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La plongée écovolontaire se penche sur le cas des dauphins de Rangiroa

| Publié le 29 janvier 2018
Thèmatique :  Acteur associatif   Portrait 
             

Au milieu du Pacifique Sud, Rangiroa est le plus grand atoll de Polynésie française et la première destination touristique de l’archipel des Tuamotu. Au Nord de l’atoll, la zone de Tiputa est un lieu unique d’observation du grand dauphin (Tursiops truncatus). Aujourd’hui, près de 200 plongeurs par jour se donnent l’illusion d’un rapport privilégié avec ces animaux sauvages et transforment sans le savoir leur comportement naturel. Sur place, le Groupe d’Étude des Mammifères Marins (G.E.M.M.) tente de mieux comprendre ce phénomène inhabituel. Rencontre avec Pamela Carzon, chef de mission au G.E.M.M.

GEMM -Polynésie française

Pamela Carzon, naturaliste passionnée par la vie marine, crée en 2009 le Groupe d’Étude des Mammifères Marins (G.E.M.M.) autour d’une campagne annuelle d’observation des interactions entre plongeurs et dauphins à Rangiroa. En 2017, la jeune biologiste marin produit la toute première étude à long-terme sur une population de grands dauphins dans les eaux polynésiennes. Elle organise avec son équipe des séjours d’écovolontariat pour aider à la connaissance et à la conservation de cette fragile communauté d’animaux sauvages.

Bien qu’en exploration sur un voilier aux Marquises, Pamela Carzon a pris le temps de nous répondre.

Pamela Carzon - GEMM

VA : Pouvez-vous nous présenter le G.E.M.M. en quelques mots ?

PC : Notre équipe se compose essentiellement d’un réseau amical de navigateurs, biologistes, naturalistes, photographes, réalisateurs, hommes et femmes plus ou moins ordinaires réunis par leur passion de la vie sauvage. Le G.E.M.M. travaille depuis 2009 à une meilleure connaissance des mammifères marins de Polynésie française, l’objectif étant la conservation de la vingtaine d’espèces de dauphins et de baleines qui fréquentent nos archipels.

VA : Quels sont les atouts majeurs de la destination ? Et les menaces ?

PC : La Polynésie reste l’une des dernières frontières du monde sauvage et l’un des nombrils de l’océan mondial. Les paysages y sont somptueux et quasi-intacts, l’impact des communautés humaines demeure faible mais de sérieuses menaces pèsent néanmoins sur sa biodiversité :

  • La pollution, bien sûr, bien qu’essentiellement limitée aux zones de forte densité humaine.
  • La colonisation humaine progressive des zones les plus fragiles.
  • Le manque de réserves de faune, de dimension nationale ou internationale.

Des pressions importantes pour mettre en exploitation, très rapidement et quel qu’en soit le prix écologique, toutes les ressources disponibles à travers notamment le développement anarchique d’un tourisme animalier honteusement qualifié d’écotourisme. Ce dernier, en plein essor, est essentiellement basé sur le sensationnel (shark-feeding, ray-feeding, whale-watching et dolphin-watch intrusifs) et ignore la plupart du temps les réalités du monde sauvage.

VA : Est-ce que le tourisme polynésien, et plus particulièrement à Tiputa, évolue vers une forme plus responsable ?

PC : Malheureusement non. La situation est catastrophique : on assiste à une ruée économique vers le sauvage, récupérée par l’intérêt privé. Il existe trop d’intérêts économiques, politiques et idéologiques liés à beaucoup d’immobilisme et d’ignorance empêchant la plupart des réflexions et des initiatives efficaces.

Quels sont les grands axes de vos missions et engagements ?

PC : Nous concentrons nos efforts sur deux axes : la recherche scientifique, en travaillant notamment sur l’impact des activités de tourisme animalier sur les populations de mammifères marins sauvages et leur conservation à travers des actions et des séjours de sensibilisation.

VA : Pouvez-vous nous en dire plus sur les expéditions d’éco-volontariat Céta’Plongée et Céta’Vigie ?

PC : Notre travail sur les grands dauphins de Rangiroa se focalise sur les modifications comportementales et risques liés aux interactions rapprochées entre dauphins et plongeurs sous-marin sur la zone de Tiputa. Nous menons également une réflexion globale sur la relation entre l’homme et l’animal sauvage et les dérives du tourisme animalier. Notre travail sur les baleines à bosse nous permet de recenser les individus présents autour de l’île de Makatea et de tester une approche et une observation non-impactantes des animaux ou groupes d’animaux, notamment des couples mère-baleineau, particulièrement vulnérables.

VA : Qu’est-ce qui, dans le témoignage des voyageurs, revient le plus souvent en matière d’émerveillement ?

PC : Nous ne cherchons pas à émerveiller mais plutôt à éduquer. L’émerveillement est pour nous une affaire liée à chacun, en fonction de son éducation et de son imagination. Les animaux sur lesquels nous travaillons, le partage de nos connaissances et l’implication des participants dans la reconnaissance individuelle des dauphins que nous suivons depuis près de 10 ans, le dépaysement lié à un archipel aussi extrême que celui des Tuamotu et la gentillesse des habitants de Makatea font néanmoins partie des points marquants de nos missions et expéditions. Les voyageurs sont souvent surpris d’apprendre autant de choses sur les animaux et de trouver réponse à leurs nombreuses questions ; ils repartent généralement avec une vision nouvelle du monde sauvage. Le G.E.M.M. leur apporte cette connaissance basée sur le réel ainsi qu’une tentative de découverte rationnelle du monde mental de l’animal.

VA : Vous personnellement, qu’est-ce qui vous touche le plus dans l’aventure du G.E.M.M. ?

PC : L’aventure du G.E.M.M., c’est avant tout une réflexion de terrain sur notre rapport au monde sauvage. L’évidence de ce qui rend l’être humain supérieur ou simplement différent s’amenuise avec les progrès de la science. Le développement de notre cerveau est directement dépendant de notre expérience sensorielle. Or chaque espèce a développé une panoplie de sens adaptés à son environnement et donc une perception du monde dont la finalité est sa survie. Nos cerveaux et nos environnements n’étant pas construits de la même façon, il est impossible pour nous d’appréhender la vision du monde ou les besoins d’une baleine, d’un dauphin ou de toute autre espèce animale. Nous pouvons cependant initier un effort de connaissance de l’univers mental de chacune de ces espèces, à condition de le faire de manière très rigoureuse et en toute humilité. Pas évident lorsque l’on travaille avec un animal aussi emblématique et connoté que le grand dauphin, victime de son pseudo « sourire » ! Ces différences fondamentales sont en réalité une chance à saisir. Elles constituent de fait un nouveau continent, une immense source d’explorations, de connaissance et de changement. Nous avons nommé ces autres univers la « bioaltérité »…

Plus d’infos sur le GEMM : www.gemmpacific.org

Page Facebook : https://www.facebook.com/groups/140800299662531


La plongée écovolontaire se penche sur le cas des dauphins de Rangiroa | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Sophie Squillace

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