UTD : Vers un tourisme sans plastique ?
Parmi les sujets dans l’air du temps dans le monde du tourisme, celui de l’alternative au plastique arrive en bonne place. Comment faire pour réduire ce contenant omniprésent dans l’industrie touristique et notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration où il a essaimé entre bouteilles d’eau, emballages sous vide, etc. ? Animé par Marine Pescot (Racing for the oceans), Henri Bourgeois-Costa (Association Océans sans plastiques) et Clémentine Russo (ATD / NousDurable), les Universités du Tourisme Durable (UTD) réunis en atelier ont tenté de présenter quelques enjeux et solutions face à cette pollution plastique.
Quelques chiffres édifiants autour du plastique
Parler du plastique, c’est d’ores et déjà avoir à l’esprit quelques chiffres édifiants qui rappellent l’urgence d’agir. Chaque seconde, 160 000 sacs en plastique sont produits dans le monde, soit 500 milliards de sacs chaque année. Sur les 350 millions de tonnes de plastique produites chaque année, 10 millions finissent dans l’océan (l’équivalent d’un camion toute les minutes), au point qu’en 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans. D’ores et déjà, entre la Toscane et la Corse, il y en a plus que de plancton. Or le plastique est même présent dans nos corps puisque nous ingérons l’équivalent d’une carte de crédit (5g) par semaine. 55% des personnes interrogées estiment que le plastique ne respecte pas l’environnement, et 9 personnes sur 10 préfèrent le vrac au plastique quand elles ont le choix. 45% du plastique utilisé l’est pour le packaging, 20% pour la construction et 10% pour l’automobile. En outre, d’après l’Atlas 2020 du Plastique de la Fondation Heinrich Böll – « Moins de 10 % de tout le plastique mis en circulation a été recyclé. La pollution des sols par les déchets plastiques et les micro-plastiques pourrait quant à elle être 4 à 23 fois plus élevée que la pollution des océans. Enfin, à son rythme actuel, l’industrie du plastique aura rejeté environ 56 gigatonnes de CO2 dans l’atmosphère d’ici 2050 : la fabrication de cette matière pourrait accaparer 10 À 13 % du budget carbone avec lequel il serait possible de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5°C. »
Repenser la question du plastique avec Henri Bourgeois-Costa
D’après Henri Bourgeois-Costa, porte-parole de l’association Océans sans plastiques et expert en économie circulaire, la question du plastique n’est pas si simple car il s’agit d’un sujet très technique qui achoppe souvent sur de fausses bonnes idées. « Il existe de nombreux types de plastique très différents or à l’heure actuelle, on ne sait pas encore recycler tous les plastiques. Tout dépend aussi de l’usage qu’on en fait. Par exemple, le plastique à usage unique est un véritable problème mais parfois, pour les seringues, cela reste inévitable. » Le fait que 40% du plastique produit soit à usage unique reste toutefois un véritable problème mais, en cherchant à sortir de ce matériau, on trouve parfois des solutions bien pires tels les bios plastiques. « Ce n’est pas parce qu’un plastique est biosourcé qu’il est biodégradable. C’est toujours du plastique et il se retrouve de la même façon dans la nature… Reste en outre la question des adjuvants ajoutés dans les granulés… »
En outre, le plastique peut servir d’éponge aux autres polluants (métaux lourds) et va déséquilibrer l’écosystème, favorisant certaines espèces au détriment d’autres. Et de rappeler qu’aujourd’hui, si une bouteille d’eau en polyéthylène téréphtalate (PET) est bien collectée, on sait la recycler, ce qui n’est pas le cas pour les bouteilles en bioplastique et pour nombre de solutions alternatives comme les pailles en amidon de maïs. « Il faut réfléchir à l’ensemble cycle de vie, du début à la fin mais aussi à la gestion de la collecte. Cela pose des questions pour des matériaux comme le mais ou l’avocat où il y a souvent des trous dans la raquette. » L’enjeu de la collecte et de son efficacité s’avère donc primordial, avec près de 9 bouteilles sur 10 recyclées quand il s’agit de PET. Autre système efficace que la France ferait bien de mettre plus en avant sur les bouteilles d’eau, la consigne. « Grâce à la consigne, la Norvège a réussi à collecter 99% de ses contenants. Evidemment, l’idéal est de moins produire, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas ! »
Accompagner les acteurs dans leur transition avec Marine Pescot
Faute d’alternatives véritablement convaincantes pour l’heure, il existe des solutions de remplacements ou des idées malines pour éviter le tout plastique. Présidente de Racing for the Ocean, Marine Pescot accompagne des entreprises de tout secteur d’activités vers la transition durable « Zéro Plastique ». « Aujourd’hui, les citoyens, les clients souhaitent réaliser cette transition pour le sans plastique mais il faut que cela parte du top management, qu’il soit porteur de ce changement. ». La jeune chef d’entreprise organise régulièrement des réunions avec des hébergeurs et l’ensemble de leurs équipes afin de trouver des solutions durables et des alternatives réalisables. « Le plastique est un no sujet. Les alternatives ne sont ni le plastique recyclé, ni le plastique fossile ni le plastique végétal, il n’existe pas de solution miracle pour supprimer le plastique. »
L’idée est alors de penser autrement, de privilégier la livraison de frais sans emballage, l’utilisation de bocaux en verre, de fontaines ou bonbonnes à eau, etc. « Des solutions existent mais ne sont pas toujours viables dans le système. On essaie de créer une demande afin que cela intéresse aussi les industriels ». Sur l’exemple précis d’une chambre d’hôtel par exemple, Marine réalisera un audit des produits de la chambre et essaiera de remplacer tout ce qui est en plastique. « Pour un client qui souhaite changer, cela demande souvent un investissement la première année avec 10 à 15% d’augmentation au global sur le prix des produits (bouteilles en verre, fontaines à eau…) mais dès la deuxième année, cela devient rentable. » Marine a ainsi accompagné un hôtel parisien de 50 chambres qui a réalisé une économie de 40 000 € sur toute sa gamme cosmétique en remplaçant les gels douche, shampoing et autres savons par du solide et des contenants sans plastique. « Il faut suivre produit par produit et évidemment, l’expérience client ne doit pas souffrir. » Ainsi, pas question d’utiliser des produits trop bas de gamme mais surprendre plutôt avec de jolis packaging innovants (marbre, céramique, aluminium, etc.). Autre point à prendre en compte, les équipes, qui ne doivent pas perdre trop de temps en faisant la mise en place et être bien formés à ces nouvelles installations.
Des pistes et des impasses
Outre les économies de fonctionnement réalisées, lutter contre le plastique peut vite être gratifiant car contrairement au changement climatique ou l’on a peu de prise sur l’efficacité des mesures mises en place, c’est très vite palpable avec le plastique. A l’heure du Covid, ce dernier reste toutefois un véritable fléau avec un boum de 30% pour le seul secteur de l’emballage et tous ces masques jetables dont on n’a pas anticipé la fin de vie. Pour l’heure, en France, une seule entreprise de la Vienne – Plaxtil – s’est lancée dans leur recyclage. Située à Châtellerault dans la Vienne, elle a mis au point une filière qui les transforme en matière plastique…
Pour conclure, Henri Bourgeois-Costa a souhaité rappeler qu’il faut faire attention aux solutions de façade, pointant l’exemple du gobelet en carton, une fausse bonne idée de plus puisque le carton a besoin d’être légèrement plastifié pour devenir étanche et donc, ne se recyclera pas. « Mieux vaut un plastique qui se recycle qu’un carton qui ne se recycle pas du tout. » Quant à Marine Pescot, elle a souhaité rester positive : « Il y a aussi beaucoup de positif. Des citoyens, des associations souhaitent que cela bouge, et les choses avancent. »
Alors, pour rester positif et trouver toujours plus de solutions malines, voici quelques pistes issues des intervenants, de l’atelier et de notre portail pour lutter toujours plus contre le plastique.
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– S’amuser avec le tri ludique – faire rêver et initier avec le nudge (messages dans l’insconcient)…
– A Romes et à Pékin, on paie le métro avec des bouteilles en plastique
– Quelques sites et projets inspirants :
- Le Sargasse project : https://sargasseproject.com/
Les sargasses sont des algues brunes qui ont investi depuis 2011 le littoral des Caraïbes, constituant un véritable fléau écologique, économique et sanitaire. Notre projet est de convertir ces végétaux nauséabonds et toxiques en un biomatériau utile et écologique, pour devenir l’un des nouveaux emballages de demain.
- Koovee : https://koovee.co/
Des couverts comestibles à croquer
- Ecoware : https://www.ecoware.co.nz/
Emballages en algues, sachet de thé dissolvant, gobelets à base de plantes/
- Zero Waste France : https://www.zerowastefrance.org/
Zero Waste France est une association qui défend la démarche zéro déchet, zéro gaspillage.Voir aussi l’article de Florie : https://www.voyageons-autrement.com/zero-dechet-dans-l-hotellerie-restauration-en-5-actions
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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