La communication responsable à l’honneur pour la 9e Journée Mondiale du Tourisme Responsable
Thèmatique : Acteur associatif Acteur privé Initiative nationale
En pointant plus particulièrement le greenmarketing et le greenwashing pour illustrer sa neuvième édition, centrée sur la communication responsable, la Journée Mondiale pour un Tourisme Responsable (JMTR), avait trouvé là un thème fort au cœur des enjeux des professionnels du secteur. Le sujet a certes été abordé lors de la matinée du 2 juin mais sur le greenwashing notamment, le débat n’a pas vraiment démarré, cannibalisé par des présentations visant à faire connaitre des bonnes pratiques ou des initiatives certes vertueuses, mais trop souvent auto-centrées et s’éloignant des questions posées. Quand l’envie de communiquer prend le pas sur la question de la communication…
Initiatives vertueuses et projets innovants
L’avantage de la JMTR, c’est qu’elle permet de mettre en lumière des initiatives responsables et des bonnes pratiques, mêlant un concentré d’acteurs engagés qui aiment à se retrouver pour échanger et aller plus loin dans le développement de projets. Le 2 juin ont ainsi été exposés les nombreux engagements du Comité Régional d’Ile de France, qui accueille chaque année l’évènement, et qui continue à travailler activement pour que Paris devienne un acteur de référence pour le tourisme durable. Président du CRT d’Ile de France, Gérard Feldzer a ainsi exposé la conversion écologique à laquelle se livre la capitale, qui passe par le développement des transports en commun, des hébergements basse consommation, l’accentuation du tourisme familial intra-régional, etc. Lors de la table ronde consacrée au greenmarketing, on a ensuite pu découvrir Double-Sens, une agence de voyage alternative qui mêle voyage solidaires et actions de développements avec une clientèle déjà très sensibilisée à la thématique du développement durable. Véronique Lelièvre a ensuite présenté la démarche Chouette Nature de Cap France et Caroline Heller, le Club « Voyagez Responsable Bretagne », qui met en avant les professionnels engagés du territoire. Enfin, pour cette édition, voyageons-autrement était également présent à la tribune, afin d’expliquer la philosophie du portail et la façon dont il communique sur les acteurs du tourisme responsable.
La deuxième table ronde, centrée sur le greenwashing, a également mis en lumière d’autres professionnels engagés à l’image de Nomade Aventure (ATR), de Delphine Joannet, directrice de la démarche RSE de VVF Village et d’Eric Raulet, directeur de Defismed, qui a présenté le premier MOOC en écotourisme en ligne depuis peu. Toutefois, sur ce sujet du greenwashing, le seul à se poser véritablement la question aura été Fabrice Bugnot, journaliste et président d’AlterMondes, s’interrogeant sur le rôle de la presse et des médias, et notamment sur leur indépendance. Car dénoncer le greenwashing suppose d’avoir le temps et les moyens de faire des enquêtes en toute indépendance, afin de faire parler la société civile et de faire remonter l’information. Ces réflexions, voyageons-autrement les partage, et aurait été très intéressé de débattre plus avant car un média dégagé de toute pressions, qu’elles soient économiques ou plus politiques, est évidemment une presse plus à même de faire des enquêtes de terrain qui feront remonter les informations nécessaires pour combattre ces abus communicationnels…
Green marketing ou Greenwashing ?
Car pour revenir au sujet, de quoi parle-t-on ? Pour faire simple, rappelons que le greenmarketing vise à communiquer son engagement responsable, et notamment ses actions en faveur de l’environnement (green), mais aussi ses préoccupations sociales. Quant au greenwashing, il pointe ceux qui utilisent ces mêmes arguments green de façon abusive, ces labels auto-proclamés, ces publicités exagérées voire mensongères où le dire outrepasse largement le faire. A ce sujet, le tourisme durable n’est pas seul en cause, comme l’a largement illustré Agnès Rambaud-Paquin, directrice associée du cabinet Des Enjeux et des Hommes, marraine de la journée, en rappelant que de nombreuses sociétés telles les lessives Le Chat (Ecolabellisées depuis) ou la marque Nutella ont souvent été pointées du doigt pour des campagnes abusives. Alors, faut-il communiquer son engagement responsable ? Les avis divergent mais beaucoup s’accordent toutefois sur l’importance du marketing vert, lorsqu’il est sincère et vient accompagner une démarche de fond. Chez Cap France, Véronique Lelièvre pense même avoir trop attendu pour faire connaitre une démarche approfondie mêlant l’environnemental et le social. « On ne communique pas bien. On a trop attendu pour faire connaitre nos actions et même si c’est un plus financier dans la gestion de nos villages, on a eu tendance à s’essouffler. »
Toutefois, communiquer est une chose, en obtenir un bénéfice immédiat en est une autre. Chargée de mission Développement Durable pour le CRT Bretagne, Caroline Heller a vu les limites du Club Voyagez Responsable qui n’a pas forcément obtenu la visibilité espérée. La question se pose de réintégrer le site sous la forme d’un onglet « durable » vers le portail général du CRT. Car la clientèle n’est pas toujours mûre pour la communication durable. D’après Agnès Rambaud, sur ces sujets, on est un peu en avance et il n’est pas forcément évident de faire suivre les consommateurs. Elle rappelle d’ailleurs ce salon de la pub organisé à Cannes en 2007, où une table ronde sur le tourisme durable avait rassemblé 15 personnes pendant que des milliers d’auditeurs se présentaient dans l’auditorium central. Alors, communiquer oui, mais pour quel résultat ? Dans quel objectif ? Pour témoigner, pour rassurer, pour s’encourager ou pour valoriser son engagement au service du bénéfice client ?
Les dilemmes de la communication responsable
En sus, trop de communication tue la communication, et ce dans le durable comme partout ailleurs. Si, bonne nouvelle, la filière se régule et le greenwashing est en baisse, de 36% en 2006 à 7% en 2015, cela ne veut pas pour autant dire qu’une communication responsable, même sincère et bien menée, sera forcément entendue. Pour cela, l’implication clients semble vraiment importante, à l’image des Avis Clients pointés par Fabrice Del Taglia (Nomades), à l’image également de Double Sens, qui fait intervenir ses anciens voyageurs pour témoigner et raconter leurs expériences à d’autres, un bouche à oreille on ne peut plus direct et qui fonctionne. Et si le consommateur a encore besoin d’être formé, informé, et en ce sens le MOOC écotourisme est une excellente initiative, il peut aussi se lasser voire faire un rejet. Agnès Rambaud-Paquin a ainsi noté un ras le bol du public suite à un trop plein d’arguments verts, écolos, bios… Elle a même identifié des rétractés, autant de personnes qui n’en peuvent plus de cette communication moralisante et culpabilisante sur le bio, le vert, le bien, le responsable…
Au final, la communication responsable n’est pas un sujet simple. Certains préfèrent agir dans l’ombre et ne pas communiquer. D’autres pensent que l’on n’a rien à perdre et tout à gagner à faire connaitre ses engagements . Beaucoup pointent du doigt les nombreux labels, le manque de clarté, de pédagogie, de transparences. Sans compter ces labels inaccessibles aux petits acteurs car trop chers, ces mêmes petits acteurs souvent les plus engagés car à petite échelle, le durable se contrôle souvent mieux. Reste malgré tout une volonté croissante d’aller vers un mieux et de communiquer plus avant, sur le vert, oui, mais également sur le social, l’éthique, les droits de l’homme. Les sujets vertueux ne manquent pas. Au journaliste de séparer le bon grain de l’ivraie, et pour cela, pas de secret, à nouveau… du temps, des moyens, et de l’indépendance… seront autant d’atouts pour des articles de qualité, qui permettront de relayer ou de dénoncer, d’informer ou de mettre en garde. Car ne jamais oublier que communication et information sont deux termes qui ne recouvrent pas toujours les mêmes réalités, et pour cause !
———- ALLER PLUS LOIN ——————–
La JMTR 2015 a été animée par Sandrine Mercier (magazine A/R) et organisée par la CITR qui regroupe aujourd’hui des professionnels du tourisme, 156 acteurs dans 52 pays à travers le monde, engagés pour un tourisme responsable, ainsi qu’un comité scientifique composé d’experts du développement durable. En France, la CITR est portée par ATD, ATR, ID-Tourisme et Ekimundi.
Site : http://www.coalition-tourisme-responsable.org/journee-mondiale/jmtr-2015
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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