En route vers une Uberévolution ?
A moins que vous ayez vécu reclus (mais heureux !) auprès d’une meute de loups sibériens durant ces six derniers mois, vous n’avez pu échapper à la déferlante Uber et à sa très médiatique et débattue apparition sur le sol français… Uber, c’est cette entreprise venue de Californie et qui a peu à peu investi l’Europe, jusqu’à devenir leader d’un nouveau type de service : le taxi entre particuliers. L’arrivée d’Uber en France a fait l’effet d’une bombe, vivement critiquée mais également révélatrice de ce que devient notre société : celle d’un monde où les règles économiques que nous connaissons se fissurent, et où salariat et industrie laissent doucement place à débrouille, économie alternative et auto-entrepreunariat. Et si l’on assistait à une Uberévolution ?
Le cas Uber
Difficile, pour le moment, de savoir quels sont les retentissements réels d’une affaire comme celle d’Uber sur notre économie et notre façon de vivre. Toutefois, beaucoup de personnes se sont posé la question de savoir si cette entreprise n’était pas le début de quelque chose de beaucoup plus gros – une sorte de séisme économique. De plus en plus, nous avons accès à des écrits et des réflexions sur les nouveaux types d’économies alternatives qui se mettent en place un peu partout, et à toutes les échelles – pour le meilleur comme pour le pire. Une économie plus sociale, solidaire et participative, où chacun peut avoir une place, fait son petit bonhomme de chemin : des Repair Cafés, où l’on peut faire réparer son électroménager par des bricoleurs amateurs, aux sites comme Yakasaider, qui permet d’échanger des services entre voisins, il existe aujourd’hui pléthore de possibilités pour « consommer autrement », sans avoir à passer par l’économie dominante et les grandes entreprises.
Le revers de la médaille se trouve dans les limites de ce système : jusqu’où peut-on aller sans porter atteinte aux « vrais » spécialistes, que sont les professionnels ? Le cas d’Uber était probant : comment peut-on s’improviser chauffeur de taxi et arrondir ses fins de mois sans marcher sur les plates-bandes des professionnels du métier, que l’on sait devoir payer une petite fortune pour accéder à une licence ?…
Un Observatoire de l’Uberisation
Toutes ces questions, elles sont aujourd’hui posées et étudiées par un Observatoire de l’Uberisation, tout juste créé par Grégoire Leclercq, dirigeant d’entreprise et président de la Fédération des Auto-Entrepreneurs, et Denis Jacquet, entrepreneur et président de Parrainer la Croissance. Selon ces spécialistes, le cas d’Uber est révélateur d’un séisme à venir, et dont nous ferions mieux de mesurer tout de suite l’ampleur – et de nous y adapter – si nous ne voulons pas être surpris et dépassés. Les deux cofondateurs justifient ainsi la création de cet Observatoire : « Son but est de faire des propositions pour mieux relever les enjeux de demain, en matière sociale, fiscale, juridique et économique. Il s’agit d’observer, analyser et proposer. Sinon le pays subira avec violence ce qu’il pourrait anticiper intelligemment. »
L’Uberisation est liée à l’évolution de notre société : accès aisé et quasi-universel aux nouvelles technologies et au digital, accélération des modes de vie et exigences de services plus rapides, plus pratiques et plus efficaces, et recherche d’indépendance, aussi bien personnelle que professionnelle. « La poly-activité, le travail « par missions », la prestation temporaire ont le vent en poupe : de nombreux pans de l’économie l’expérimentent : nouvelles technologies, secrétariat, conseils techniques et de gestion, monde du spectacle, journalisme, taxis, télévente, services de maintenance et de ménage… Le régime de l’auto-entrepreneur en est l’illustration : il apporte un cadre juridique à ceux qui cherchent un « revenu » plus qu’un salaire. »
Et le tourisme, dans tout ça ?
« Nous proposons une approche sectorielle, explique Grégoire Leclercq. De nombreux domaines professionnels sont touchés, mais chacun de façon différente. Nous nous devons donc d’étudier chaque secteur selon ses spécificités – en cela, celui du tourisme est au cœur du sujet de l’Uberisation, notamment par le biais des transports et des nouvelles technologies. »
Dans le domaine du tourisme, deux modèles s’opposent : la sous-traitance, biais par lequel des particuliers « s’arrangent entre eux », sans passer par un intermédiaire. Qui n’a jamais entendu parler de couchsurfing, ou du récent Airbnb ? Avec ces services d’un nouveau genre, nous pouvons partir à côté de chez nous ou à l’autre bout du monde grâce à d’autres particuliers : une nouvelle économie du tourisme qui privilégie l’échange, l’indépendance et l’opportunité de partager un moment avec des personnes locales, au lieu de rester à l’hôtel. En gros, un modèle touristique qui permet de Voyager-autrement !
A l’opposé, le tourisme d’aujourd’hui fait de plus en plus appel à la sur-traitance, à l’instar de sites internet comme Booking. Leader international dans la réservation d’hôtels, il est devenu un passage obligé (et donc souvent contraint) pour tous les hôteliers, chambres d’hôtes et autres établissements touristiques. Si le site permet à ces structures de remplir facilement leur établissement, celles-ci n’en restent pas moins dépendantes économiquement, et sacrifient de ce fait une marge importante de leur chiffre d’affaires.
La logique d’Uber reposant sur le secteur du service, le tourisme ne peut être que fortement impacté par cette nouvelle voie économique. Accueillir des personnes chez soi, leur faire visiter la ville… Tout le monde peut le faire ! « Moins le service est protégé ou spécialisé, plus vite il sera uberisé, » conclut Grégoire Leclercq.
Que sera le tourisme des dix prochaines années ? Faisons quoi qu’il arrive en sorte qu’il nous fasse toujours voyager…
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel de l’Observatoire de l’Uberisation, encore tout récent et qui s’enrichit régulièrement.
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