Entreprendre au féminin !
Est-il facile de lancer son activité touristique lorsque l’on est une femme ? Quels sont les freins, les dispositifs sur lesquels s’appuyer, les retours d’expériences inspirants ? Femmes de réseau, créatrices d’entreprises, elles étaient nombreuses à venir témoigner lors du colloque« Innover et entreprendre dans le tourisme » organisé par la DGE (Direction Générale des Entreprises) le mardi 7 juin à la Cité de la mode et du design. Si l’entrepreneuriat est toujours une aventure, les femmes sont de plus en plus nombreuses à franchir le pas !
Quelques idées reçues à balayer
Non, il n’est pas impossible de cumuler une vie professionnelle épanouie avec des responsabilités et une vie de famille accomplie. D’après l’enquête initiée et pilotée par le groupe de travail «Baromètre» de Femmes du Tourisme avec l’appui du cabinet Ithaque, sur plus de 1200 femmes cadres ou dirigeantes, 77% sont en couple et près de 70% ont au moins un enfant. On compte même le plus grand nombre de mères de trois enfants et plus chez les dirigeantes. En outre, s’il reste évidemment bien des frustrations notamment au niveau des rémunérations, souvent plus basses chez les femmes à même niveau de compétence – 49% des femmes gagnent moins de 3 000 € mensuels – il semble que chez les nouvelles générations, le redécoupage des rôles entre jeunes parents (paternité plus affirmée, partage des tâches, etc.) facilitent les évolutions de carrière des femmes. Certes, il ne faut pas se voiler la face, le monde du travail, dans le tourisme comme ailleurs, reste encore largement sexiste et inégalitaire, les postes à responsabilité largement préemptés par les hommes, les congés de maternité toujours un virage délicat, les remarques machistes légions (mais les femmes ne sont pas toujours tendres entre elles non plus…), mais les choses changent, et elles sont nombreuses à témoigner que le tourisme est un secteur d’avenir et plein de promesse.
Ces femmes qui se lancent à l’eau
En solo, à deux, incubées, coatchées, inspirées, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer avec conviction et passion. Après un passage chez Nouvelles Frontières, Voyages-Sncf.com (Trophées du tourisme responsable), l’Office de Tourisme et des Congrès de Paris (Paris Durable) et pour Nicolas Vanier, Olivia Robert a décidé de créer en solo son agence, les Voyages d’Olivia, de courts séjours sur les traces d’aventuriers et de grands voyageurs. Son réseau et son expérience ont bien sûr largement contribué à sa volonté de sauter le pas, et sa nouvelle vie de maman ne l’a pas non plus freiné mais plutôt galvanisé, mais elle confesse à un confrère : « Il est important de ne pas travailler le soir et le week-end… Enfin… je vous dis ça mais, hier soir, j’ai travaillé… ». D’autres préfèrent se lancer à deux qu’en solo, à l’image d’Alix Gauthier et de Julia Bertret, qui ont décidé d’unir leur force pour créer Copines de voyages (voyages pour femmes solos) en 2015. La start-up a bénéficié d’un prêt d’honneur Initiative remarquable d’un montant de 25 000 € mais aussi de l’aide de Thésame, Citia, BPI ou encore Initiative Grand Annecy. Le concept est simple : rompre la solitude des femmes en organisant des voyages, et le plus souvent des voyages solidaires ! Julia : « On consulte les offres de voyage, on choisit la destination qui nous plaît, Puis, il y a un chat instantané dans lequel on peut discuter avec d’autres voyageuses potentiellement intéressées et même des ambassadrices qui sont sur place ».
Des freins et des promesses
La question du lancement de l’activité n’est toutefois pas toujours simple. Il faut trouver des financements, un modèle économique. Certaines mettent de l’argent de côté pendant plusieurs années avant de se jeter à l’eau, d’autres font appel à des fonds ou des réseaux existants comme l’APST, Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme, le réseau des Femmes du Tourisme, Les Pionnières, premier réseau d’incubateurs et de pépinières dédiés à l’accompagnement des femmes à la création d’entreprises et bien sûr des financeurs plus classiques comme les banques. Puis il y a les freins propres à chaque projet. Créatrice de Randojeu, forme de rallye à pratiquer en famille alliant randonnée et questionnaires ludiques, Sylvie Defrasne s’est fait accompagnée par Laval Mayenne Pionnières, un incubateur local qui soutient les femmes porteuses d’un projet de création d’entreprise innovante. Toutefois, elle reconnait qu’il a été difficile de faire connaitre un nouveau produit inconnu du public et d’arriver à le rentabiliser. D’autres hésitent à se lancer, manquent de confiance, de réseaux, de relais. Malgré tout, elles sont toujours plus nombreuses à tenter l’aventure. Mariée et mère de deux enfants, Linda Hellal a créé Market Key, une agence conseil en marketing stratégique 3.O pour accompagner les agences de voyage d’affaires indépendantes. Experte en analyse de marché, marketing digital et contenu web, elle fait aussi partie du réseau Femme du Tourisme qui connecte les femmes dirigeantes des différents secteurs du tourisme, privés et publics, afin de renforcer leur rayonnement et celui des entreprises qu’elles représentent.
C’est ce même réseau qui a récemment fait paraitre le baromètre cité plus haut sur la place des femmes cadres et entrepreneures dans l’industrie touristique, baromètre qui nous permet de conclure par ce constat en demi-teinte : « Si 70% des femmes se déclarent aujourd’hui satisfaites du poste et des fonctions qu’elles occupent, et estiment qu’ils sont à la hauteur de leurs compétences. En revanche, le même pourcentage se déclare insatisfaites de leur salaire ». Alors, s’il vaut toujours mieux réaliser ses envies, ses idées, aller jusqu’au bout de la vie que l’on s’est imaginé, le besoin de reconnaissance et une équité toujours plus grande entre hommes et femmes est toujours là et bien las…
Pour en savoir plus, consultez le dossier « Tourisme, Innovations et développement durable » réalisé en partenariat avec ATD (l’association des Acteurs du Tourisme Durable) et le cabinet ID-Tourism (Conseil en marketing, ingénierie et développement durable du tourisme). Il fait suite au colloque « Innover et entreprendre dans le tourisme » qu’organisait la DGE (Direction Générale des Entreprises) le mardi 7 juin à la Cité de la mode et du design.
LES AUTRES ARTICLES DE CE DOSSIER :
Tourisme, Innovations et développement durable
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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