DirecTravel interroge le modèle de l’industrie du voyage à la française
Les hôteliers ont Airbnb, les taxis Uber, les professionnels du tourisme ont depuis quelques années le voyage en direct qui vient peu à peu titiller leur modèle. A la fin du mois, DirecTravel, nouveau salon dédié à ces formes de mise en relation entre clients et réceptifs locaux jette un nouveau pavé dans la mare. Aux arguments des pros dénonçant la concurrence déloyale de réceptifs non immatriculés en France venant capter une partie de leur clientèle, Christophe Sentuc, organisateur du salon, a opposé le besoin de mettre en lumière ces nouvelles pratiques sans intermédiaires qui permettent de valoriser l’expertise des agences locales et leur offrent ainsi les moyens de se développer in situ. De quoi s’interroger longuement sur l’équité dans l’industrie du voyage, quand l’élève rattrape le maître…
L’envie de faire part belle aux experts et réceptifs locaux
Efficace, connecté et branché, DirecTravel est en résonnance avec le monde tel qu’il se dessine un peu partout. Son principe est simple, mettre en relation des futurs voyageurs avec des réceptifs et experts locaux du monde entier. A cette fin, le 30 septembre prochain de 16h à 21h puis les 1ers et 2 octobre de 10h à 19h, la Cité de la Mode et du Design accueillera une cinquantaine d’exposants et espère attirer plusieurs milliers de visiteurs. Le principe : donner aux voyageurs les clés pour construire leur propre voyage grâce à des correspondants locaux présents sur place ou en partenariat avec une plate-forme virtuelle, TripConnexion, qui assurera la mise en relation avec des experts et acteurs de l’e-tourisme du monde entier (sans aucune commission). L’organisateur de ce premier rendez-vous du voyage-en-direct, Christophe Sentuc, a été pendant 25 ans à la tête de Terre Voyages/Fleuves du Monde, une agence basée à Paris défricheuse de nouvelles destinations. Son objectif aujourd’hui, promouvoir les structures locales et donner la part belle au territoire pour que les futurs clients passent de plus en plus en direct avec des réceptifs sélectionnés pour leur professionnalisme. Christophe Sentuc : «Beaucoup d’acteurs locaux sont aujourd’hui en mesure de répondre au mieux aux demandes du voyage sur mesure et sont les seuls à le maitriser de A à Z. Il est important d’accompagner ce phénomène et de faire connaitre ce savoir-faire. »
Un salon poil à gratter pour une profession divisée
Toutefois, dès l’annonce de ce nouveau rendez-vous, en février dernier, la polémique a fait rage, de nombreux professionnels s’inquiétant de voir des agences réceptives non immatriculées en France vendre leurs prestations sur des salons auprès du grand public. Certes, si le code du tourisme interdit aux exposants étrangers de réaliser des ventes en direct sur le territoire français, elle ne leur interdit cependant pas de faire de la promotion, et ce sera en l’occurrence le cas, rappelé par Christophe Sentuc : « les exposants de DirecTravel ne signeront en aucun cas des contrats de ventes lors de l’événement. Cela leur sera rappelé dans les conditions de participation. Ils seront là pour rencontrer des prospects particuliers et professionnels, ainsi que des internautes, afin de promouvoir leurs compétences dans le cadre de leur conformité professionnelle liée au pays de leur activité et dûment vérifié lors de leur inscription. En outre, il ne faut pas se voiler la face, les clients achètent déjà largement des prestations sur internet. Notre place est d’alerter le consommateur sur différentes choses dont il doit prendre conscience, par exemple qu’une structure locale n’a pas de garantie en terme de fond déposé, pas de licence de type Atout France et qu’il faut donc penser à s’assurer de son côté. Les voyagistes français, du fait de leur expertise ont encore largement leur place sur ce marché. »
Un premier rendez-vous test ?
Est-ce l’effet de la polémique, d’un attentisme ou d’une certaine défiance, alors qu’une centaine de participants étaient attendus et que les agences de voyage françaises ont également été invitées à participer pour rencontrer les réceptifs, à ce jour, seuls 57 exposants sont annoncés et des acteurs majeurs du voyage en direct tels Evaneos ont renoncé au dernier moment à participer au salon. Directeur général de TraceDirecte qui opère depuis 2012, Olivier Catrou précise quant à lui : « Je n’étais pas disponible le week-end du 1er et 2 octobre et je n’ai pas vu non plus vu d’opportunités immédiates dans notre participation au salon. En revanche, j’irai y faire un tour le vendredi afin d’en prendre la mesure. »
D’autres ont répondu présents, notamment de nombreux acteurs engagés pour le tourisme durable, souvent partenaires de notre portail. Essentiel Botswana, spécialiste du Botswana et de safaris soignés et de qualité, sera là pour expliquer tout le travail qu’elle réalise pour expliquer combien ses safaris contribuent efficacement au développement économique du pays et à la préservation de sa biodiversité. De même, les éditions Viatao, qui proposent aux voyageurs des solutions concrètes et originales pour voyager autrement, auront un stand sur le salon. En revanche, les organisations professionnelles – SNAV, CEDIV – et les réseaux constitués du tourisme durable n’ont pas souhaité participer… Christophe Sentuc : « Nous aurions également souhaité que des réseaux tels ATR soient là, malheureusement, ils n’ont pas répondu présents. C’est dommage car les acteurs du tourisme durable ont un rôle à jouer dans cette mise en avant des partenaires locaux. »
L’équité, un terrible balancier pas facile à paramétrer
D’ores et déjà, au-delà même de l’évènement à venir, ce premier rendez-vous des acteurs du voyage en direct a donc le mérite de nous interroger en profondeur sur l’industrie du tourisme telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui en France et sur cette sacro-sainte équité qui n’a pas toujours le même poids ou le même relief selon que l’on regarde du nord vers le sud, et vice versa… Certes, il n’est pas question ici de soutenir la concurrence déloyale et de nier les arguments des agences de voyage française dûment immatriculées, avec le lot de taxes que cela suppose, en reconnaissant aussi les emplois créés et les bénéfices pour l’économie de notre pays… mais il est tout aussi bon de s’interroger sur le fonds, et de se réjouir que certaines destinations alors mises en tourisme avec un taux de fuite moyen de 70% des capitaux générés par l’activité touristique, soit aujourd’hui capable de s’organiser et de faire de cette industrie un levier de développement local pour leur territoire. Une fois de plus, l’idée n’est pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, nombre de voyagistes français font un travail remarquable depuis des années et ont contribué à faire connaitre et à soutenir des destinations, toutefois, le monde change, et on peut se réjouir que certains acteurs locaux soient aujourd’hui en mesure de prendre la main. L’équité est certes d’avoir les mêmes règles du jeu lorsque le terrain est commun, mais l’équité n’est-elle pas aussi de donner plus de visibilité à ces acteurs de l’ombre que sont les réceptifs ? Accepter que des experts et réceptifs locaux soient enfin totalement reconnus comme des professionnels à part entière, ne plus les cacher au grand public, pas si dupe, est peut être un premier pas concret et sincère pour que des pays du sud profite enfin plus amplement des revenus du tourisme. Le monde change. Et avec un peu d’imagination et de souplesse, il y aura toujours de la place pour tous, ici ou là bas !!
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Les 30 septembre, 1 et 2 octobre 2016
Cité de la Mode et du Design 34, Quai d’Austerlitz – Paris 13ème
Horaires : 16h00 – 21h00 le vendredi
10h00 – 19h00 les samedi et dimanche
Entrée libre.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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