Le touriste et l’orphelin
Thèmatique : Monde Tourisme de masse
Aurait-on pu croire que les séjours de tourisme solidaire dans des orphelinats étaient en réalité une façon très peu éthique de récolter de l’argent et, au passage, d’exploiter des enfants ? La « tendance » de ce type de tourisme social et solidaire est aujourd’hui mise à mal par plusieurs études qui démontrent que les orphelinats sont rarement ce qu’ils prétendent être, que les orphelins ont bien souvent une famille, et que derrière ces soit-disant associations caritatives se cache trop fréquemment une triste histoire d’esclavage moderne…
Des orphelins… avec famille
Lorsque l’on s’intéresse au tourisme solidaire et que l’on désire apporter son aide dans des pays en développement, on tombe systématiquement sur des propositions liées à des orphelinats. On vous invite à venir y apporter son aide, son temps libre, ses capacités d’enseignement… et son argent. Le tout, pour aider de pauvres orphelins à sortir de la misère et permettre aux associations qui les recueillent, grâce à vos généreux fonds, de prendre soin d’eux. Malheureusement, des spécialistes des droits de l’homme dénoncent de plus en plus ces pratiques douteuses, qui cachent trop souvent des enlèvements d’enfants et différentes formes d’esclavage (mendicité, abus sexuels….).

La majorité des « orphelins » ont en réalité une famille, à laquelle ils ont été arrachés
On estime qu’à l’heure actuelle, sur les huit millions d’enfants déterminés comme orphelins dans le monde, 80% auraient au moins un parent vivant. Et ce chiffre est en constante augmentation, parallèlement aux offres qui invitent les touristes à visiter (contre de l’argent) ou à apporter leur soutien à des orphelinats. Sauf que ces orphelins ont été le plus souvent volés ou achetés à leur famille, sans jamais se soucier de leur âge. Les « vraies » associations insistent ainsi sur le fait qu’en deçà de l’âge de douze ans, le moins déséquilibrant pour un enfant véritablement orphelin est de lui trouver une famille d’accueil, au sein de laquelle il pourra s’épanouir et trouver des repères.
Les orphelinats qui accueillent parfois des dizaines de très jeunes enfants sont de ce fait à étudier avec la plus grande attention… car ces situations parfois devenues banales devraient en réalité être exceptionnelles et utilisées uniquement en cas de dernier recours.
De l’esclavage moderne
Résultat, certaines personnes peu scrupuleuses ont simplement vu là un moyen de faire des affaires : devenus attractions touristiques, les orphelins sont traités comme des bêtes de foire et peuvent rapporter gros. Profiter de la misère pour s’enrichir, l’idée n’a malheureusement rien d’original, mais sans doute les touristes occidentaux sont-ils peu informés de ce genre de pratiques… Nombre de ces orphelinats ne respectent pas les droits des enfants et, dans les pires cas, font d’eux de véritables esclaves. Il n’est pas rare d’en voir mendier dans les rues, inviter les voyageurs à visiter leur orphelinat ou se mettre à danser dans la rue, mais aussi subir directement le tourisme sexuel… Ils peuvent enfin être victimes de trafics d’être humains.

Les enfants sont notamment utilisés pour mendier dans les rues
Des pays comme le Cambodge, l’Indonésie (Bali) ou Haïti sont touchés de plein fouet par ces pratiques illégales et immorales. A Haïti, des « chercheurs d’enfants » sont recrutés et payés par les directeurs d’orphelinats, qui reçoivent des sommes mirobolantes de la part de fonds privés étrangers pensant faire une bonne oeuvre. La situation est préoccupante, même si des efforts ont été faits récemment par le gouvernement, qui a mis en place une commission spéciale destinée au trafic d’enfants. Au Cambodge, le gouvernement a lancé, en 2011, une campagne intitulée « Children are not Tourist Attractions », mais sans résultats concluants.
L’ONG Tourism Concern, ainsi que l’ATES, encouragent les voyageurs à ne pas visiter les orphelinats : « Lorsque je rencontre des gens qui désirent visiter des orphelinats au Cambodge, je leur demande s’ils feraient pareil dans leur propre pays. Que vous dirait-on si vous vous rendiez dans des centres sociaux à Londres, Sydney, Berlin ou Tokyo en disant que vous désirez jeter un œil aux résidents, souvent vulnérables et traumatisés, afin d’avoir de belles histoires à raconter à vos amis, de voir comment vivent les enfants, de leur faire quelques câlins et de prendre de chouettes photos pour votre page Facebook ? Bien sûr que la réponse serait non. La majorité des gens ne penseraient même pas cela comme acceptable d’avoir de telles pratiques dans leur pays…« , explique l’un des membres de Tourism Concern.
De quoi faire réfléchir sur nos comportements à l’étranger, et faire de nous des voyageurs véritablement responsables – plus encore, si nous en parlons autour de nous.
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