Le Sommet de l’Académie Vaolo : petite philosophie sur l’art de voyager
L’initiative québécoise pour un tourisme responsable Vaolo a lancé son Académie des Explorateurs, un lieu de formation et de rencontre entre voyageurs francophones engagés. L’édition 2021 a débuté en fanfare avec un Sommet réunissant pendant une semaine des intervenants passionnés et passionnants. Ce regard tout droit venu du Québec apporte un éclairage unique et rafraîchissant sur le voyage de demain.
Connaissez-vous Vaolo ? C’est une plateforme collaborative proposant des expériences et des hébergements au Québec et aux quatre coins du monde, qui ont un impact local positif et qui respectent l’environnement. Ces pépites sont dénichées par des voyageurs que Vaolo appelle des « explorateurs », formés au sein de leur Académie. Première étape de la formation, le Sommet de l’Académie Vaolo s’est déroulé en ligne du 3 au 7 Mai. Cet évènement ouvert à tous et entièrement gratuit a réuni plus de 500 personnes tout au long de la semaine. Nous avons eu la chance d’écouter une trentaine de participants, experts, explorateurs, voyageurs aux parcours atypiques, venus du Canada, d’Europe et d’Afrique, pour échanger autour de plusieurs thématiques liées au voyage.
L’école du voyage selon Vaolo
L’équipe de Vaolo pose une première question : et si on prenait le temps de réfléchir ici tous ensemble avant de repartir voyager ? Être un bon voisin avant d’être un citoyen du monde en quelque sorte. Face aux enjeux actuels, amplifiés par la crise du Covid, réinventer le tourisme de demain est l’affaire de tous. Animé par la pétillante Joanie St-Pierre, responsable de l’Académie des Explorateurs Vaolo, les discussions nous ont invité à réfléchir, échanger et agir. Comment voyager différemment, voyager mieux ? Comment se comporter dans l’adversité, retrouver sa place dans la nature, évaluer son impact, écouter et observer les autres, s’ouvrir plutôt que de se replier sur ses peurs…
Le directeur de Vaolo, Jean-Sébastien Noël, a rappelé les valeurs fondatrices de Vaolo et celles qui tiennent à cœur toute son équipe. Charles Mony, Président Fondateur de Village Monde – l’ONG qui a propulsé la plateforme Vaolo, a introduit le Sommet par sa vision du voyage de demain, « On peut travailler ensemble pour construire un voyage plus conscient, avec une meilleure répartition du tourisme sur la planète. On oublie trop souvent que l’on fait partie d’un tout, et que le voyage peut nous aider à nous reconnecter à l’essentiel. »
En écoutant les témoignages des actuels explorateurs Vaolo présents lors du Sommet, partis à la rencontre de leurs voisins, de la communauté Innus par exemple, on réalise les vertus extraordinaires de l’échange et du contact humain, pour voir la vie d’une autre manière et être conscient de ce qui nous entoure. Pourquoi souhaitons-nous partir, près de chez nous ou au bout du monde ? Désir de la découverte, attrait de la nouveauté, dépassement de soi, chaque individu en partance à ses propres raisons, ses goûts, ses envies. Mais au final, ne cherche-t-on pas tous la même chose ? Sortir de sa zone de confort, c’est-à-dire sortir tout court : vivre ? Pour des mammifères sociaux comme nous autres, vivre c’est essentiellement se déplacer à la rencontre d’autres individus, et donc avoir des interactions.
Inspirer le changement par le voyage et la rencontre
Parmi le panel d’intervenants, Benjamin de Molliens, fondateur d’Expédition Zéro, sensibilise une large communauté en partageant sur les réseaux sociaux ses différents défis éco-responsables, à vélo, à pied et en kayak. L’objectif : réduire son impact écologique de différentes manières. Grâce aux mobilités douces, mais pas seulement. Réduire aussi l’achat de nouveau matériel, être attentif à sa consommation alimentaire, et limiter ses déchets. « Le voyage de demain, j’essaie de le vivre dès aujourd’hui » lance-t-il dès le début. L’éco-aventurier français rappelle que l’important est « d’essayer de donner envie, s’engager sans avoir peur d’être imparfait. » Donner l’exemple de manière ludique est un des meilleurs moyens d’inciter les autres à nous suivre, et montrer que l’on peut agir à beaucoup de niveau, comme en témoigne sa démarche. « La solution viendra par la modération, non par l’interdiction » conclue-t-il.
On a adoré l’intervention de Richard Remy, fondateur de l’agence de voyage québécoise Karavaniers, dont le sens de l’humour fait beaucoup de bien en ces temps de crise sanitaire mondiale. Guide pionnier en matière de « voyage conscient », il nous explique d’abord que la crise du covid a permis d’innover et d’inviter les Québécois à redécouvrir leur territoire. Puis, il nous rappelle qu’ici ou ailleurs, le voyageur adopte le même comportement, « toujours aller vers les hommes ». Pour ce passionné de trekkings dans l’Himalaya, voyager moins pour voyager mieux ne veut pas dire ne plus voyager. Le tourisme de proximité est formidable mais « on ne peut pas oublier les communautés aux quatre coins du monde, qui se sont ouverts aux voyageurs, et où le tourisme a un impact positif. » Compenser l’empreinte carbone d’un trajet aérien est indispensable, comme le fait son agence de voyage, mais voyager responsable selon Richard Remy c’est aussi s’ouvrir à la différence et aux autres, voyager plus lentement, dans des endroits peu connus, loin des circuits menant aux mêmes merveilles. Quand il évoque la reprise vers des destinations lointaines, ses mots sont forts, « on va continuer de trouver ça beau, on va le trouver encore plus beau et on va le dire mieux. »
Des journées riches en enseignement
Lors de la rencontre dédiée à « L’art de recevoir », Vaolo a laissé s’exprimer des acteurs locaux très impliqués, tels Gautier Amoussou de l’association Éco-Bénin qui travaille sur des projets d’écotourisme, jusqu’à d’autres exemples très différents, comme l’entrepreneur Thomas Chabrières. Grâce à des expériences immersives, il propose aux touristes de devenir des voyageurs, en leur proposant des balades en side-car autour de Marrakech, pour « déconnecter et ouvrir le regard à travers une activité insolite de slow travel ».
D’autres thématiques se sont concentrées sur « Chercher l’humain derrière la caméra » et « Cultiver son impact », avec des photographes et réalisateurs partageant avec une grande générosité leur vision. La réalisatrice québécoise Annie-Claude Roberge nous a séduite par son énergie et ses engagements, qu’elle met au service de son métier depuis plus de vingt ans, « incarner l’authenticité ! Qu’est-ce qu’on veut ? Qui on est ? Et se le rappeler tous les jours ; nous sommes un paquet d’espèces qui habitons dans la même maison, le territoire et la nature font partie de nous. Connaître le monde, mieux le respecter et s’y intégrer ! »
La deuxième journée du Sommet dédiée à la « Psychologie de l’aventure » nous a particulièrement captivée, avec des discussions qu’on aimerait entendre plus souvent. Voyager, partager et raconter des histoires, comme le fait très bien Nicolas Dubreuil, spécialiste des milieux polaires, que l’on pourrait écouter pendant des heures parler du Groenland, « comment replacer l’homme dans la nature et retrouver la juste place ? Ce n’est pas Man vs Wild, c’est l’homme ET la nature. » dit-il.
La guide québécoise Renée-Claude Bastien nous a parlé de son rapport à l’aventure et aux peurs. Au gré des imprévus et des difficultés, le voyageur revoit ses certitudes, sa perception du réel change, il remet en question ses propres croyances. Les aventuriers ont cette force, celle d’être vulnérables, de d’abord s’ouvrir à l’autre, pour mieux se comprendre soi-même.
Enfin, la sincérité de l’ultramarathonien Florent Bougin était l’un des moments forts du Sommet. Il a su partager pendant quelques minutes les émotions liées à l’aventure et à l’adversité en nous livrant ce qu’il cherchait à travers ses voyages, « devenir un meilleur bonhomme, avoir l’humilité de reconnaitre sa vraie quête ». Florent Bougin incarne tout l’esprit de Vaolo. Car le voyage n’est pas une industrie comme les autres, c’est une manière d’être au monde.
Devenir ambassadeur du voyage écoresponsable
« Les voyages forment la jeunesse ». On connaît ce vieil adage professant que l’on apprend au contact des autres et que l’on s’ouvre l’esprit face à l’inconnu. Dans cette belle école de la vie, on se transforme à tout âge, on s’émerveille, on grandit, on tombe, on se trompe, on se relève. La communauté Vaolo sert de lumière pour guider les voyageurs sur le bon chemin et découvrir le monde avec respect et humilité.
Les missions des Explorateurs Vaolo ont été rappelées à plusieurs reprises tout au long du Sommet : explorer, certifier, raconter. Tanya L’Ecuyer, responsable de la communauté d’acteurs locaux nous en a dit plus sur le label Vaolo. Comment les explorateurs travaillent pour partager leurs découvertes ? Dans leur grille de critères, outres les impacts environnementaux et économiques, nous avons retenu que les hébergements et les expériences doivent aussi correspondre aux notions de culture, respect, fierté et authenticité. L’Académie leur permet d’avoir un soutien de la communauté pour dénicher des lieux inspirants, échanger sur les idées, les projets, afin de créer du contenu authentique, bien loin des « influenceurs voyage » qui participent d’une certaine manière à un nouveau tourisme de masse, illustré par des selfies d’aventuriers devant les mêmes sites naturels.
Le mot de la fin fut difficile à poser, comme si personne ne souhaitait que le Sommet et les discussions se terminent. Joanie St-Pierre, observatrice et attentive tente de conclure, « face à l’urgence de la crise climatique, on ne peut pas dissocier la vulnérabilité humaine des endroits les plus vulnérables sur la planète. C’est juste l’humain que l’on peut sauver, en prenant soin de la planète. Aller vers l’autre pour avoir un meilleur impact sur la nature. » Jean-Sébastien Noël rappelle le rôle de l’explorateur Vaolo, « ce voyageur curieux qui souhaite partager un voyage différent à tout le monde, pour guider les autres, pour faire un peu mieux, pour devenir un acteur du changement. Le voyage de demain sera plus humain ! »
Peu de rendez-vous du tourisme sont aussi inspirants. La communauté Vaolo diffuse une sincérité et des valeurs humanistes qui rassemblent. On est prêt à s’engager sur le champ tellement leur message est vrai. Pas de serment ou de polarisation du débat, mais beaucoup de simplicité pour aborder le voyage et l’aventure. A l’heure où il peut être un peu galvaudé d’utiliser les termes trop éculés par les services marketing des agences de voyage, « rencontre, partage, hors des sentiers battus, explorateurs », Vaolo redonne du sens à ces mots en les mettant à leur juste place. On a qu’une seule hâte, suivre les nouveaux explorateurs Vaolo dans leurs micro-aventures et leurs grandes explorations à venir entre le Québec et la France.
Plus d’informations sur le site l’Académie Vaolo 2021 : https://vaolo.com/academies/academie-2021/
Par Sophie Squillace
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