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Top Resa s’interroge…. peut-on encore prendre l’avion aujourd’hui ?

| Publié le 2 octobre 2019
Thèmatique :  Acteur privé   Initiative privée   Institutionnel 
             

A l’heure où l’on sait qu’il va falloir réduire drastiquement nos émissions carbone sous peine de voir la planète se réchauffer au-delà du supportable, beaucoup s’interroge s’il est encore raisonnable de prendre l’avion aujourd’hui. La question n’est pas nouvelle, mais elle prend de plus en plus d’ampleur au point d’avoir fait l’objet d’une table ronde au cœur de l’IFTM-Top Resa, le plus grand salon des professionnels du voyage. Alors, paradoxe ou réelle prise de conscience d’un secteur de plus en plus sur la sellette du réchauffement climatique ? Retour sur des échanges vifs et passionnés.

Petit tour de table et entrée en matière…

Joli tour de force de François-Xavier Izenic, journaliste et animateur, de réunir autour de la question du transport aérien Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, Marc Rochet, professionnel de l’aérien et président du directoire d’Air Caraïbe,  Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EDV), Gérard Feldzer, ancien pilote engagé qui a monté l’association « A Tree for you » et Guillaume Cromer consultant à ID Tourism et Président d’Acteurs du Tourisme Durable (ATD)… d’autant qu’évidemment, ils n’ont ni les mêmes combats, ni la même histoire, ni les mêmes responsabilités. Et pourtant, il est urgent de s’interroger. « On va se prendre le réchauffement climatique en pleine face si on ne fait rien, interpelle Guillaume Cromer, il est temps d’être cohérent et de prendre ses responsabilités ». Mais face à ce constat qu’aucun ne nie, parce qu’il est effectivement difficile de nier l’évidence, les réponses et prises de position varient considérablement…

Table ronde@TOPRESA

Arrêtez de nous culpabiliser !

Toutefois, quand Guillaume Cromer tire la sonnette d’alarme du réchauffement climatique, Marc Rocher n’aime pas du tout les leçons de morale et le fait savoir haut et fort : « Je ne suis pas inquiet mais j’ai des responsabilités. Je constate toutefois que la croissance du trafic aérien a été de 5,2% entre le 1er janvier et le 30 août de cette année. Le comportement des voyageurs est ce qu’il est. Les gens prennent l’avion parce qu’ils ont envie, des choses à faire, des actions à mener. On n’a pas le droit de donner des leçons de morale et de dire aux gens ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire. » Et d’arguer aussi que le transport aérien n’est pas le seul responsable, que tous les secteurs, l’industrie, l’élevage… doivent prendre leurs responsabilités. D’ajouter aussi qu’il ne croit pas à la solution des taxes, une fausse bonne idée à l’image de la taxe Chirac où seuls deux pays ont finalement suivi la France. Mais alors, laisser faire ? Non, impossible de rester inactif, de ne pas changer nos comportements d’après Gérard Feldzer, qui croit à la régulation étatique mais aussi à l’action citoyenne : « L’avion est devenu un objet de consommation courante, or cela ne peut pas continuer ainsi, l’aérien doit à présent se cantonner aux séjours longue durée. On ne peut pas empêcher les gens de voyager mais un arbre ne pousse pas jusqu’au ciel. » Et c’est l’ancien pilote aux 20 000 heures de vol qui parle, conscient de ses contradictions et de ses responsabilités, mais à présent engagé pour la transition et persuadé que le transport aérien doit évoluer.

Jean-François Rial et Gérard Feldzer@TOPRESA

Taxer, compenser, réduire, économiser, moderniser ?

 Alors, quelle solution puisque que l’on ne peut plus continuer à voler comme si de rien n’était. Jean-François Rial évoque le plan Corsia qui, depuis 2016, oblige le transport aérien à maitriser ses émissions de CO2 : « Le plan Corsia c’est la stabilité pendant 10 ans puis réduire de 50% nos GES. C’est la moitié de ce qu’il faut faire, cela ne suffit pas ». Lui fait partie de ceux qui défendent une taxe, et préconise une écotaxe fléchée, forme de taxe carbone sur toutes les activités polluantes qui évite les travers de la taxe Chirac qui s’était notamment noyée dans le budget de l’état sans traçabilité. Une initiative également portée Jean Pierre Mas : « Notre idée serait de mettre en place la Contribution Planète, un fond dédié pour planter des arbres, une contribution pour absorber le CO2 produit et arriver au carbone neutre le temps de la transition.» Gérard Feldzer, via son association « A tree for you » (où un arbre planté = 1 heure de vol) est également partie prenante et partenaire de cette solution, conscient que les avions propres ne seront pas pour demain.

Table Ronde « Peut-on encore prendre l’avion aujourd’hui ? »@TOPRESA

En transit ou en transition ?

Des solutions transitoires et dans 20/30/50 ans, des avions propres ? Là aussi les choses sont complexes et encore trop peu étudiées. On parle d’avion électrique, d’hydrogène vert, mais pour produire de l’hydrogène, par exemple, il faut fabriquer des moyens de production adéquat (électrolyseurs, postes haute tension, transformateurs électriques…) et le processus de production nécessite également une quantité importante de métaux (platine pour les électrolyseurs, et d’autres métaux rares encore), et donc des activités minières préjudiciables à l’environnement. Sans compter l’énergie nécessaire pour cela. Or a-t-on évalué l’impact environnemental de ce modèle au-delà du gain carbone ?  Gérard Feldzer évoque la possibilité de fabriquer l’hydrogène à partir des énergies renouvelables comme les éoliennes en mer, mais il reconnait que l’utilisation du platine est inévitable. De fait, il manque des études sérieuses et un bilan global. La question se posera inévitablement pour les générations futures.

Istanbul

@G.Clastres

L’action entraine l’action

Mais parce que la planète n’attendra pas 50 ans, il faut se résoudre à trouver des solutions dès à présent qui, si elles ne sont pas miraculeuses, sont déjà des débuts de réponse. C’est donc le cas de la contribution planète mais aussi, celui des voyagistes membres d’ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) qui s’engagent à compenser l’ensemble des émissions carbones administratives d’ici 2020 et toutes les émissions commerciales d’ici 2025. Guillaume Cromer : « A ATR, mais aussi à l’ATES, et plus globalement à ATD, l’ensemble du secteur du tourisme a conscience qu’il faut se bouger et de nombreux acteurs se sont déjà fortement engagés. L’Ademe est également en train de finaliser une étude pour préconiser une stratégie française sur le tourisme. »  Sur le front de l’aérien, des solutions adjacentes sont également en cours pour économiser du carbone. Les compagnies peuvent par exemple faire évoluer certaines habitudes de pilotage. Gérard Feldzer : « Au roulage, un avion peut économiser jusqu’à 300 000 T de CO2 s’il roule à l’électrique. On peut aussi encourager les descentes contrôlées, ce qui consiste, au-delà d’une altitude sûre, à planer sans moteur jusqu’à 250 kilomètres et permettre ainsi 8% d’économie. » Marc Rocher évoque également ces avions nouvelle génération qui consomment jusqu’à 25% de carburant en moins comme les trois A350-900 acquis par Air Caraïbe.

Et impossible de ne pas revenir au consommateur, de ne pas envisager une certaine modification de nos habitudes de vie, de nos façons de voyager, en volant moins souvent, pour des durées plus longues, en favorisant les mobilités douces quand c’est possible. Sur ce point Jean-François Rial croit beaucoup à la prise de conscience des jeunes générations : « Il y aura aussi une réduction de la consommation des avions par les jeunes, ils ont une conscience plus aigue et sont prêts à changer leurs comportements. » Enfin, il y a la question de l’état, de la régulation, parce qu’il est inacceptable de voir les prix cassés de certains vols quand les trajets en train atteignent parfois des tarifs indignes. Et là se pose une fois plus la question des politiques, de l’importance de donner des directions fortes. On pourra toujours réduire, compenser, économiser, moderniser, si il n’y a pas de régulation, il y aura toujours cette guerre de prix préjudiciable à tous.

Itinérance

Cette autre France@M.Mouillet

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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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