux, nous sommes en réseau avec des associations pour faire vivre les habitants du cru. »

Une aventure humaine où le travail et les heures ne sont pas comptés mais qui permet à la fois de sensibiliser les locaux et scolaires mais aussi d’offrir aux visiteurs de passage une formidable expérience. « Les gens vont vraiment s’intégrer à la vie de la ferme. On essaie de les sensibiliser au développement durable. Quand ils repartent heureux, cela n’a pas de prix. » Durabilité, hospitalité, équité, solidarité, passion, et un élan contagieux pour inspirer toute une région et ses acteurs. « Ce que font Morgane et Stéphane est exemplaire » commente Bernard Schéou, qui rappelle combien l’expérience touristique ne doit pas oublier le ressenti du corps, la relation à la terre, « ces expériences à taille humaine permettent de faire passer une expérience aux visiteurs » souligne aussi Sophie Pirkin. On se retrouve là vraiment dans le meilleur de soi, loin des courses, loin des compétitions, loin des classements de toute sorte. Morale de l’histoire… et petit clin d’oeil à ceux qui ont écouté le wébinaire (et pourront le réécouter !) : A quoi donc être le meilleur si c’est pour vivre loin de soi même ;-)….

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Prochain Webinaire des Têtes Chercheuses : Le 6 mai prochain :

« Nouveaux métiers ; Nouvelles formations »

– Gîtes et Cabanes de Trencalli

http://www.trencalli.fr/


Troisième édition des « Têtes chercheuses d’Occitanie » : Le développement durable pour un tourisme en transition | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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