Peut-on être insolite et durable ?
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Depuis cinq ans, Adeline Lenoir ne sait plus où donner de la tête tant la demande afflue pour apprendre à créer son hébergement insolite. Chaque année, les porteurs de projets sont plus nombreux, plus motivés, résolus à se former pour changer de vie. Toutefois, si la jeune entrepreneuse est convaincue que le tourisme durable fait forcément partie de l’ADN de ce secteur en pleine expansion, elle regrette que ce pan entier de l’hébergement touristique ne soit pas plus reconnu et accompagné dans un parcours du combattant pas toujours simple.

Hôtes Insolites ou former pour mieux informer
On n’arrive pas dans la petite marmite de l’hébergement insolite par hasard. Pour Adeline Lenoir, ce fut d’abord une prise de conscience que le tourisme peut avoir bien des effets pervers quand, volontaire internationale en Turquie puis au Maroc, elle observe les enfants des rues venant mendier auprès des sites, délaissant l’école pour ramener quelques sous à des familles dans le besoin. Elle décide alors de reprendre des études de tourisme, travaille un temps dans une agence d’écotourisme au Canada, puis trois ans pour le groupe Huttopia, avant de rejoindre la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Haute Marne pour accompagner des porteurs de projet et demandes de subventions liées au tourisme. Adeline Lenoir : « J’ai eu le déclic le jour où j’ai reçu un monsieur qui venait de créer un hébergement insolite et qui, très mal renseigné par la DDT, avait enregistré une perte de 90 000 € dès sa première année d’activité. J’ai alors réalisé que même les pros pouvaient donner de mauvais conseils. » Tout s’enchaine alors, un blog sur les hébergements insolites en 2016, puis la création d’Hôtes Insolites l’année suivante, un organisme de formation spécialisé dans les hébergements insolites. Depuis, la demande ne cesse d’affluer, soixante personnes sont actuellement en formation, entre e-learning et présentiel, toutes désireuses de mener à bien leur projet.

Insolite et durable, forcément !
Aujourd’hui, la formation est le cœur de l’activité d’Hôtes Insolites, avec pour objectif d’aider les porteurs de projet à y voir plus clair dans la jungle de l’administration française tout en leur amenant une expertise sur des sujets qui rejoignent souvent des préoccupations durables ou environnementales. Adeline Lenoir : « Nos hébergements sont pour la plupart situés en pleine nature, la thématique du développement durable est donc incontournable. Par exemple, on aborde forcément la question de l’autonomie des hébergements, avec des sujets comme la réglementation sur le solaire, la récupération des eaux usées, l’assainissement, etc. » En outre, près de 90% des porteurs de projets déclarent prendre en compte l’écologie dans leur projet, au point qu’Hôtes Insolites prévoit de faire une étude pour mesurer l’impact écologique d’un hébergement traditionnel comparé à celui d’un hébergement insolite. Adeline Lenoir : « Nous sommes également une solution au surtourisme des villes et des sites saturés. Les clients viennent pour l’hébergement, on peut donc les installer n’importe où, dans des zones rurales très reculées mais aussi dans des départements moins prisés. » Quant à la question du prix, qui peut fâcher parfois, elle reconnait qu’il n’est pas facile pour un hébergement insolite d’être accessible à toutes les bourses mais qu’il faut prendre en compte tout le travail que cela nécessite pour des volumes souvent minimes. « Le fait que les prix soient élevés peut s’expliquer par tout un tas de raisons dont le temps passé à entretenir des hébergements souvent réduits en capacité. En revanche, certains hébergeurs ont exagéré et cela joue contre notre image. »

Un réel besoin de visibilité !
Une image d’autant plus importante que l’hébergement insolite passe trop souvent à travers les radars des instances nationales, qui ont du mal à le quantifier, l’oublient de leurs programmes d’aides et de subventions, et ne réalisent pas vraiment que nombre de ces hébergements sont pourtant des solutions durables et alternatives à des régions en mal de lit. Adeline Lenoir : « Dans de nombreux pays du nord, les autorités touristiques ont planché sur l’hébergement insolite qui fait l’objet d’une réglementation spécifique, adaptée, avec une réelle prise en compte de nos spécificités. En France, nous sommes très en retard et nous ne sommes toujours pas pris en compte par les pouvoirs publics ». Il y aurait pourtant des solutions simples à mettre en place pour faciliter l’implantation de certains projets qui ont souvent du mal à rentrer dans les cases de l’administration, entre meublés de tourisme et hôtellerie de plein air, plans d’urbanisme et espaces protégés.

Principal frein toutefois pour les porteurs de projet : trouver des terrains. Adeline Lenoir : « L’urbanisme nous bloque le plus souvent. Depuis 2014, les zones constructibles ont été réduites. Il faut s’intégrer dans le PLU. Il devient de plus en plus difficile de trouver des terres. Au-delà de 5 m2, un permis est nécessaire. » Alors, afin d’apporter sa pierre à l’édifice et d’aider le secteur à gagné en visibilité, Adeline Lenoir a créé l’an dernier le label Hôtes-Insolites, qui vise à fédérer les hébergeurs insolites de qualité ; chambres d’hôtes, meublés de tourisme, campings, hôtels proposant des hébergements insolites. « C’est aussi un moyen de parler d’une même voix et d’essayer d’attirer l’attention des institutionnels pour qu’ils s’intéressent un peu plus à nous. » A l’heure actuelle, 36 hébergements sont concernés, avec une priorité donnée à ceux qui ont suivi la formation d’Hôtes Insolites comme autant de gage de qualité.
Un peu d’évasion en guise de conclusion
Après deux années difficiles liées à la crise sanitaire, les Français ont plus que jamais besoin d’aller respirer autrement, le secteur de l’hébergement insolite a donc encore de beaux jours devant lui. En ce sens, Adeline Lenoir nous a soufflé deux adresses à prix modérés parce qu’il est important d’essayer ce que l’on prône. Ainsi, à l’Herberie de la Tille, au cœur du Parc national de Forêt (Haute Marne), tipis et roulottes vous seront proposés en pleine nature sans eau ni électricité, avec en sus un hébergement gratuit proposé aux hôtes de passage qui voyagent au long cours sans moyen motorisés (à pied, cheval, vélo…) et sans intendance. Enfin, sur les rives du lac du Der, MesHutes propose tipi, yourte ou wigwam dans une clairière aménagée sur un site naturel protégé entièrement réhabilité. Bonne évasion !
————– Aller plus loin ————
A suivre les prochains projets d’Adeline Lenoir ici : Ecologie et ruralité : Adeline Lenoir crée l’”université de village” – Pôle Technologique Sud Champagne (poletechno52.fr)

Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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