Randonnée avec Toundra sur le chemin de Stevenson
« Lorsqu’il arrive au mont Lozère, Stevenson contemple surtout les Cévennes, les Cévennes des Camisards, haut lieu de la résistance protestante. » Nous avons rejoint Christian Brochier à la station du Mont Lozère pour une nouvelle journée de marche avec Toundra. Président de l’Association « Sur le chemin de R.L. Stevenson », Christian nous a transmis sa passion du personnage au pas de l’âne. Il nous a également montré combien chaque étape de ce chemin est variée, emportant avec elle une nature et une histoire à la fois riche et mouvementée.
Premier contact avec Toundra
L’étape du jour prévoit 13 kilomètres à parcourir entre la station du Mont Lozère et le village de Pont-de-Montvert. Nous rejoignons Christian Brochier et Toundra au pied de la petite station de ski. Toundra est un magnifique âne gris dont le nom n’est pas sans lien avec ce qui nous attend. A l’image d’Anne Goubert, Christian est très attaché à ses compagnons qu’il décrit comme des « dauphins sur patte sachant s’adapter et composer avec l’homme ». Il possède 41 ânes et ânesses qu’il loue en saison depuis plus de trente ans. Certains jours, jusqu’à trente de ses bêtes partent conjointement accompagner les randonneurs. Il faut dire que de nombreux clients sont fidèles, certains reviennent depuis dix-quinze ans, des familles de cinq à six enfants. Plus haut sur patte que son comparse Fripouille, Toundra est un âne de Provence, une race qui fut longtemps utilisée par les bergers transhumants pour transporter le sel et faire fuir les chiens errants menaçant les troupeaux. Aujourd’hui, il s’agira de mener à bon port deux jeunes garçons de 5 et 7 ans et ça grimpe… En route !
Cap vers le sommet de Finiels
Depuis la station du mont Lozère, la route grimpe et se transforme vite en un chemin herbu. Nous suivons les montjoies de granite, grandes pierres taillées tout en hauteur qui scandent le chemin jusqu’au col, utile point de repère quand on sait qu’ici, le temps est capricieux. Au carrefour des climats océaniques, continentaux et méditerranéens, le mont Lozère est souvent battu par les vents. En été, la température excède rarement 21° et peut descendre jusqu’à -30 ° l’hiver, période des grands brouillards… Finalement, nous sommes assez chanceux. Certes, le ciel est légèrement couvert mais ce n’est pas sans un certain charme et surtout, cela évite de monter sous un soleil de plomb car pas la peine de chercher le moindre arbre sur cette terre qui évoquerait plutôt la steppe mongole… En chemin, Christian nous explique qu’une partie de ces hautes terres ont appartenues à l’ordre de Malte dont la présence est attestée sur le mont Lozère du 12e au 18e siècle. Cela explique que certains montjoies soient griffés de leur croix, marquant la limite de la propriété que les chevaliers de Malte possédaient sur le mont. Nous progressons tranquillement, les deux garçons ayant vite pris l’option de rejoindre la croupe de Toundra qui foule tranquillement l’herbe rase. Ici, le sol granitique est assez pauvre, mais ces hautes terres où viennent transhumer les troupeaux de mai à octobre ont une grande valeur patrimoniale et paysagère. En 1970, elles ont été classées au cœur du Parc National des Cévennes et sont aujourd’hui sous la protection de l’état (ONF).
Sur le toit de la Lozère !
Après une première pause à 1600 mètres pour avaler un abricot, nous rejoignons le sommet de Finiels (1699 m), point culminant de la Lozère. Pendant que les garçons soulagent Toundra qui les a porté toute la montée, je file observer les différentes tables d’orientation. J’y découvre une intéressante citation datant du passage de Stevenson en 1878 : « le pic de Finiels, où je me trouvais, s’élève à plus de cinq milles six cents pieds au-dessus de la mer et par beau temps permet d’embrasser tout le bas Languedoc jusqu’à la Méditerranée. J’ai parlé avec des gens soit qu’ils prétendent, soit qu’ils croient avoir vu depuis le Finiels, des voiles blanches passant près de Montpellier ou de Sète.» Le temps est aujourd’hui trop couvert pour les bateaux sur les plages du sud mais au nord, on peut toutefois deviner les monts Aubrac et un peu plus à l’est le mont Gerbier-de-Jonc. Trop couvert aussi pour voir le mont Blanc à l’est, mais parfait pour observer les randonneurs qui s’abritent dans les pierriers le temps d’une pause. Il est temps de redescendre via la route forestière des Crêtes.
En redescendant vers la forêt des Nègres
Dans la descente, Christian nous apprend à distinguer deux types de bruyère, la callune et l’érica. Le temps de repérer les deux belles, les enfants ont faim. Il faut songer à s’arrêter. Nous trouvons quelques rochers pour nous sustenter et observer, au loin, un bal de rapaces qui fait écho à celui qu’entament les nuages, de plus en plus menaçants. Il pleut plus bas. En fait, il pleut tout autour mais pas encore par chez nous. Christian propose d’accélérer le pique nique et d’aller prendre le dessert dans un petit refuge plus en amont. Nous reprenons la route sous la menace des nuages, et rejoignons assez vite le couvert du chemin forestier des Nègres. Pendant ce temps, Christian me parle de l’opération Green Trek dont les amis de Stevenson sont partenaires, et qui consiste à distribuer gratuitement aux randonneurs volontaires, un sac éco-conçu qui permet de ramasser les déchets rencontrés sur les chemins. Cette année, plus de 5 000 sacs ont été distribués sur le chemin de Stevenson. La pluie nous surprend dans notre conversation. Heureusement, le refuge n’est plus qu’à quelques mètres. Nous nous réfugions au sec. Seule Toundra reste à l’extérieur, stoïque sous la pluie battante.
Dernière descente vers le village de Finiels
La pluie s’arrête enfin. Nous reprenons la route, Toundra toujours vaillante, lorsque nous sommes saisis par un bruit sourd. D’énormes camions apparaissent au détour du chemin forestier. Ils transportent des monceaux de copeaux de bois qui ont été débité sur place, une importante industrie locale. La filière bois compte beaucoup dans l’économie de la Lozère et ces copeaux alimentent les nombreuses chaufferies au bois. Ce matin, une immense colline de copeaux se distinguait de l’autre côté de la vallée. Nous y sommes.
A la sortie du bois, on distingue enfin la vallée et Finiels en contrebas. Le ciel a grisé mais le paysage reste saisissant. Sur un rocher, le jaune éclatant d’une fleur d’arnica tranche avec cette grisaille générale. Je profite de ces derniers moments de randonnée pour interroger Christian sur le grand évènement qui aura lieu entre le 7 et 11 novembre pour fêter les 20 ans de l’association Stevenson. J’ai déjà reçu le programme et je sais qu’il alternera une journée de colloque, salon de la randonnée puis et journées de marche pour la paix. Mais dans le fond, quel est l’objectif ? Christian me répond simplement : L’idée est de faire vivre les valeurs de Stevenson. Amener les gens à se rencontrer, à se parler, et à parler du chemin bien sûr. Stevenson est souvent considéré comme l’un des premiers randonneurs, ce colloque sera donc aussi l’occasion de réfléchir sur les notions d’itinérance, de chemin. A suivre…
Epilogue
L’étape du jour prévoyait 13 kilomètres à parcourir entre la station du Mont Lozère et le magnifique village de Pont-de-Montvert. Nous nous arrêterons finalement à Finiels, la pluie en ayant décidé autrement. En Lozère, la météo est reine.
—– ALLER PLUS LOIN ——
Se loger entre le mont Lozère et Pont-de-Montvert
- Au Bleymard
- Les Chalets du Goulet
- Hébergement en chalets en pleine nature face au Mont Lozère (proche du Bleymard). L’esprit du lieu est axé autour de la table d’hôtes, lieu de rencontre où les gens peuvent échanger, et où sont mis en valeur les produits les plus locaux et les plus naturels possibles. A ceci s’ajoute la dimension d’espace d’échanges artistiques par le biais d’expositions, de résidence d’artistes et d’ateliers.
- http://www.leschaletsdugoulet.com
- https://www.facebook.com/leschaletsdugoulet
- 04.66.45.85.77
- 07.89.63.35.94
- A Finiels
- Le camping de Lucile Pantel
- Petit camping de montagne du mont-Lozère doté de 25 emplacements ombragés, aménagés entre de gros blocs de granit vous propose un séjour au cœur de la nature.
- Lucile Pantel : 04 66 45 82 16 – lucile.camping@gmail.com
- A Cocurès
- Hôtel la Lozerette
- Hôtel de charme écologique existant depuis 3 générations. Pierrette Agulhon, hôtelière et maître sommelier accueille ses hôtes avec un art de vivre tout en douceur.
- (00 33) 04 66 45 06 04
- www.lalozerette.com
Contact de Christian pour louer un âne :
- Christian Brochier– 04 66 41 04 16 – 06 84 26 30 58 – http://anegenti.free.fr
- Location des ânes à la semaine
A lire
Ânes. Les connaître. Les choisir. En prendre soin. Marisa Hafner. Delachaux et niestlé. 2014. Un magnifique ouvrage rédigée par une éleveuse d’ânes, extrêmement précis et documenté, un guide unique et complet pour connaître tous les besoins des ânes et s’en occuper au mieux.
Le livre de l’âne. Jacky Davesé et Alain Raveneau. Rustica. 1996. Pour tout savoir sur comment bien bien choisir un âne, le nourrir et le soigner au quotidien, lui construire un abri adapté à ses besoins, le mener et le conduire sans heurts, l’amener à se reproduire, éduquer un ânon….
Images poétiques de la Lozère et du Stenvenson : http://www.philippepataudcélérier.com/?p=5567
Plus d’informations :
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A pied sur les chemins de Stevenson
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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