La Thessalie s’appuie sur la Lozère pour développer son offre touristique
Thèmatique : Initiative régionale Institutionnel Territoire
A quelques heures d’Athènes, coincée entre la mer d’Egée et la Macédoine, la Thessalie est une terre agricole qui a longtemps fait des envieux chez ses voisins moins dotés. Ici, entre ciel et mer, terre et montagne, tout semble pousser. Ici, jusqu’à peu, on ne se posait pas la question de l’après. Les saisons tournaient et les hommes récoltaient le fruit de leur travail. Mais tout cela, c’était avant, avant la terrible crise qui s’est peu à peu propagée jusqu’aux régions les plus riches. Contrainte de repenser son développement, la Thessalie se tourne à présent vers le tourisme, un tourisme qu’elle souhaite toutefois contrôler et adapter pour ne pas perdre son identité rurale et son âme agricole, à l’instar d’une longue histoire et d’une belle coopération avec sa région sœur, la Lozère.
Au ciel il y a le paradis et sur terre… la Thessalie ?
Est-ce parce qu’elle est située sous la protection des dieux de l’Olympe que la Thessalie est si riche ? Sur ces terres agricoles situées à quatre-cinq heures de route au nord d’Athènes, 750 000 habitants se partagent la deuxième région la plus étendue du pays. Au gré des kilomètres qui défilent, en direction de la grande bleue, on croise oliviers, champs de coton, plantations de pommes, châtaigniers, carrés de vigne, cerisiers, figuiers, cultures maraichères. Plus au nord, passé la préfecture de Larissa (290 000 habitants), les terres sont plus sèches, les pâturages prennent le relais. Brebis et chèvres broutent au grand air. Pas étonnant que la meilleure féta de Grèce (et donc au monde !) viennent de Thessalie. Là, sur les flancs de l’Olympe, parc national depuis 1938, on ne trouve pas moins de 1 700 espèces de plantes, de champignons, d’herbes dépuratives et autres merveilles des hauteurs. Un paradis que ne renient pas les poissons de la mer Egée.
Temps de crise
Longtemps, la Thessalie n’a pas eu besoin du tourisme, la région, prospère, était avant tout un havre de paix prisé des citadins qui venaient s’y ressourcer en famille. Ainsi, la préfecture de Larissa compte près de 15 000 résidences secondaires quand l’hébergement hôtelier reste encore peu développé : 3 000 lits pour 12 hôtels de petites capacités répartis principalement sur le littoral avec quelques incursions entre l’intérieur de terres et les quelques sites touristiques. Seul hôtel de 50 chambres, le Golden Beach. Mais la crise est là, la donne change. Dans les régions, on tente de développer de nouvelles activités. Dans la préfecture, le tourisme apparait alors comme une solution idéale. Vice-président de la société de développement du département de Larissa, Vassilis Letsios précise : « Notre préfecture a toujours pu compter sur l’agriculture, nous sommes l’une des plus riches régions du pays avec de nombreuses ressources. Avant, nous n’avions pas besoin de promouvoir la région. Mais la crise a été particulièrement dure cette année. Pour l’heure, on tente d’attirer les touristes. Certes, on voit passer du monde, des Grecs principalement, mais au final, très peu d’argent rentre. » De fait, pour l’heure, la pénétration semble vraiment limitée. Isabelle Bouchy, qui nous accompagne et décode pour nous cette Grèce où elle officie depuis presque trente ans, nous a bien expliqué que le gros de la saison touristique se concentrait entre le 15 juillet et le 15 août, toutefois, à quelques jours de la rentrée scolaire (nous sommes en septembre), on reste surpris de voir ses rangées infinies de chaises longues et parasol, qui, sans âme qui vive, dialoguent avec la mer en attendant d’hypothétiques vacanciers…
Des atouts en nombre
Et pourtant, la Thessalie ne manque pas d’atouts. Ici, sous le soleil, le tourisme semble avoir de beaux jours devant lui. Le littoral, encore peu développé, compte quelques 16 kilomètres de plages ininterrompues, une mer azur, une eau qui oscille entre 26 et 28°. D’ailleurs, ici, on ne se baigne pas, on prend un bain. Il n’y qu’à voir, en longeant la grande bleue, les Grecs flotter dans l’eau, chapeau sur la tête, immobiles. On s’immerge et on attend que le jour descende, quitte à entamer une conversation avec ses voisins. Alors, afin de mieux faire connaitre ces plages encore préservées, les gens du pays commencent à se mobiliser. Journaliste basée à New York, Athéna est de passage dans la région, sa région natale, pour réaliser un documentaire sur le mont Olympe. Assise à la terrasse du Spitaki Café, elle m’explique : « Nous avons le 2e littoral le plus étendu de Grèce avec 16 kilomètres de plages mais malheureusement, personne ne lui donne le même nom. Certains disent la plage d’Aya, d’autres celle Larissa, d’Agiokambos, certains tentent d’expliquer qu’on se situe entre le Mont Olympe et le Kissavos. Tout cela est vrai, mais on ne s’y retrouve pas. Il nous faut un nom plus global, un nom qui parle. J’ai pensé à Seven Blue miles et j’ai ouvert une page facebook. Il faut aller cliquer sur le site, absolument, c’est ainsi que nous gagnerons et que nous nous ferons connaitre ». Seven Blue Miles, je ne suis pas convaincue, un nom bien trop branché qui laisse à croire à des plages ponctuées de ressorts quand le littoral reste à échelle humaine avec de petites plages, des criques préservées, peu de tourisme. Et puis, est-ce vraiment ce que souhaitent les autorités locales, qui ont fait appel à la région Lozère pour les aider à développer l’arrière pays, façon de rééquilibrer le territoire, de valoriser l’intérieur des terres, façon d’éviter une fréquentation touristique autocentrée. D’autant, qu’au-delà de la mer, la Thessalie compte deux prestigieux géants, les Monts Olympes et Kissavo.
Vers un tourisme rural et intégré
La Lozère et la Thessalie, un mariage réussi qui comme souvent, a commencé par une dispute. En 1999, la « guerre de la féta » éclate. La Lozère, qui en produit dans ses usines, est directement dans la ligne de mire de la république hellénique. Les débats sont vifs et la Grèce finit par emporter le morceau. La féta de Lozère sera désormais « salakis » et la grecque, le fromage que l’on connait composé précisément de 70%de brebis et de 30% de chèvre. Quelques années plus tard toutefois, les deux régions se retrouvent autour d’un programme de coopération européenne – LEADER – désireuse de dépasser les différents d’autant que les ressemblances sont légion : toutes deux font partie de l’arc méditerranéen, ont le même type d’agriculture. En outre, courant 2011, les Causses et Cévennes (dont une grande partie se situe en Lozère) ont été classés au patrimoine mondial de l’Unesco, forme de reconnaissance du paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen dont on retrouve bien des caractères en Thessalie. Depuis bientôt dix ans, les deux régions travaillent ensemble, partagent leurs expériences de tourisme rural, de démarches qualité. L’idée : revaloriser le secteur primaire à travers le tourisme. De nombreuses actions et projets ont déjà été financés et actuellement, la Lozère assiste la Thessalie pour la création d’un label de qualité sur les hébergements et produits touristiques. Directeur du Comité Départemental du Tourisme et chef de file de la coopération avec les Grecs, Pierre Spirito précise : « En Lozère, les gorges du Tarn voient passer le gros des flux touristiques. Tout le défi a été de rediriger les vacanciers vers des sites moins connus mais tout aussi intéressants. La Thessalie a tous les atouts pour un tourisme rural intégré réussi, façon de développer l’intérieur des terres et d’éviter que l’ensemble des vacanciers ne se concentrent sur le littoral ». La Thessalie, une destination à un tournant de son histoire, longtemps préservée par sa richesse et qui semble être aujourd’hui en mesure d’anticiper un développement touristique trop brutal au profit de formes plus douces, un tourisme vert qui ne renie pas le littoral mais l’intègre à ses routes ensoleillées.
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En savoir plus : Merci à Isabelle Bouchy pour sa patience, ses connaissances et son rôle pivot, elle qui fut le pont entre l’AENOL (société de développement de Larissa) et le Comité départemental de la Lozère – dans le cadre du programme LEADER. Son site : www.medcenv.org
Ses conseils de lecture : L’Eté grec, Jacques Lacarrière, poche Pocket, 2001. Middelsex, de Jeffrey Eugenides, Points, 2004.
Merci à Pierre Spirito, directeur du CDT Lozère et Yves Dhombres, directeur financier et administratif.
http://www.lozere-tourisme.com/
Sites utiles en Grèce :
http://www.aenol.gr/aenol-in-english
http://www.olympusadventure.com/
A lire également :
Récits des temps perdus, d’Aris Fakinos, Seuil Edition, réed. 2009.
Liquidations à la grecque, Petros Markaris, Seuil 2012
Le destin de la Grèce moderne, Kostas Axelos, Encre Marine 2013.
Athènes, une tragédie grecque, Claire Jeantet et Fabrice Catérini, Golias 2002.
LES AUTRES ARTICLES DE CE DOSSIER :
Coopération croisée Thessalie/Lozère
- Nikos, réceptif en Grèce
- Les routes de l’Olympe
- Kissavos
- Kissavos (2)
- Pierre Spirito, directeur du CDT Lozère
- Coopération croisée Thessalie/Lozère
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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