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Bus libérés : des débuts prometteurs…

| Publié le 25 mai 2016
Thèmatique :  Acteur privé   Bons plans   Portrait   Tourisme de masse 
             

Il y aura bientôt un an que les transports en bus ont été ouverts à la concurrence dans notre pays pour (nous citons) : « Libérer du pouvoir d’achat, créer de nouvelles lignes et des emplois ». L’heure de faire le point avec Pierre Cossard, spécialiste des transports publics et rédacteur en chef du magazine professionnel « CONNEXION Transports-territoires »…

P.Cossard

Voyageons Autrement : Pierre, merci d’avoir accepté de nous prêter main-forte. Pouvez-vous nous présenter votre magazine Connexion en quelques mots ?

Pierre Cossard : CONNEXION Transports-Territoires est un magazine professionnel quinzomadaire vendu uniquement par abonnements, et destiné à l’ensemble des acteurs du transport public : politiques en charge des transports, opérateurs urbains et interurbains, industriels. Le magazine est né sous cette forme en 2015, mais il est issu d’un titre vieux de 40 ans, connu sous le nom de Bus & Car Magazine, qui a finalement évolué vers cette version, laquelle analyse des problématiques à la fois plus vastes et plus intégrées du transport public au sens large.

V-A : Un an bientôt donc que les transports en bus ont été « libérés ». Faisons le point ensemble en commençant par les « nouvelles lignes » promises. Combien ont été créées à ce jour et pour quel kilométrage total ?

PC : Les chiffres dont nous disposons aujourd’hui datent de fin mars 2016 et sont issus du premier bilan établi par l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), qui est chargée par l’Etat de veiller – sur demande des autorités organisatrices de transport – à ce que les lignes ouvertes par les opérateurs privés ne viennent pas concurrencer frontalement des services déjà existants et financés par les collectivités. De ce premier bilan officiel établi au 21 mars, il ressort que 148 lignes ont été créées, soit 700 nouvelles liaisons dans l’Hexagone. Le réseau ainsi créé dépasse désormais 76 000 km. Fait notable dans un pays aussi centralisé comme le nôtre, seules 13% de ces nouvelles liaisons transitent par Paris !

V-A : Quelles compagnies les ont créées ?…

PC : Aujourd’hui, on peut considérer que quatre opérateurs ont vu le jour pour répondre aux besoins de ce marché spécifique : OuiBus (filiale de la SNCF), Flixbus (filiale française d’un opérateur allemand qui domine ce marché outre-Rhin), Isilines (filiale de Transdev) et Starshipper (une marque née de l’union d’un certain nombre de PME du transport membres du groupement Réunir). A la marge, il est aussi possible de considérer les offres d’Eurolines et du britannique Megabus comme parties prenantes du développement de ces lignes routières nationales, même si, dans le cas de ces deux opérateurs, il s’agit plutôt de cabotage entre les villes françaises, dans le cadre de liaisons internationales. A ce jour, les entreprises les plus dynamiques en termes d’ouvertures de nouvelles liaisons sont certainement Flixbus et OuiBus.

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V-A : Sait-on combien d’emplois (directs ou indirects) ont été créés à ces occasions ?

PC : Le calcul est assez complexe à mener, la plupart des services effectués l’étant par des entreprises déjà actives en tant qu’opératrices de transport routier de voyageurs et travaillant pour le compte des marques précédemment citées. Elles redirigent donc généralement une partie de leur personnel vers cette activité. On estime cependant aujourd’hui à un peu plus d’un millier le nombre de postes équivalent temps plein créés depuis le lancement des lignes dites Macron, et 80% d’entre eux concernent des emplois de conducteurs.

V-A : On parlait d’une quarantaine de villes ciblées. Combien ont bénéficié à ce jour de nouvelles lignes ? Quelles sont les apports majeurs de ce côté (et les ouvertures rencontrant un vrai succès) ?

PC : Plus de 140 villes sont désormais desservies par au moins une ligne de car. Il est à noter cependant que les lignes qui remportent le plus de succès sont toujours celles qui passent par Paris, même si elles sont minoritaires. Ainsi, les liaisons Lille-Paris ou Lyon-Paris (clairement concurrentes des liaisons ferroviaires SNCF) représentent 68% du nombre de voyageurs transportés en autocars. Par ailleurs, la concurrence entre les différentes compagnies est très importante sur les lignes Angers-Paris, et Paris-Toulouse. Il faudra cependant attendre une année d’exercice pleine, c’est à dire vers septembre prochain pour analyser avec plus de précision les résultats liaison par liaison.

V-A : La clientèle a-t-elle suivi ? Comment la qualifier en quelques mots : transfert du train vers le bus, nouvelles clientèles (si oui, lesquelles ?). Jeunes et seniors (qui ont du temps) étaient visés en priorité…

PC : Il semble que la clientèle ait effectivement suivie, puisque les chiffres sont passés en quelques mois de 125 000 clients voyageant en autocars à plus de 770 000 au 21 mars, dont 525 000 au départ ou en provenance de Paris. D’après les différentes études menées, il semble que les jeunes soient les clients les plus séduits par ce mode, l’autocar se révélant clairement moins cher que le train, voire plus économique que les services d’autopartage (type Blablacar). Cependant, toutes les lignes ne sont pas égales face au succès, et les autocars Macron considérés à l’échelle nationale, n’affichent qu’un taux de remplissage de l’ordre de 32%… Beaucoup moins sur certaines liaisons.

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V-A : Se dirige-t-on vers un phénomène à l’allemande où le nombre de voyageurs a plus que doublé après la mise en place de la libre concurrence en 2013.

PC : Il faudra bien observer les résultats engrangés lors des mois d’été à venir pour en juger. Mais les observateurs du secteur se montrent optimistes et estiment que l’année 2016 pourrait se terminer avec un total de 2,5 millions de passagers transportés. Il s’agirait alors d’un développement quasi exponentiel, qui demandera cependant à être consolidé. Le comparatif avec l’Allemagne doit néanmoins être fait avec prudence, ce pays possédant une véritable tradition en matière de transport en autocar, ce qui n’est pas tout à fait le cas de la France. Du moins jusqu’à aujourd’hui.

V-A : Les prix sont-ils ceux qui étaient attendus (bas) ?

PC : Nous sommes aujourd’hui dans une logique de développement du marché, avec des prix d’appel, un peu comme dans l’aérien avec les compagnies low-cost. Même si l’on retient généralement les tarifs à 1 ou 5 euros, il faut savoir que le prix moyen des billets oscille entre 20 et 30 euros, ce qui est davantage conforme à la réalité économique du marché. Pour autant, ces prix restent toujours inférieurs à ceux de la SNCF, ce qui fait sans doute le succès de l’offre.

V-A : Un travail est-il fait sur les gares routières (assez glauques en France avouons-le)

PC : Les gares routières restent clairement le point noir de tout le système. Elles ont été délaissées depuis des années et, dans la majorité des cas, ne correspondent plus aux besoins actuels. L’Arafer mène aujourd’hui une grande enquête sur le sujet, et nous attendons par ailleurs une ordonnance gouvernementale qui permettra de clarifier les responsabilités de chacun et les futurs modes de création et de gestion de ces infrastructures. Dès que le contexte réglementaire sera éclairci, il sera alors possible d’envisager des stratégies de développement d’un vrai réseau de gares routières, intelligemment liées aux réseaux de transport public des villes desservies. Il s’agira d’une condition obligatoire à l’essor définitif des liaisons en autocar dans le pays.

V-A : Que dire d’autre d’essentiel ?

PC : Que malgré les bons résultats affichés en termes de fréquentation, du moins à l’échelle de notre pays, cette activité est encore loin d’être rentable pour la plupart des opérateurs. Comme pour tout nouveau marché, la concurrence est féroce sur les liaisons à fort potentiel et, à moyen terme, il semble probable qu’il n’y ait pas de place pour tout le monde. Comme souvent, d’ici deux ou trois ans, ne resteront sans doute en place que ceux qui ont, d’ores et déjà, les capacités financières les plus solides.

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Par Jerome Bourgine
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