Apprendre la culture locale pour un meilleur tourisme communautaire
Pétris de bonnes intention, le voyagiste responsable ou l’humanitaire actif tente d’améliorer le quotidien de certaines communautés à travers le monde. Mais les schémas européens ne sont que des préjugés et des aprioris lorsque le militant généreux met les pieds dans le village. Chaque culture est différente, fondamentalement différente. Bernard Schéou, maître de conférence à l’université de Perpignan et membre de l’association Echoway prévient sur ces idées reçues, sur « l’idéalisation communautaire », sur « le mythe du bon sauvage ». En parallèle, Sylvie Blangy, chercheuse au CNRS, démontre par ses expériences sur le terrain les bienfaits de la participation pour mettre en place un projet de développement touristique avec une communauté locale. Compte rendu non exhaustif de la conférence du samedi 1er décembre lors du FNTR 2012.
« L’idéalisation de la communauté » selon Bernard Schéou
« Qu’est-ce qu’une communauté ? Ce terme renvoie inconsciemment à un passé traditionnel, au mythe du bon sauvage. La communauté induit un fonctionnement harmonieux et une participation commune de ses membres, mais c’est une vision idéalisée », Bernard Schéou va droit au but. Et pour cause, « Les projets basés sur cette vision idéaliste sont voués à l’échec ». Donc, il faut aller droit au but, pour éviter la répétition des erreurs.
L’incompréhension du porteur de projet
« Souvent, dans la communauté, des personnes ont davantage de poids que les autres, ce sont elles qui prendront la décision. De même, il arrive souvent que les questions importantes ne soient pas soumises au débat démocratique. Et si des décisions importantes sont votées démocratiquement mais que les anciens sont contre, la décision ne s’appliquera pas, et le porteur de projet se retrouvera dans l’incompréhension. » Cette idéalisation de la communauté, qui met dans l’erreur le porteur de projet, peut également déboucher à l’illusion participative.
S’intéresser au cadre social
Étant donné que le porteur de projet ne comprend pas le cadre social, il ne peut appliquer le système participatif en accord avec la communauté. « Il est donc essentiel de commencer par s’intéresser au cadre social, ainsi qu’au cadre de l’action, afin d’éviter le désenchantement participatif. Mais ce travail de découverte et d’apprentissage est rarement fait, et le porteur de projet touristique n’a pas l’impression d’avoir besoin d’un ethnologue. » Heureusement, cette incompréhension, ce choc des cultures n’aboutit pas toujours au désenchantement, et certains opérateurs de tourisme responsable finissent par comprendre, par abandonner leur vision idéalisée et avancent en accord avec la communauté concernée.
Le principe participatif de Sylvie Blangy
C’est d’ailleurs le cas de Sylvie Blangy, chercheuse au CNRS et consultante en tourisme responsable. Elle a appliqué le principe participatif auprès de populations autochtones désireuses de développer de manière touristique leur territoire. Car le problème vient également souvent du fait que c’est l’opérateur touristique qui propose, voir impose à la population locale un développement touristique, donc un agent extérieur.
Le tourisme pour faire face aux intrusions minières
C’est auprès de trois communautés (Saami, en Laponie, Inuit et Cri au Canada) que Sylvie Blangy a travaillé. Elle répond à la demande de ces communautés de développer leur territoire pour faire face aux intrusions minières, nombreuses dans le grand Nord avec l’industrialisation de cette région du monde. Sylvie Blangy met en pratique la technique de Recherche Action Participative, « Un système, des outils pour faire participer les locaux en évitant la manipulation » assure la chercheuse.
Le tourisme communautaire vecteur d’identité
Le rôle du tourisme communautaire dans ces régions qui s’industrialisent fortement est certes modeste, mais il apporte « une reconquête identitaire, la réappropriation des savoirs locaux, la valorisation des modes de vie traditionnels, la structuration territoriale, le développement de la solidarité », détaille Sylvie Blangy. Ainsi, préparer un territoire à recevoir des touristes, c’est proposer à ce visiteur une vision juste du mode de vie traditionnel. Les jeunes doivent réapprendre les gestes ancestraux auprès des anciens et donc perpétuer leur culture. Et dans tout ça, le visiteur lui même est amené à se poser des questions sur son style de vie. « J’ai en tête l’exemple de ce banquier suisse qui après avoir passé une semaine à marquer les rennes dans le grand Nord, à son retour, a décidé de tout quitter pour devenir aviculteur bio ! »
Le tourisme responsable selon Bernard Schéou :
Un tourisme responsable, c’est mettre l’accent sur la responsabilité des acteurs, de tous les acteurs concernés par le tourisme. Cela suppose une réflexion autour des conséquences environnementales, éthiques, sociales de leurs actions. Le tourisme responsable, c’est mettre l’accent sur la responsabilité de nos actes.
En savoir plus : « Le guide des destinations indigènes » par Sylvie Blangy, mars 2006, n° ISBN 2-911939-53-0, 30€, Indigène édition.
– la rubrique « Tourisme solidaire » sur VA
L’association Echoway sur VA, et sur leur site internet : www.echoway.org
– vve-ecotourisme.com : des voyages, séjours et randonnées du premier réseau national d’écotourisme
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Par Aurélia Dumté
Journaliste, photographe à certaines heures du jour et de la nuit, marcheuse au rythme des papillons et des plumes qui jalonnent mon sentier, j'aime rencontrer les gens, d'ici, de plus loin, ce qui font des petites choses, ceux qui en font des grandes.
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