Baracoa : Oriente, luxuriance et cacao !
A l’extrêmité orientale de Cuba se trouve une petite bourgade colorée au fort caractère. Longtemps honnie pour avoir osée se tenir à l’écart du monde havanais, elle fut sous Fidel le point de chute des fonctionnaires à rééduquer du système –Léonardo Padura dans son sublime roman – « L’homme qui aimait les chiens »[i] – nous régale par le récit de sa disgrâce aux confins de l’Oriente. Aujourd’hui toutefois, la belle savoure sa revanche. De plus en plus prisée des visiteurs, elle aime à se vanter d’être le premier point de chute de Christophe Colomb sur l’île et si l’on n’apprécie pas l’histoire, on aura plus de difficultés à résister à ses fincas luxuriantes où cacao et café se disputent la vedette.
Quand l’histoire tangue autant que la mer
Baracoa n’est pas la seule bourgade à se prévaloir de la primeur de la colonisation espagnole. Petit port du nord-est de l’île, Gibara revendique également la paternité du premier voyage de Christophe Colomb. Quand Gibara brandit pour témoin le journal de Bartolomé de Las Casas et sa description du golfe de Bariay, à l’est du port actuel de Gibara, Baracoa réplique avec les écrits de Christophe Colomb qui évoque une montagne qui serait El Yunque, l’Enclume, aujourd’hui l’un des symboles de Baracoa pour sa forme unique évoquant cet outil forgeur de métaux. Au final, on ne sera pas vraiment qui de l’une et de l’autre a vraiment eu la primeur de l’explorateur mais on pourra toujours, pour le symbole, allait découvrir la croix de Christophe Colomb, perdue dans les sables de l’actuel port de Baracoa où un hôtel a fait son nid…
Des confins et des hommes confinés
Quelle que soit son histoire avec le grand Colomb, Baracoa, cela est sûr, a bien été fondée par un Espagnol, Diego Velasquez en l’occurrence, en 1511 ou 1512, là aussi les historiens semblent tanguer. En revanche, tout le monde semble être d’accord sur le caractère de « ville oubliée » qui a longtemps collé à la belle. D’ailleurs, si l’on en croit les Espagnols lorsqu’ils découvrent la cité, « il y existe des hommes qui avaient un seul œil, et d’autres qui avaient des museaux de chien et qui se nourrissaient de chair humaine : sitôt qu’ils en capturaient un, ils le décapitaient et buvaient son sang, et ils lui coupaient la nature ». Bref, une fois de plus, l’histoire nous sert de terribles « cannibales » en guise de premier contact avec les Taïnos, peuple premier de ces contrées. Ah la terrible et dévastatrice civilisation ! Toutefois, ces indigènes qui furent massacrés par les colons sur toute l’île de Cuba furent en partie épargnés à Baracoa, où l’on trouve encore des descendants de l’ethnie originelle.
La revanche de l’Enclume
Quelques siècles et quelques touristes plus tard, Baracoa prend donc sa revanche. Concrètement, elle attire et séduit, des randonneurs notamment, qui aiment sa luxuriance et son fort caractère. Il faut dire qu’au-delà des Tainos, la baie de Miel et la Sierra del Purial s’étaient également chargées d’isoler la ville du reste du monde. Ce n’est qu’en 1960 que la Farola, route de montagne longue de 120 km reliant Guantanamo à la baie, désenclave Baracoa et lui offre un autre accès que la seule voie maritime. Et comme toujours, d’un mal nait un bien, puisque la belle préservée offre désormais sa luxuriance aux voyageurs, qui adorent parcourir ses sentiers et son Enclume où l’on découvre fougères arborescentes, orchidées et parfois au détour d’une feuille, cet escargot à la coquille bariolée qui fait la fierté des locaux : le polymita, qu’il vaut mieux éviter de ramasser si l’on veut laisser en ce monde quelques résidus de biodiversité à nos enfants…
Coco, café ou chocolat ?
Il serait difficile de conclure cet article sans dire un mot du café et plus encore du cacao, qui fait la fierté de Baracoa et dont vous expliquera tout le processus de fabrication dans les fincas : de la cabosse à la tablette ! La noix de coco est aussi reine et ingrédient principal de bien des douceurs, dont les fameux cucurucho, sucrerie mêlant coco, chocolat et miel, dont la richesse calorique n’est plus à prouver… mais que défient aussi les yemitas, petites boules de chocolat, noix de coco et sucre, ou le turron de coco. Bref, les randonneurs n’auront pas besoin de venir avec leurs barres de céréales et remise en forme, on trouve tout ce qu’il faut sur place. Et si vous êtes curieux, dans le fond d’une arrière cours, vous aurez peut être la chance d’assister à un spectacle certes moins alléchant que la préparation des douceurs sus nommées, mais tout aussi haut en couleurs : les combats de coq perdurent voire même reviennent à la mode au sein de la jeunesse de l’Oriente. De quoi parier quelques cucuruchos !
[i] L’Homme qui aimait les chiens, Léonardo Padura, Métailié, 2011. 672 p. 24 €
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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