Saïd Marghadi : la clé des montagnes berbères
Saïd a coutume de dire que sa vie a été guidée par des rencontres. Et c’est vrai. De rencontres en rencontres, ce fils berbère s’est forgé un destin, devenant tour à tour étudiant, guide de haute montagne et créant finalement son ecologde, le tout en jonglant entre France, Maroc et montagnes d’Afrique de l’Est. Rencontre avec un homme sensible et sincère.
VA/ Peux-tu revenir un peu sur ton parcours ?
Je suis issu d’une famille très unie. Quand mon père est parti travailler comme maçon dans le sud de la France (années 1970), nous nous sommes soudés autour de ma mère, déterminés à faire des études. Au sein de mes frères et soeurs, nous sommes quatre à avoir fait des études supérieures. Pour moi, ce fut la biologie, option choisie par mon frère. J’ai ensuite passé le concours de guide de montagne à Tabant (2000). Puis, en 2003, suite à une rencontre avec un stagiaire, et après nombre de démarches et tentatives infructueuses, j’ai finalement réussi à intégrer un l’IUP Sport, Environnement et Loisirs à Grenoble. J’y ai suivi des cours pendant deux ans et depuis 2005, je suis guide de haute montagne pour Allibert. Grâce à mon métier, j’ai découvert l’Ethiopie, le Yemen, le Niger… Enfin, il y a l’aventure de Touda, qui a ouvert en 2010. Aujourd’hui, je partage ma vie entre la France et le Maroc.
Comment est né le projet de Touda et pourquoi avoir choisi le label Clé Verte pour ton ecolodge ?
Le label Clé Verte est originaire des Pays-Bas (Saïd travaille beaucoup avec les Hollandais). J’ai été intéressé par son approche environnementale, notamment sur l’eau, la collecte des déchets, le solaire. En France, se faire labéliser coûte 250 € mais au Maroc, une partie de cette somme est prise en charge par une fondation de la sœur du Roi. Pour être labélisé, j’ai du monter un dossier (à refaire chaque année), et suite à cela, j’ai reçu la visite des responsables du label. Je leur ai expliqué notre démarche. Ici, on trie tout ce qui est possible d’être trié. On fait aussi attention, à l’eau, à l’électricité, avec un équipement adapté, un toit végétal. L’hiver, on se chauffe principalement avec la cheminée et un chauffage d’appoint au gaz. Contrairement à ce que l’on croit, l’écologique n’est pas cher. Toutefois, au-delà des labels, notre démarche est surtout une démarche pensée. Etre estampillé Clé Verte ne m’apportera pas plus de clientèles, en revanche, au niveau personnel, cela m’a permis de voir si notre maison d’hôte pouvait répondre aux contraintes d’un label. C’est une façon de se frotter à la réalité. Mais, dès le départ, j’ai souhaité créer un lieu de rencontres culturels, un endroit où culture et environnement se fondent harmonieusement.
C’est un aussi un projet berbère pour les Berbères ?
Quelque part oui. Je cherche la continuité de notre culture : faire travailler les gens de la vallée, pour qu’ils ne migrent pas ; valoriser les savoir-faire des artisans pour qu’ils ne se perdent pas. A Touda, quatre personnes sont à temps plein entre février et fin octobre (Ahmed, Fatima, Nadeja, Ibrahim). Nous sommes à présent bien acceptés par les gens du village. Ils ont compris que Touda était avant tout une maison communautaire, pas une « usine » à faire du profit. Ils s’y sentent bien, viennent arroser les plantes, profiter du hammam, etc. Il y a beaucoup de gites dans la vallée, j’espère que Touda pourra en inspirer quelques uns, tirer le niveau vers le haut.
Le Printemps arabe a-t-il pénalisé le tourisme marocain ?
Pas énormément, c’est surtout la crise qui a pénalisé le tourisme. Quant au Printemps arabe, la France n’ayant pas d’intérêt particulier à ce que la situation du Maroc évolue, elle n’a pas beaucoup bougé. Certes, Mohammed VI a fait quelques gestes pour donner un peu de lest au pays mais sur le terrain, les choses n’ont pas tellement changé. En 2011, Allibert a eu moins de clients au Maroc mais déjà, pour cette année, les indicateurs sont au vert.
Quels sont tes projets futurs ?
J’aimerais faire venir un vétérinaire pour former les habitants de la vallée aux soins animaliers. Ici, les animaux sont un outil et un gagne-pain quotidien. Une mule peut porter jusqu’à 150 kilos et ce pendant 35 ans. Sur les marchés, elle se négocie autour de 1000 € en moyenne. Il est fondamental de savoir vivre et soigner ces bêtes qui nous entourent. Je pense aussi à installer une éolienne à Touda. Et puis, à terme, créer un autre ecologde dans la vallée des Aït Bowli. Les choses changent. Et j’ai aussi ma vie entre la France et le Maroc. Mon arrière grande père était nomade, alors, je suis un peu nomade dans l’âme.
EN SAVOIR PLUS ——————————————————————————————
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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