Au Botswana, les Bushmen ne sont pas du voyage
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Au Botswana, en Afrique australe, l’ethnie des Bushmen a été chassée de son territoire ancestral par les autorités. L’ONG Survival se bat à leurs côtés pour retrouver leurs droits et propose un boycott du tourisme dans le pays.
Ils ne sont pas forcément nombreux, mais comme beaucoup de peuples nomades, les Bushmen du Botswana dérangent. Voilà des années que cette communauté se bat pour le respect de ses droits et bien que la justice lui ait donné raison à plusieurs reprises, les choses continuent de se dégrader au Botswana pour ce peuple (également appelé Bochimans ou San dans leur langue) très ancien de l’Afrique australe, qui compterait aujourd’hui quelque 100 000 individus répartis dans plusieurs pays.
Dans le même temps, c’est-à-dire depuis des années, le ministère du tourisme du Botswana fait la promotion de safaris d’exception au Kalahari central, réserve de fauve parmi les plus importantes au monde – mais, détail non négligeable, territoire attribué aux Bushmen en 1961. Malheureusement pour ceux-ci, en 1997, le gouvernement les expulse manu militari et leur construit des villages à l’extérieur de la réserve. Raisons officielles : offrir à cette population un niveau de vie plus décent, mieux équipé en écoles et en centres de santé, et préserver la faune et l’écosystème de la réserve. Mais l’ONG Survival, qui se consacre à la protection des peuples indigènes, avance que ce déménagement forcé est plutôt dû à la présence de diamants dans cette région du Kalahari central grande comme le Danemark, où plusieurs mines sont en effet exploitées, notamment par le diamantaire Gem Diamonds. En 2002, des Bushmen qui étaient restés dans la réserve ont à nouveau été invités à partir, avec des arguments musclés tels que la destruction de leurs pompes à eau, et l’interdiction de chasser.
Déracinés, les Bushmen ont décrit en janvier dernier à un reporter de BBC News une vie d’alcool et de misère coupée de leur milieu, un destin nouveau d’éleveurs de vaches alors qu’ils continuent de se vivre comme des chasseurs cueilleurs. Ce n’est pas faute d’avoir lutté et combattu : en 2006, un tribunal botswanais leur donne raison et conclut à l’illégalité de leur expulsion de la réserve et à leur droit de chasser. Faute d’accès à l’eau, les Bushmen ne peuvent toutefois pas envisager de se réinstaller durablement sur ces terres, et ils intentent un nouveau procès, qu’ils finiront par gagner en appel en 2011, dans un jugement qui condamne le « traitement dégradant » réservé à cette ethnie. Mais à la bataille de l’eau succède désormais celle de la chasse, bannie par le gouvernement botswanais sur tout le territoire.
Des touristes bien lotis
Cette impasse a même fini par alerter le Département d’Etat américain qui, dans un rapport sur les droits humains au Botswana, s’inquiète lde a marginalisation des Bushmen et de leur impossibilité d’accéder à leur territoire traditionnel. De son côté, Survival international poursuit depuis septembre 2013 une campagne à destination des opérateurs touristiques actifs sur le Botswana, appelant ces professionnels à partager son indignation et à boycotter la destination afin de faire pression sur le gouvernement. « Le boycott est l’un des rares outils dont dispose l’opinion publique pour exprimer son point de vue sur les agissements des gouvernements dans le monde », explique Survival. En 2007, suite à une précédente campagne de Survival, le groupe diamantaire De Beers avait lâché l’éponge et revendu un gisement dans la réserve.
Côté tourisme, le gouvernement du Botswana ne semble pas à une contradiction près. Exemple, malgré l’interdiction de chasser, et bien que le président Seretse Ian Khama ait participé à Londres en février à un sommet de lutte contre le braconnage, le pays accueille depuis des années des chasses au trophée abondamment rémunérées par des clients étrangers. En janvier dernier, M.Khama a annoncé vouloir mettre fin à ces pratiques. Les Bushmen sont néanmoins depuis longtemps considérés, eux, comme des braconniers alors qu’ils chassent à la lance et pour leur subsistance et non à l’arme à feu et pour le plaisir. Autre exemple, celui de l’accès à l’eau. Tandis que le gouvernement a restreint l’accès à l’eau dans la réserve pour les Bushmen (qui ne peuvent se rendre dans la réserve qu’à titre temporaire d’un mois, sur délivrance d’un permis), des lodges confortables pour les touristes de safari se dotent de piscines.
Suite à la campagne de Survival, fustigée par le ministre botswanais du tourisme qui reproche à l’ONG de « chercher des fonds en faisant du bruit« , trois agences britanniques de tourisme se sont engagées à boycotter la destination (Travelpickr, Horizonte Paralelo et Annie Bulmer Travel). En France, contactées par mail et par courrier, « aucune réponse n’a été donnée », indique le bureau parisien de Survival.
Vu de Paris, le Botswana est loin et ne compte pas parmi les destinations les plus courues. C’est un voyage coûteux et tourné vers le safari, « pas sur la rencontre avec des populations qui, de toute façon, ne vivent pas dans les zones où se déplacent nos groupes, sauf exception lorsque des Bushmen travaillent dans les lodges », commente Isabelle Rollet, de l’agence Pur Botswana. « Nous avons entendu parler de ces problèmes mais nous avons peut-être 50 touristes par an sur cette destination, c’est peu. Malheureusement, les déplacements de populations sont fréquents dans beaucoup de pays ».
Un avis prudemment défaitiste que partagent, en partie, d’autres voyagistes. Catherine Payen, de l’agence Makila Voyages, déplore que « les populations nomades du monde entier soient maltraitées. De ce point de vue, le Botswana ne me semble pas le pire des pays. Il est vrai que les Bushmen n’ont pas le même statut et qu’il y a des problèmes. Mais le Botswana est quand même un pays démocratique, cela reste une exception en Afrique. S’il y avait moins de monde en raison d’un boycott du tourisme, le braconnage augmenterait ».
Chez Nomades Aventures, Fabrice Del Taglia, le directeur de l’agence, est « un peu au courant de ce problème malheureusement ancien ». Dans les années 90, le partenaire local de l’agence a milité dans une ONG pour que le statut des Bushmen change, « avec quelques petites avancées ». Mais l’agence se refuse à prendre une position officielle : d’une part parce que le Bostwana est avant tout une zone de safari animalier où les touristes ne sont pas envoyés dans les zones où vivent les Bushmen. Et aussi, conclut Fabrice Del Taglia, parce que « la présence de voyageurs étrangers peut constituer une sensibilisation, voire une pression souvent plus efficace qu’un boycott ».
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