Français, qu’avez-vous fait d’Ader l’aérien ?
Thèmatique : Acteur privé Conseils Ingénierie Initiative privée Innovation Tourisme de masse
La question du transport aérien titille le secteur du tourisme depuis quelques années déjà, véritable épine dans l’aile sans solution évidente pour l’heure. Alors certes, pendant la pandémie, l’ensemble des flottes du monde entier furent clouées au sol, privées de sortie, quoi que parfois obligées de faire une ronde en l’air pour garder un créneau de vol ou entretenir la machine. Il fut alors question de réinventer le tourisme, d’imaginer le monde d’après, de remettre en cause des années à s’envoyer en l’air sans entrave ni état d’âme. Depuis quelques mois toutefois, la planète panse ses plaies, les avions reviennent, la roue tourne, et le monde d’après ressemble étonnamment au monde d’avant.
L’avion ! L’avion ! qu’il monte dans les airs
A l’avion ! Objet de tant de débats, bien avant la pandémie déjà. « Peut-on encore prendre l’avion ? » « Un monde sans avion est-il possible ? » Mais que reproche-t-on à cet oiseau de fer sublimé par le magnifique poème de Guillaume Apollinaire qui scande chacun de mes titres et que vous retrouverez en annexe ? Tout simplement d’être responsable de 6 à 7 % des gaz à effets de serre, ces fameux GES que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous exhorte de réduire au maximum, nous prévoyant une planète exsangue d’ici quelques années, victime non plus du Covid mais d’un réchauffement climatique dont l’épée de Damoclès a fait vaciller jusqu’aux plus soixante-huitards des anti-nucléaires (…). L’avion nous pèse donc, car on ne le prend plus exceptionnellement comme c’était le cas alors, pour Le grand voyage qui nous permettait de franchir mers et océan afin de découvrir des contrées éloignées où l’on allait passer quelques semaines durement gagnées à la sueur de nos économies.
Qu’il plane sur les monts, qu’il traverse les mers,
Non, à présent, l’avion, c’est tendance, c’est pratique, c’est donné. La frénésie s’est emparée du monde. Internet, OTA, low-cost, autant de révolutions à l’envers qui ont fait qu’en 2018, 1,3 milliard de passager ont embarqué à bord d’un vol low-cost, soit environ 1/3 du nombre total du trafic mondial (chiffres ADEME). Le train est alors devenu totalement hors de course, ringard. Comment convaincre un honnête salarié de payer un billet de train trois fois plus cher pour rejoindre une destination qu’il peut atteindre en un saut de puce aérien pour le prix de quelques kilos de pommes ? C’est vrai, après tout, pourquoi se poser des questions sur une planète de toute façon fichue quand on a tout à portée de main, le Parking à l’aéroport d’Orly pour garer son carrosse le temps des quelques jours d’absence, la monture d’acier pour chevaucher les nuages, et un budget ridicule pour s’offrir une escapade bien méritée… Et puis, s’il nous reste quelques états d’âmes, on peut toujours compenser son vol, c’est-à-dire donner quelques deniers pour un projet de reboisement, de végétalisation ou mieux encore, financer une mangrove, le carbone bleu, c’est très efficace et ça absorbe encore mieux le Co2 que les forêts.
Qu’il aille regarder le soleil comme Icare
Mais que fallait-donc-t-il faire pour éviter cette galère ? On voit bien que depuis la fin du Covid, on vise à ce que tout reparte comme avant. On lit dans le TourMag du 7 mars dernier : « Le secteur de l’aérien se redresse progressivement avec un possible retour à la normale du trafic en 2023 ou début 2024. » Alors, souhaitait-on réellement réinventer le tourisme quand le « retour à la normal » a toujours semblé l’étalon à atteindre pour rassurer des compagnies aériennes certes très malmenées. Pas facile finalement, cette équation à multiples données. On voit bien que les pratiques voyageuses vont reprendre comme avant. Et puis, le voyage, c’est formidable, cette fenêtre sur l’ailleurs, la découverte, l’ouverture, la rencontre. L’idée n’est pas non plus de circoncire nos horizons à des cercles concentriques version Covid. Non. Mais, quand on regarde les long-courrier, responsables de 80 à 90 % du coût carbone d’un voyage de trois semaines à l’autre bout du monde, on sait qu’il faudrait voyager moins souvent et plus longtemps. Et donc bannir ces escapades en avion à tout va, low-cost en bandoulière. Détachez vos ceintures !
Et que plus loin encore un avion s’égare
Voyager moins, mieux, différemment. Pas le choix tant que la technologie ne sera pas en mesure de nous fournir des avions propres. Or l’avion électrique ou à hydrogène vert ne seront pas réalisables d’ici trente ans, au moins, dixit les spécialistes. Reste donc un panachage de solutions à envisager simultanément. Un entre-trois ou quatre entre réglementation, compensation, responsabilisation. Réglementer parce qu’il est surréaliste qu’un Lyon-Barcelone soit moins cher par les airs que par le rail avec des tarifs ridicules au point que les habitants de la cité de Gaudi en aient fini par honnir les voyageurs. « Tourist Go Home ». Réglementer aussi parce qu’une taxe carbone telle qu’elle est défendue par certaines personnalités du monde du tourisme pourrait amener à plus d’équité et plus de mesure. Compenser aussi parce qu’il existe des programmes d’absorption carbone intéressant à découvrir et là je vous invite à voyager sur nos lignes. Responsabiliser enfin, parce que la somme de nos comportements ne sera toujours que le total de nos destinées. Et cela on peut aussi le faire infuser d’ici le 10 avril….
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Pour découvrir le poème « L’avion » de Guillaume Apollinaire suivre ce lien.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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