Sur le sommet de l’Olympe
Pour les Grecs, l’Olympe est bien plus qu’une montagne qui flirte avec le ciel, bien au-delà d’un sommet de plus à conquérir. L’Olympe, demeure des douze dieux de l’antiquité grecque, plus haut sommet du pays, est surtout un mystère, une essence, un principe indicible, une présence immuable qui habite dans le cœur de chacun. Gravir l’Olympe, bien-delà de la prouesse sportive, c’est avant tout se rapprocher d’un mythe et pénétrer une zone naturelle préservée, loin de l’agitation du monde.
Les routes de l’Olympe
Chaque année, ils sont 200 à 300 000 à gravir le mont Olympe, à tenter de rejoindre ce nid d’aigle qui trempe ses orteils dans la mer Egée pour s’élever peu à peu entre Thessalie et Macédoine jusqu’aux confins des nuages, l’un des plus importants dénivelés d’Europe. Loin des joyeuses agapes des douze dieux* et de leur maître Zeus, ils sont des milliers à gravir le ciel, bien décidés à en découdre avec le mythe. De l’ambroisie au thé des montagnes, l’homme du 21e siècle a fait son choix : vaincre la roche plutôt que les hommes. Mais, avant d’avoir la jouissance de poser le pied sur l’ultime pierre des sommets, plusieurs routes s’offrent au marcheur. Certains démarreront à fleur de mer au village de Lithohoro (compter deux jours de marche), d’autres s’avanceront jusqu’à Priona (1100m) pour réduire quelque peu la distance (compter une demie-journée d’ascension pour le sommet). Enfin, les plus pressés pourront rejoindre, par une route en terre, la « Cabane de Christakis » (2 400m) géré par le club alpin local. Une fois au refuge, les Grecs comptent une heure jusqu’à Skala puis une heure encore jusqu’à Mytikas, le sommet.
De Skala à Mytikas
Le voyage nous en apprend souvent beaucoup sur les hommes. L’ascension du mont Olympe aura donc été une occasion de plus de vérifier combien les Grecs sont hospitaliers et prévenants (thé des montagnes au refuge, assistance permanente, soucis de l’autre), mais aussi, combien ils aiment à manier le temps avec souplesse, ou, pour le dire autrement, cette capacité extraordinaire qu’ils ont à tenter de glisser quelques heures de plus dans une journée, qui, envers et contre tout, n’en comptera que 24. Nous étions censés faire l’ascension en une matinée et redescendre passé midi. Nous avons finalement retrouvé le refuge quitté au petit matin aux alentours de 17h passé. Certes, nous avons pris notre temps. On prend toujours son temps dans ce pays magique, surtout quand on devrait se presser, c’est là une autre faculté fascinante de ce peuple. Nous devions donc monter au premier sommet, Skala (2 866 m), en l’espace d’une heure, puis passer en mode « encordé et casqué » pour gravir Mytikas, le Sommet (2 917 m), en une 2e heure (sans compter la redescente).
La première partie, jusqu’à Skala, peut effectivement s’accomplir en une heure pour un marcheur exercé et peu bavard, ce qui n’est pas toujours le cas des Grecs, même si l’altitude et les dénivelés réduisent un peu le débit. A Kakia Skala, « la mauvaise échelle », il faut déjà résoudre un problème crucial : qui monte, qui reste ? Depuis ce premier sommet, le Mytikas se dresse brutalement, jaillissement minéral vertigineux, la roche semble avoir englouti toute végétation, on n’ose à peine demander l’origine de ce nom, « mauvaise échelle ». La paroi, aiguisée et pentue, parle d’elle-même. Ils seront finalement dix à monter, deux dieux manquant à l’appel, qui se vengeront en prenant des photos de l’ascension. Trois heures plus tard et un sommet en sus, la cordée est de retour, entière et enchantée, les yeux brillants de l’Olympe conquis. Maudit vertige !
Retour à la terre
J’ai toujours aimé redescendre. Déjà, parce que ça monte moins, mais aussi, parce que le corps et l’esprit ne sont plus tendus vers le but final mais déjà dans le relâchement de l’après. C’est souvent en redescendant que l’on peut se laisser à aller à penser, converser, échanger. En redescendant de l’Olympe, enfin, de la « mauvaise échelle », j’ai compris combien ce lieu, au-delà de son sommet, était important pour les Grecs. Quand on parle avec eux, ils évoquent tout autant le parc national que la montagne, le fait qu’ici, on compte 1 700 espèces de plantes vasculaires, 26 plantes endémiques, une véritable réserve de biosphère dont le thé des montagnes (Sideritis scardica) n’est que la partie immergée. C’est aussi dans la descente que j’apprends que ces bouquetins que l’on aperçoit ça et là sont de retour grâce à la présence des gardes qui ont fait fuir les chasseurs. De fait, le lieu est paisible. Sur la route du retour, des troupeaux de chèvres et de moutons redescendent dans la plaine. Un berger nous confie malgré tout ses craintes des loups, souvent des chiens sauvages, qui s’attaquent au troupeau. L’Olympe, sommet, havre naturel, mais aussi véritable légende pour les Grecs. Le soir même, alors que nous dinons dans la ville voisine d’Elassona, un édile local nous confie doucement : « Le mont Olympe, ce n’est pas tant une montagne qu’un concept, à travers lui, les hommes veulent percer le mystère des anciens temps. Avec l’Olympe, on est bien au-delà d’une montagne, d’un amas de roches et de rocs, c’est tout un symbole, un pilier du ciel. » Malheureusement, l’Olympe renferme aussi des trésors empoisonnés. Dix ans plus tôt, de gros gisements de lignites ont été trouvés près d’Elassona. Depuis, la population locale mène un bras de fer avec le gouvernement pour empêcher son exploitation qui polluerait toute la zone et, en partie, le parc national de l’Olympe. Les hommes sont décidément plus redoutables que les dieux.
* Héra, Poséidon, Hadès, Athéna, Apollon, Aphrodite, Artémis, Arès, Héphaïstos, Hermès, Hestia, Déméter et Dionysos
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EN SAVOIR PLUS
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http://grecomania.forumactif.org/t1143-e4-mont-olympe
Refuge « Cabane de Christaki » : géré par le club alpin d’Elassona (tel : 24930 25448) Gratuit. 40 places d’un côté / 7 places de l’autre. Ouvert été et hiver. Une jeep est nécessaire pour les derniers kilomètres.
Ascension :
Jusqu’à Skala – tout niveau. De Skala au Mytikas – besoin d’être accompagné par des professionnels (sauf montagnards confirmés)
Suivre le guide : Guide Vert : Grèce continentale – Iles ioniennes , Michelin – Edition 2013
Lecture spécialisée : Sur Elassonna : se procurer, via l’Université de Lyon, la thèse du docteur Brunelli sur « Ellasona in ancient year ».
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Merci à Isabelle Bouchy pour sa patience, ses connaissances et son rôle pivot,. Son site : www.medcenv.org
Sites utiles en Grèce :
http://www.aenol.gr/aenol-in-english
http://www.olympusadventure.com/
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Coopération croisée Thessalie/Lozère
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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