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JMTR 5e édition : TABLE RONDE : Le rôle des institutions dans la reconnaissance des engagements des professionnels dans le Tourisme Responsable

| Publié le 18 juin 2011
             

Gérard RUIZ, président du Partenariat Mondial pour le Tourisme Durable (PMTD)
Florian DELIFER, Consultant au PNUE – Responsable des membres du Partenariat Mondial pour un Tourisme Durable
Helena REY, Membre du groupe de travail Education et Formation du Global Sustainable Tourism Council (GSTC) au sein du Programme des Nations-Unies pour l’Environnement(PNUE)
Guillaume CROMER, pour Harold Goodwin, Professeur à l’Université de Leeds et Directeur du Centre international pour un tourisme responsable

Gérard RUIZ

Le tourisme : point d’intersection des problématiques sociétales

Le tourisme est parmi les activités qui génèrent le plus d’emplois dans le monde, avec un chiffre d’activité de six milliards de dollars. Les investissements annuels représentent 10 % de l’investissement mondial et vont s’accroître considérablement dans les années à venir. L’Agence de l’Energie internationale a calculé que pour intervenir sur les problématiques énergétiques, 800 milliards de dollars devront être investis chaque année. Ne représentant en France que 2 % du secteur touristique, le tourisme responsable est considéré, à tort, comme une niche du secteur touristique. Le tourisme se situe en réalité à l’intersection de nombreuses problématiques, qui ne concernent pas uniquement les opérateurs touristiques, mais la société dans son ensemble : biodiversité, patrimoine culturel, énergie, effets de serre, développement économique, etc. Les politiques publiques mises actuellement en place convergent vers le tourisme : transports, infrastructures, aménagement du territoire, gestion des écosystèmes, etc. Par conséquent, le secteur du tourisme est un secteur majeur sur lequel s’appuyer pour faire évoluer les pratiques industrielles et les comportements individuels.

Quelle stratégie pour le tourisme durable ?

Face aux différentes problématiques évoquées, les centres de responsabilités et de décisions publiques sont actuellement éclatés en de nombreuses instances (ministères, agences, instituts, etc.), alors même que l’ensemble des problématiques concerne l’ensemble des acteurs. En considérant cela, on comprend que la question du tourisme durable ne peut pas être la préoccupation des seuls opérateurs. Elle constitue une question globale. Le Partenariat Mondial pour un Tourisme Durable (PMTD) porte cette vision. Ce partenariat est né du processus de Marrakech mis en place en 2003, sous l’impulsion du Programme des Nations-Unie pour l’Environnement (PNUE). Le tourisme a alors été identifié comme l’un des axes forts d’évolution des logiques de productions et de consommations vers la durabilité. Des travaux sont menés depuis cinq ou six ans, sur une quarantaine de projets locaux duplicables à l’échelle mondiale. Le comportement du consommateur fait partie des axes de certains de ces projets, comme le « Passeport vert », initialement mis en place au Brésil puis généralisé dans d’autres pays. Une série de recommandations politiques ont également été adressées aux responsables du secteur du tourisme. L’ensemble de ces expériences et de ces réflexions constituent la base du PMTD, placé sous l’égide du PNUE. L’ambition du PMTD est d’être un partenaire pour toutes les parties prenantes, afin de développer un vrai tourisme durable, qui n’est pas une niche ou un segment : le tourisme durable correspond à une logique de comportement.

Les actions et les axes directeurs du PMTD

Le PMTD a défini sept axes directeurs :
Cadres politiques : Fournir des cadres politiques à l’action dans le domaine touristique.
Changement climatique : Sensibiliser sur les liens existant entre tourisme et changement climatique et encourager les initiatives de réduction des GES.
Environnement et biodiversité : Sensibiliser aux impacts du tourisme sur l’environnement.
Pauvreté : Faire du tourisme un facteur de réduction de la pauvreté, par la création d’emplois, l’éducation et la formation dans le secteur touristique.
Patrimoine naturel et culturel : Valorisation et protection du patrimoine naturel et culturel.
Secteur privé : Accompagner le secteur privé dans sa volonté de progrès.
Financements et Investissements : Faire de la durabilité une condition essentielle pour le financement et l’investissement dans le tourisme, et du tourisme un élément de l’économie du développement durable.

La couverture du PMTD est quasi-mondiale. Il regroupe une cinquantaine de pays, plusieurs programmes des Nations-Unies, des organisations internationales et professionnelles, ainsi que des ONG. Il constitue un réseau d’acteurs permettant le partage des initiatives dans un objectif de progrès.

Les quatre actions principales du PMTD sont :
Soutenir la mise en œuvre des recommandations des autorités publiques.
Favoriser l’adaptation de projets réussis et leur réplication dans d’autres régions du monde.
Construire des réseaux et des partenariats.
Proposer et développer de nouveaux projets et outils afin que l’ensemble des partenaires disposent des ressources conceptuelles nécessaires pour mettre en œuvre leurs projets d’action en faveur de la consommation et de la production durables dans le domaine touristique. C’est dans ce sens que nous devons considérer la situation, et non en réduisant le tourisme durable à une forme de tourisme parmi d’autres. A défaut, les évolutions réelles seront impossibles.

Les projets en cours

Les outils du PMTD commencent à se mettre en place. Une plate-forme d’informations est accessible aux membres du partenariat. Parmi eux, on compte des organismes de certification comme l’ADEME. Le PMTD a pour vocation de mettre en relation les acteurs dont les pratiques durables méritent d’être développées.
Parmi les projets déployés, je citerai le « Green Star Hotel initiatives », le projet « Hotel Energy Solutions », le réseau SIFT (investissement et finance durable dans le domaine du tourisme) et le Global Sustainable Tourism Council (GSTC).

J’ai le sentiment que, grâce à une prise de conscience réelle des acteurs et des pouvoirs publics, la sortie d’une dimension de segment touristique est aujourd’hui amorcée vers une évolution des comportements de consommation et de production. Le processus est en cours, et de nouveaux outils seront sans doute nécessaires, comme des labels et des certifications. Il est intéressant de noter que les pays émergents en matière de tourisme sont actuellement bien plus dynamiques pour appréhender la dimension du tourisme durable que les grandes nations touristiques, pour lesquelles l’héritage culturel et historique constitue parfois un frein.

Florian DELIFER

La nécessaire définition d’un cadre commun

De nombreuses formes de garanties de la dimension durable existent : écolabels, chartes, normes volontaires, etc. Cette information est mise à disposition des décideurs de différents niveaux :
Au niveau gouvernemental, pour planifier les actions politiques.
Au niveau des entreprises, pour mieux gérer la chaîne de valeurs et les meilleures pratiques.
Au niveau des consommateurs finaux, pour aider aux choix et influencer la consommation.

Actuellement, que ce soit dans le secteur touristique ou dans d’autres secteurs économiques, de nombreux efforts sont réalisés pour renforcer le système de normes touchant au développement durable.

Outre la prolifération des normes et labels, la crédibilité et la transparence du système s’avère problématique, dans la mesure où certains aspects du développement durables ne sont pas couverts, faute de méthode pour mesurer certains aspects, comme la dimension socio-culturelle. Lorsque certains impacts ne sont pas couverts, le système peut être trompeur, et déconnecté du marché. Les informations sont quelque peu dispersées et incompatibles entre elles, ce qui rend leur accès difficile. Des outils et méthodes scientifiques sont nécessaires pour permettre une uniformisation et une communication adaptée.

Pour lutter contre la prolifération des labels, une harmonisation et une convergence sont indispensables. La diversité étant inhérente au tourisme, la tâche du PMTD est complexe. Plusieurs initiatives existent, dont celle du Global Soustainable Tourism Council (GSTC), qui a pour objectif la définition d’un cadre unique de dénominateurs communs.

Quelle est la marche à suivre ?

Il est donc nécessaire de définir un cadre commun, suivi par tous, avec des indicateurs définissant le champ d’application du développement durable. Pour être efficace, ce cadre doit pouvoir être utilisé de manière pragmatique et s’adapter aux problématiques locales et au contexte de chaque acteur. Cette démarche implique des règles du jeu plus justes pour tous. Et, en évitant de dupliquer les efforts, elle permet d’économiser du temps et des ressources.

La première initiative, qui est intervenue avant le GSTC, a été de définir les critères mondiaux pour un tourisme durable. Des lignes directrices communes ont été dégagées, en partenariat avec de nombreuses parties prenantes, dont des experts et des organismes de certification. Ces lignes directrices résultent d’une synthèse des différents critères existant, tendant vers la constitution d’un « langage universel » adaptable aux conditions de chaque pays. Le GSTC a dorénavant pour mission d’unifier le système de normes, en consultant un certains nombres d’organisations et en collaborant avec des organisations internationales.

Helena REY

Les défis du GSCT

Le Global Sustainable Tourism Council (GSTC) a de grands défis à relever pour l’avenir. La première question à laquelle le GSCT doit répondre est celle-ci : existe-t-il une demande pour un tourisme durable ? Par ailleurs, le secteur privé doit être mobilisé pour construire un tourisme durable, plus particulièrement les PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grandes entreprises pour accéder aux aides et outils financiers afin d’investir dans une démarche responsable. La certification ne doit pas être utilisée de manière isolée, mais être associée à d’autres outils, dans le cadre d’une planification stratégique. Les contributions financières et les politiques mises en place par les gouvernements peuvent appuyer les actions du secteur privé. Par exemple, le gouvernement du Costa Rica a décidé de lancer une campagne de promotion à l’étranger, et seules les compagnies certifiées peuvent participer à cette campagne marketing. Néanmoins, pour le GSCT, la certification ne doit pas être l’unique critère de soutien au secteur privé.

Le nécessaire engagement des touristes

Au sein du PNUE et du PMTD, la direction prise est de favoriser le lien avec le marché. Nous recherchons de nouvelles manières d’engager les touristes. Mais cette recherche s’avère difficile, dans la mesure où il existe un écart entre les attentes et les comportements des consommateurs. L’ordre des priorités dans le choix d’une destination peut être défini ainsi : la sécurité ; la propreté ; l’accès ; la qualité de l’expérience. La conscience environnementale et sociale se situe seulement en dernière position. Les consommateurs achètent un produit sur la base de la qualité, de la sécurité et de la valeur, pas uniquement sur la base d’un label. Ils ne sont pas prêts accepter un surcoût pour le développement durable. Il serait par exemple envisageable que la certification comporte, en plus des critères développement durable, les principaux facteurs de choix du consommateur.
Une étude réalisée par TripAdvisor indique que, sur le panel de touristes interrogés, 27 % d’entre eux avaient la volonté de « voyager vert », mais que seuls 12 % ont choisi leur hôtel en fonction du critère de développement durable. Le PNUE et le PMTD doivent travailler pour réduire l’écart entre l’intention et la concrétisation.

Un travail sur la demande et la chaîne de commercialisation

Les intermédiaires-clefs de la chaîne de commercialisation doivent davantage s’engager dans le développement du tourisme durable. Ces intermédiaires incluent les guides de voyages, les portails internet, les tour-opérateurs, les grossistes et les grands acheteurs. Des partenariats sont par exemple en cours avec des portails internet membres du GSTC (Expedia, Travelers, etc.) afin qu’ils mettent en avant les destinations développement durable.

Le difficile accès à l’information en temps réel pour trouver une destination ou un opérateur engagés dans le développement durable est une problématique dont le GSCT doit se saisir. Notre objectif est de réaliser un travail sur la demande, par le biais de partenariats. Je pense notamment à des applications smartphone basées sur une géolocalisation, pour trouver les établissements certifiés, pour connaître quels sont les fruits de saison dans la partie du monde où l’on se trouve, etc. L’objectif est que ce type d’informations ne soit pas cantonné à une minorité intéressée par le développement durable, mais que ces informations soient accessibles à tous.

Un travail est également à mener avec les hôtels et les tour-opérateurs pour que chacun dispose d’une feuille de durabilité, dans laquelle seront indiqués le bilan carbone de chaque visiteur, les certifications disponibles, les politiques de consommation d’eau et d’énergie ainsi que des aspects sociaux. Le GSTC travaille avec plusieurs pays sur ce sujet, notamment avec le projet « Passeport Vert », qui existe actuellement en version papier. Nous recherchons des partenaires pour développer sa version dématérialisée.

En conclusion

La question à laquelle il nous est demandé de répondre aujourd’hui est de savoir si la certification constitue le seul moyen pour amener le tourisme vers la durabilité. Au GSCT, l’optique est plutôt d’agir sur le processus de création des produits et sur la demande. Le GSCT est ouvert à tout partenariat dans le sens de ces objectifs.

Guillaume CROMER

Harold Goodwin n’a pas pu être présent. Guillaume Cromer présente son intervention.

La certification

Quatre éléments sont nécessaires pour établir un plan de certification.
Ses critères doivent être clairs et fiables.
Il doit être transparent, surtout vis-à-vis du consommateur.
La certification doit avoir du sens pour le consommateur.
Il doit présenter une garantie d’indépendance du certificateur.
La cohérence des certifications au niveau international s’avère difficile à atteindre du fait de la diversité des territoires, des cultures, des environnements et des consommateurs de produits touristiques : les impacts ciblés par les critères de la certification sont avant tout des impacts locaux.

La question du marché est essentielle : les entreprises doivent intégrer la démarche de certification pour pouvoir en assurer la promotion et la diffusion auprès du grand public. Si la démarche n’est pas reconnue par les consommateurs, il sera difficile de la faire valoir.

Intérêt d’une accréditation globale du type GSTC

La crédibilité de l’accréditation GSTC dépend de sa capacité à apporter les preuves :
d’une demande concrète des entreprises et des clients pour les certifications globales,
d’une réelle garantie pour le consommateur notamment par rapport aux critères établis,
de la transparence du système, intégrant toutes les questions, notamment celle des revenus dans le secteur touristique,
de la crédibilité de l’accréditation pour l’ensemble des parties prenantes des projets touristiques.

Pour Harold Goodwin, une alternative à une accréditation globale peut être trouvée dans la prise en compte des problématiques locales.

De la Salle (Mathieu Duchesne, Journal de l’EcoTourisme) : Je lance un appel à la création d’un Pacte National pour le tourisme durable. A quelques mois des élections présidentielles, je propose que les professionnels du tourisme se réunissent, d’ici fin septembre, pour définir cinq propositions concrètes dans le domaine du tourisme responsable (création d’un Secrétariat d’Etat au Tourisme durable, d’un centre de ressources…) afin que les futurs candidats à la présidence de la République s’engagent, à l’instar du Pacte écologique de Nicolas Hulot.

 


JMTR 5e édition : TABLE RONDE : Le rôle des institutions dans la reconnaissance des engagements des professionnels dans le Tourisme Responsable | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Sandra Bordji

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