Rencontre avec Etienne Coffin, président du Comité Français pour le Développement Durable du tourisme.
Directeur International du Ministère de l’Industrie pendant quinze ans, Étienne Coffin préside depuis 2009 le Comité Français pour le Développement Durable du Tourisme (CFDD). Peu connu du grand public, ce comité joue un rôle considérable en ce qu’il fédère les acteurs impliqués dans le tourisme durable en favorisant le partage et la diffusion des connaissances mais aussi, en présentant, analysant des projets pilotes exemplaires. C’est notamment le CFDD qui a porté les positions de la France dans le Partenariat Mondial pour le Tourisme Durable.
VA/ Le tourisme durable, c’est l’avenir du tourisme ?
La particularité du tourisme est d’être un secteur transversal, qui a une fonction structurante sur le développement économique et social. Le tourisme durable est donc une approche positive autant en termes de production que de consommation. Malheureusement, pour être issu du monde de l’industrie, je regrette que le secteur touristique, où il y a tant à faire et notamment en terme de durabilité, soit aussi l’un des moins innovants. A mon sens, avant 2009, le tourisme durable était surtout une affaire de bonne conscience, de communication. Mais ensuite, j’ai pu noter un changement de perspective. Depuis un an et demi, je dirais même que c’est devenu une nécessité. Les fameux trois piliers de tourisme durable que sont l’environnement, l’économie et le social sont aujourd’hui pris en compte par la majeure partie des acteurs du tourisme.
VA/ Depuis 2006 et la création du Comité Français pour le Développement Durable du Tourisme issu du processus de Marrakech, quels principaux chantiers avez-vous noté quant au tourisme durable ?
Un des chantiers très concret, issu du processus de Marrakech, est la mise en place du Partenariat Mondial pour le Tourisme Durable. Géré alors transversalement par trois ministères, l’Ecologie et le Développement Durable (Nelly Olin), les Affaires Etrangères (Philippe Douste-Blazy) et le Ministère de l’Industrie et du Tourisme (Léon Bertrand alors délégué au tourisme), il a bénéficié d’une collaboration rare de par sa qualité et sa cohérence entre les trois ministères. Et puis, il faut aussi regarder ce que font des chaines comme ACCOR, Pierre et Vacances, le Club Med, cela est très impressionnant. En revanche, ce qui me frappe, c’est qu’au niveau des ministères, on paraît parfois en retrait. Certes, il y a eu les Assises du Tourisme, un atelier sur l’Ecotourisme, mais le nécessaire effort de communication semble l’emporter sur le reste. Le Conseil Economique Social et Environnemental s’est toutefois saisi de la question et un rapport a été publié en 2014 sous la direction de Christine Dupuis. La Délégation de l’Outre-Mer de ce Conseil mène en ce moment une étude sur le tourisme durable dans les Outre-Mers.
VA/ Qu’en est-il aujourd’hui du Partenariat Mondial ?
Il a vécu, il s’est transformé. L’initiative était portée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), elle a bien fonctionné. Elle a permis d’informer et de sensibiliser de nombreux acteurs. Le Passeport Vert en est une des émanations. Le tout premier concernait le Brésil. On peut retrouver sur internet le Passeport vert réalisé avec avec les départements et territoires d’outre mer sur la biodiversité. Depuis 2014, il est repris par le 10YFP, le Programme Cadre Décennal sur les modes de consommation et de production durables, issu de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), ce, sous l’égide du PNUE, avec un budget propre et des appels à projet.
VA/ Est-il facile, au sein de votre comité, de mobiliser et de rassembler des membres divers aux intérêts parfois divergents ?
Oui car nous ne sommes pas une instance décisionnelle mais surtout un lieu d’échange, de proposition. Nous rassemblons autant les ministères que les organisations professionnelles, les collectivités territoriales, les ONG, les acteurs du tourisme durable. En moyenne, nous nous réunissons quatre à cinq fois par an, et participons également à différents évènements liés au tourisme durable.
VA/ D’après vous, quels sont les principaux acteurs engagés pour le tourisme durable ?
J’ai été très frappé par la mobilisation des collectivités territoriales dans tous les domaines, que ce soit sur la protection des espaces, du patrimoine, dans la définition de pratiques, de stratégies mises en place spécifiquement pour les acteurs du tourisme. Par exemple, la Loire Atlantique est très active. Elle a mis en place Le Passeport Vert, une petite perle, et c’est aussi là qu’ont commencé les expérimentations autour de l’Etiquette Environnementale avec le cabinet Evea. En outre, des réflexions plus transversales sont à l’étude, par exemple pour économiser l’eau dans les hôtels, où l’on croit faussement qu’il suffit d’inviter les clients à réutiliser plusieurs fois leur serviette. Pour une fois, dans ce secteur tourisme qui innove peu, une vraie réflexion s’est mise en place autour de la question de l’eau en associant l’industrie textile, afin de développer une serviette dans des tons beiges ou marrons, plus légère, plus résistante, qui permettent à la fois d’économiser l’eau de lavage mais aussi la force de travail des salariés du secteur. Enfin, à partir de l’expérience conduite en Loire Atlantique, l’ANEL (Association Nationale des Elus du Littoral) est très active sur des projets outre-mer. Les exemples abondent. Le Club Med a mis en place un programme très intéressant de circuits courts d’approvisionnement au Maroc. J’avais aussi été frappé, lors d’une JMTR passée, par le discours d’un élu de Mayotte qui dénonçait l’urbanisation forcenée des côtes au détriment de la barrière de corail. La biodiversité est également un enjeu majeur.
VA/ Qu’en est il de la Cité Européenne de la Culture et du Tourisme Durable de Gréoux les Bains ?
Jean-Pierre Martinetti, son président, était justement présent lors de notre dernière réunion. Il est à l’initiative des Journées Multimédia du tourisme durable. Il a aussi lancé un nouveau groupe de travail sur Tourisme durable et changement climatique. Une première réunion a eu lieu en mars 2016 avec le Comité Régional d’Ile de France. Parmi les enjeux, celui de la gestion des risques me semble très intéressant, parce qu’il permet d’évoquer, bien sûr, les questions de sécurité, mais aussi des enjeux moins médiatisés comme l’érosion des plages, la fragilité de nos côtes.
VA/ Quel est votre vision du Tourisme Social et Solidaire ?
Nous en parlons mais pas suffisamment. L’UNAT est l’un de nos membres mais rarement présent à nos réunions. On devrait en parler plus.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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