Les paysans du tabac de Viñales
Le village de Viñales, implanté sur une terre vouée à l’élevage dès 1607, a été fondé au 19e siècle avec l’essor de la culture du tabac. Dans cette vallée pousse l’un des meilleurs au monde, celui dont on fait les puros, les havanes. Et pourtant, à voir les paysans locaux, les guajiros, pousser leur charrue derrière une paire de bœufs attelés, à observer les séchoirs traditionnels coiffés de leur toit de palmes séchées, on a bien du mal à imaginer que de cette campagne tranquille sortiront les illustres cigares qui approvisionnent les plus grandes compagnies au monde telles Cohiba, Romeo&Julieta…
Dieu est un fumeur de Havane
Pour les occidentaux qui regardent toujours le monde avec les yeux de Christophe Colomb, le cigare a cinq siècles d’histoire. Pour les Indiens, habitués depuis toujours à fumer ces bâtons de feuilles roulées, le tabac a toujours été une plante sacrée, à l’image de la coca ou de la vigne. A Viñales, le tabac est planté entre octobre et novembre et récolté en février ou mars. Et dans les champs, les techniques ancestrales sont toujours à l’honneur. Manolo : « La traction animal est un choix. La plante a besoin d’un sol souple. Le poids du tracteur tasse trop la terre et fragiliserait les plants. Cultiver de façon mécanique entrainerait une perte de qualité. » Le tabac est ensuite entreposé pour séchage pendant trois mois et durant ce long processus, chaque feuille est régulièrement retournée. Puis, lorsque commence la fermentation, on ajoute un peu d’eau, parfois même un peu de miel, du rhum, de la canne à sucre. Chacun a ses secrets. La feuille fermente alors de 3 à 21 jours à une température de 41° maximum puis quelques heures à 60°.
Visite d’une entreprise publique
Rendez-vous dans un entrepôt de tabac pour voir ce qu’il advient des feuilles ensuite. Une guide d’état nous accompagne et nous explique le processus. Les feuilles de tabac sont d’abord triées en fonction de leur qualité. Les meilleures sont réservées pour l’intérieur du cigare, les moins bonnes pour l’extérieur. Chaque partie d’une feuille est utilisée. Les femmes s’occupent alors du pressage. Les feuilles cassées sont réservées pour le tabac des cigarettes ou les pipes. Une fois pressées, les feuilles sont rassemblées dans des paquets que l’on entrepose. La maturation dure alors de quatre à cinq ans pour les meilleurs cigares, avant de partir à l’usine. En tout, 86 ouvriers dont 72 femmes travaillent sur le site pour un salaire de 365 pesos par mois (20 CUC). Habituée aux questions des visiteurs, la guide ajoute, précédant presque les interrogations : « Les ouvrières travaillent 8 heures par jour, sont prises en charge pour la maternité, ont une sécurité sociale et un mois de congé annuel. » Malgré tout, le travail est rude, et l’on voit peu de jeunes, qui préfèrent faire autre chose…
De la tripe et du nez
Une fois mature, le tabac est roulé à la main. Le puro est composé de la tripe, mélange intérieur lui-même produit de l’assemblage de trois types de feuilles (seco, ligero et volado). Puis, la tripe est enveloppée par la sous-cape, qui forme le cigare, alors placé dans un moule avant d’être habillé par la cape, feuille souple et sans défaut. L’usine produit 350 tonnes de tabac à l’année. Les paysans vendent à l’état 90% de leur production. Ils n’ont pas le choix. Des équipes de vérification passe contrôler la qualité et le poids. Pour les 10% restants, en revanche, il est possible de revendre aux touristes de passage. C’est le cas de Benito, qui accueille les visiteurs dans sa petite maison sur les sentiers de campagne de Viñales. On s’assoit autour de la table, et là, la démonstration commence. Il explique la production, exhibe une magnifique feuille, roule délicatement le cigare, et nous invite à le goûter. La conversation se poursuit dans les volutes de cigare.
Depuis quelques années, les producteurs de tabac de la région tentent d’organiser une « route du tabac » pour permettre aux visiteurs de découvrir les champs, les « séchoirs » et les fabriques, de mieux comprendre aussi les nombreuses étapes de fabrication du cigare et ce, d’autant que la vallée abrite une culture originale, le Viñalero, chants des anciens esclaves qui travaillaient dans les plantations, et dont Benito Hernández Cabrera fut le principal interprète. Difficile de quitter Viñales sans quelques cigares dans son escarcelle, même sans être fumeur, juste pour le plaisir de l’échange.
———- ALLER PLUS LOIN ——————
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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