Ticket to Tokyo !

Fourmillante, verticale, intersticielle, désopilante, Tokyo est un monde dans le monde, un mélange d’espaces différenciés qui cohabitent parfois sans se voir à quelques blocs de rues. Et parce que chacun se fera son expérience de la ville, Gaspard Walter, auteur photographe, voyageur infatigable, a voulu livrer là son expérience de Tokyo, une forme d’instantané tel qu’il l’a vécu et capturé en images à l’instant t de son voyage. L’ensemble forme un kaléidoscope qui mêle les fantômes d’Edo aux néons de Shinjuku, voguant ainsi de quartier en quartier, sans oublier des invitations virtuelles avec de nombreux liens pour capturer des vues à 300°. Dozo !

La photo est sobre. Fond bleu. Quelques taches de lumière rouge. Et au premier blanc, surplombant la ville, un homme assis, costume noir, qui contemple la vue une coupe posée sur une table en T, noire aussi. Trois couleurs, quatre peut être, on pourrait être à Hong Kong, à Shanghai, et pourtant, quelque chose nous dit que l’on est au Japon, à Tokyo, pour un décollage imminent avec Gaspard Walter. La page se tourne, changement d’ambiance, un bar de rue, izakaya des habitués, quelques tabourets font face à un bar en bois, cette fois, quelques personnes, dont une femme au milieu de quelques hommes, tous de dos, la devanture est là aussi, avec le caractère 力 qui s’échappe au premier plan, 力, la force, sûrement un extrait tronqué du nom du temps. Ici on sent que l’on parle, la vie rejaillit, à l’image de ses bars où les étiquettes grimés sur les bouteilles content tout un monde.

Shinjuku, Taito, Chuo, Shibuya, les quartiers défilent dans le viseur du photographe. Gros plan sur des mets sous plastiques, deux doubles, deux photos pleine page à se léger les babines : tempura, fritures de crevettes, soupes, miso, nouilles sautées, soja en dès, riz frit, pas question que l’air ambiant ne vienne souiller l’ensemble. On est à Kitchen Town et un immense cuisinier à toque blanche surplombe le toit d’un immeuble. De l’autre côté, passé les agapes de papier, une divinité de Tuo semble pencher ses yeux tordus vers nous. Hokusai doit se cacher quelque part. On file, on revient, on goute une à un à ces photos qui nous immergent et, au moment de quitter l’ouvrage, quelques pages de chat qui lèvent la patte semblent nous saluer, nous dire au revoir… on est au temple Gotoku, au Gotokuji, et ce dialogue entre l’auteur et une jeune fille venue d’on ne sait où : « Alors, on ne saura pas combien il y en a. Si, plein, il y en a plein ! (…) Elle ajuste la position du chat, la patte dressée, et le stabilise au creux de la moussse. Sous la nappe de lentilles d’eau, une dizaine de statuettes, éparpillées sur le fond, se couvrent d’algues et s’enfoncent dans la vase. Non, si nos temples étaient tristes, je crois que je n’irais jamais. »

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Ticket to Tokyo, Galpard Walter, Editions de La Martinière, mai 2017. 320 p. 25 €.